Les vracs secs sont le segment de l’activité qui est le plus durement touché par la crise. En 2012, le trafic a augmenté de 11,6 % à 88,5 Mt, un chiffre qui demeure cependant très éloigné du pic antérieur à la crise (116,9 Mt en 2007). Les responsables des ports espagnols ne pensent pas que le terrain perdu puisse être rattrapé au cours des deux ou trois prochaines années. Les chiffres des six premiers mois de 2013 attestent de cette fragilité avec une nouvelle baisse de 17,6 % à 36,7 Mt.
La reprise observée en 2012 s’explique principalement par la hausse des importations de charbon, liée à l’inflexion du gouvernement du Parti populaire (PP) en matière d’approvisionnement des centrales thermiques. Par ailleurs, la sécheresse a stimulé les importations de céréales dont l’Espagne est structurellement déficitaire. Mais une fois les stocks de charbon reconstitués, les débarquements ont baissé à nouveau en 2013. Il en va de même pour les céréales en raison d’une meilleure récolte cette année.
À l’effet de la crise viennent s’ajouter les conséquences des mutations structurelles de l’économie espagnole. « Les ports espagnols doivent s’adapter aux nouvelles stratégies des entreprises », explique José Llorca, président de Puertos del Estado. Comme les autres pays européens, l’Espagne est confrontée à une restructuration de la sidérurgie. Dans le cas d’ArcelorMittal, la mise en place de bonifications pour le trafic de minerai de fer et de charbon dans le port de Gijón a été associée à l’engagement du groupe de rouvrir le haut-fourneau no 2 en janvier. Il en a résulté une hausse du trafic pendant le premier semestre de cette année (+ 5 % pour le minerai de fer et + 2,8 % pour les produits sidérurgiques). Pour autant, la menace d’une délocalisation n’est pas définitivement écartée.
La marge de manœuvre des autorités est nettement plus réduite en ce qui concerne les matériaux de construction. Le marché espagnol du ciment a enregistré une chute vertigineuse puisqu’il est passé de 56 Mt en 2007 à 13,5 Mt en 2012 (− 76 %). Les importations de ciment et de clinker ont été ramenées de 13,9 Mt en 2007 à 0,5 Mt en 2012. Les exportations augmentent (5,9 Mt en 2012 contre 1,1 Mt en 2007) mais leur progression est freinée, selon le syndicat professionnel Oficemen, par le coût du transport et de l’énergie. Selon les responsables portuaires interrogés, les perspectives de reprise du trafic de matériaux construction en Espagne sont très éloignées.
L’atout d’infrastructures suffisantes
Dans ce contexte difficile, le principal atout des ports espagnols réside dans la disponibilité d’infrastructures suffisantes, voire même parfois surdimensionnées. Le leader, Gijón (14,5 Mt en 2012, 84 % du trafic total), s’est doté d’un nouveau port extérieur dédié principalement aux vracs solides et liquides, un projet dont le coût final a atteint 624 M€ et qui n’a pu être mené à bien que grâce à un prêt exceptionnel de 215 M€ accordé par Puertos del Estado en février 2010. Le nouveau port permet d’accueillir des navires de 230 000 tpl et offre 2,9 km de ligne de quai avec une superficie de 140 ha. La capacité de manutention est estimée à 25 Mt/an! Conçu avant la crise dans une période de croissance régulière du trafic, les nouvelles installations sont actuellement inutilisées.
Le port de Bilbao offre l’exemple contraire d’une stratégie réussie, grâce aux investissements privés dans le port extérieur d’El Abra. En octobre 2012, Repsol a mis en service un complexe destiné à stocker et expédier du coke de pétrole et du soufre issus de la raffinerie de Muzkiz, située à 5 km à l’ouest du port. L’investissement global a représenté 20 M€. Même si la crise laisse planer un doute sur le volume des flux, ce projet vient renforcer la position déjà solide du port de Bilbao dans les vracs industriels. La société Befesa a mis en route une unité de production d’acide sulfurique à partir du soufre (capacité de traitement: 120 000 t/an).