Jusqu’ici, la lutte contre la piraterie s’est menée en mer. De nombreux rapports et observateurs rappellent pourtant que le problème n’est pas uniquement sécuritaire mais bien social et économique. « La piraterie maritime au large des côtes d’Afrique de l’Est ne peut être vaincue par les seuls moyens militaires », a estimé le Parlement européen en mai 2012. La piraterie est ici née dans les années 1990 quand les pêcheurs somaliens ont protesté, sans succès, contre la pollution de leurs eaux par des dépôts sauvages de métaux lourds et de déchets radioactifs, et contre leurs droits de pêche bafoués par des navires étrangers. Ce n’est pas une hypothèse ou une excuse, c’est une réalité attestée, notamment par le Programme des Nations unies pour l’Environnement. Les effets du tsunami de 2004 ont vu des conteneurs de produits toxiques éventrés sur les plages de la corne de l’Afrique. Les premiers pirates, eux-mêmes dénommés « gardes-côtes volontaires de Somalie », ont bénéficié du soutien de la population, appuyant ce qui est ici considéré comme un mode de défense des eaux territoriales du pays.
Cadre juridique et propositions
En 2008, quatre résolutions des Nations unies ont fondé le cadre juridique permettant aux États d’intervenir contre la piraterie dans les eaux territoriales somaliennes, mais sans évoquer la pêche illégale ou les déchets sauvages en mer. La Somalie n’ayant pas de représentation solide aux Nations unies n’a pu exiger des amendements pour protéger sa souveraineté.
À partir de décembre 2008, les forces navales européennes (Eunavfor) et des Nations unies ont pu patrouiller dans le cadre de l’opération Atalante, lancée pour un an, régulièrement reconduite depuis. C’est d’ailleurs la première opération navale de l’histoire de l’Union européenne. Mais des 35 navires de guerre déployés au départ, l’armada ne compte plus aujourd’hui que quatre frégates et un patrouilleur. Et si le commandement est situé au Royaume-Uni, la Royal Navy ne fournit aucun navire.
Suppléant aux restrictions des États qui ont limité la mise à disposition de leurs moyens militaires, l’embarquement des gardes armés recrutés par des sociétés privées, à la charge des armements, a contribué à la baisse des attaques en 2012. Mais à terre, la reconstruction d’un État de droit et d’une justice sociale est plus compliquée.
Le rapport présenté le 25 janvier 2011 au Conseil de sécurité de l’ONU par Jack Lang, conseiller spécial pour les questions juridiques liées à la piraterie au large de la Somalie, a fait 25 propositions. Notamment la création d’alternatives à la piraterie et d’emplois dans la pêche et la transformation, les activités portuaires, l’exportation de bétail. Des initiatives qui n’ont pas porté leurs fruits. Le rapport Lang préconise aussi de construire des prisons et d’établir une justice opérationnelle. Une première formation de juristes et magistrats somaliens vient d’avoir lieu en France. Mais malgré les discours, les seules poursuites ont concerné les exécutants de la piraterie, jamais les bénéficiaires ni les têtes de réseaux et commanditaires.