Au fil du temps, les relations se font plus difficiles entre les acteurs du port et les associations de protection de la nature et, dans une moindre mesure, avec les riverains. Les tensions ont démarré avec le projet Holcim, se sont exacerbées ensuite avec le PPRT (Plan de prévention des risques technologiques), et continuent de se détériorer. Beaucoup de responsables d’entreprises de la zone portuaire lèvent les yeux au ciel quand on évoque les associations écologistes. Deux événements ont renforcé le clivage. D’une part, le port, en s’enfermant derrière une clôture comme l’y obligeait la réglementation internationale, s’est fermé à ses riverains qui se sont trouvés dépossédés d’un site qu’ils considéraient jusque-là comme leur appartenant, comme les aires de jeu pour les enfants ou les parkings pour garer les voitures. D’autre part, le PPRT a provoqué un traumatisme. Les habitants des quartiers proches, qui ont toujours vécu auprès des cuves de produits pétroliers sans s’en soucier, les ont tout à coup perçues comme dangereuses. Et pour certains d’entre eux, les plus proches, cela a été pire encore puisqu’ils vont devoir quitter, contraints et forcé, les logements qu’ils occupaient jusqu’alors.
Pourtant, de leur côté, les entreprises de la zone portuaire considèrent qu’elles ont mis tout en œuvre pour que le dialogue se passe bien. Dans un souci de transparence, la plupart ont joué le jeu des réunions publiques, des visites de leurs locaux, de l’information sur leurs projets. Mais leurs efforts se retournent souvent contre eux. « Nous avons face à nous des gens partisans, qui arrivent avec des idées préconçues et qui n’écoutent rien. Quelle que soit l’explication que nous leur donnons, elle est considérée a priori avec suspicion. »
Les derniers sujets de tensions sont symptomatiques de cet état des relations. Ainsi, Holcim a procédé aux premiers essais de son usine, essais menés discrètement et qui n’ont eu aucune incidence sur le voisinage. Mais quelques jours plus tard, certains se sont plaint des poussières qui se rabattaient sur les quartiers proches et ont aussitôt incriminé la cimenterie. Vérification faite, les poussières provenaient d’un chargement de céréales.
L’autre épiphénomène, c’est le déroctage du port qui a suscité là encore des récriminations, émanant cette fois de l’île de Ré. Durant les trois semaines du chantier, des panaches turbides sont parfois apparus dans l’eau au-dessus des fonds creusés. Des mesures physiques et chimiques ont aussitôt été réalisées pour en connaître l’impact. Les analyses ont été plus limpides que la mer elle-même: aucun problème, ni chimique, ni bactériologique. Mais l’association Ré Nature Environnement s’était déjà insurgée par voie de presse. « Il a ensuite fallu éteindre le feu qui commençait à prendre et qui n’était pas justifié », regrette Bernard Plisson, responsable développement durable du port.
Le dernier croc-en-jambe est venu de la région. En juin, la préfecture a sollicité l’avis des collectivités locales sur le PPRT. Le conseil municipal rochelais a voté favorablement avec 28 voix pour, 10 contre et 11 abstentions. En revanche, ce n’est pas passé à la Région (une Région présidée par Ségolène Royal, dont on connaît la fibre écologiste). Les élus ont repris plusieurs des arguments de l’association Respire, qui rassemble les riverains des quartiers proches du port. Ils ont considéré que l’esprit de la loi visant à la prévention des risques n’était pas respecté. Et que « la concertation n’a pas abouti à un résultat permettant une sécurisation maximale et durable pour les riverains ».