Privatiser la sécurité: une solution pavée de problèmes

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Les statistiques des attaques de pirates au large des côtes somaliennes ont chuté en 2012. Certains y voient l’effet dissuasif des gardes privés armés embarqués par près de la moitié des 10 000 navires européens qui croisent chaque année dans ces eaux à risque.

Selon Dominique Montecer, gérant de la société SMS Backing, « ce qui a principalement joué, ce n’est pas la présence de gardes armés à bord, mais l’autorisation accordée par les Nations unies aux commandos américains ou européens des forces spéciales pour des incursions à terre ». Depuis mars 2012, les militaires peuvent attaquer les bases et dépôts des pirates sur la côte, ciblant leurs navires, leurs réserves de carburant.

Selon un officiel sri-lankais, près de 2 400 gardes opèrent dans l’océan Indien, britanniques et américains surtout, mais aussi allemands, italiens, ukrainiens et sri lankais. Quelques Français ont des filiales à Madagascar, en Afrique du Sud. En 2011, le p.-d.g. de Mærsk, Stephen M. Carmel, a indiqué qu’une équipe de protection d’un de ses navires lui coûtait quelque 5 000 $ par jour, soit 70 000 $ par passage.

Les conditions dans lesquelles opèrent ces prestataires privés relèvent plus de cahiers des charges des entreprises et de chartes internes que d’un vrai cadre légal international. « Il n’y a pas de statut juridique. Je plains le gérant de société en cas de bavure, d’autant qu’on embarque de plus en plus des gens aux profils moins spécialisés, légionnaires sans expérience navale, ou chômeurs avec un mince passé militaire. Rien à voir avec les anciens commandos de marine et nageurs de combats qui ont l’esprit marin et savent se comporter au sein d’un équipage », insiste Dominique Montecer. Les Sri Lankais vendent leurs services cinq fois moins cher que les prestataires européens.

La création d’une société semi-publique envisagée en France pour servir le pavillon français reste paralysée par le risque de syndrome Bob Denard, livrant à eux-mêmes les mercenaires en fin de contrat. D’autant que le recours à ces gardes armés lève quelques réticences et interrogations. Les capitaines de navire craignent les conflits de commandement. Les autorités des États s’inquiètent de la circulation d’armes de guerre hors du contrôle des forces militaires. Les armureries flottantes, hors des eaux territoriales, alimentant les équipes embarquées, ne les rassurent pas. Des soupçons de vente d’armes ont amené les Nigérians à saisir le navire russe Myre-Seadiver et ses quinze marins libérés sous caution, en mars, après cinq mois de détention. Opéré par une société sri lankaise, le Sinbad, 50 m de long lui aussi, servant d’arsenal aux gardes armés privés, a été saisi en octobre aux Émirats arabes unis.

Bavure fatale

Tensions diplomatiques aussi entre l’Erythrée et le Royaume-Uni, et cinq mois de détention pour l’équipe qui a transformé un îlot en mer Rouge en base paramilitaire et dépôts d’armes. Sans autorisation de l’Erythrée, qui l’a vécu comme une atteinte à sa souveraineté. Idem pour les deux marins italiens, militaires cette fois, embarqués sur le super tanker italien Enrica-Lexie, accusés du meurtre, le 12 février 2012, de deux pêcheurs. Sans précédent judiciaire, c’est le premier cas de bavure fatale de militaires embarqués sur des navires marchands, le cas n’est toujours pas jugé après des mois de tensions diplomatiques. Le gouvernement italien veut un jugement en Italie, « les faits ayant eu lieu dans les eaux internationales, sur un navire battant pavillon italien ». Les Indiens maintiennent que les pêcheurs ont été tués dans leurs eaux territoriales.

Devant les restrictions des budgets militaires, français y compris, les gardes armés privés sont revendiqués notamment pour Armateurs de France. Son délégué général, Éric Banel, rappelle que les ministres des Transports et de la Mer « ont récemment pris position pour qu’une loi intervienne rapidement. Le texte doit être bouclé fin août, soumis au parlement à l’automne, en espérant l’adoption début 2014. Le Cnaps (Conseil national des activités privées de sécurité) dispenserait agrément et formation, dans l’esprit de ce qui se fait pour les convoyeurs de fonds, à terre ».

En février 2012, le rapport des députés Christian Ménard et Jean-Claude Viollet a alerté: « Les armateurs risquent de se tourner vers l’offre britannique, faute d’un cadre juridique permettant aux Français de concourir. Cela pourrait même accentuer le phénomène de dépavillonnement. » En mai, Mærsk a banni les navires français de certains trafics, notamment pétrolier, dans la zone somalienne. Il y aurait comme une urgence de compétitivité.

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