En matière de transport maritime à courte distance (TMCD) et d’autoroutes de la mer (ADM), l’Espagne a beaucoup avancé. Entre l’Espagne et l’Italie, les différentes liaisons maritimes ont une part de marché de 35 % pour les marchandises, un résultat d’autant plus appréciable que ce trafic a surgi à l’initiative du secteur privé, sans appui officiel. « La ligne entre Barcelone et Civitavecchia est, avec six fréquences par semaine, un exemple parfait d’autoroute de la mer », estime Ana Arévalo, responsable du TMCD à l’Autorité portuaire de Barcelone (APB).
Sur la côte méditerranéenne, le démarrage est déjà ancien puisque Grimaldi a initié le trafic marchandises entre l’Espagne et l’Italie dans les années 1980 et a inauguré la première ligne de ferry ro-pax, entre Barcelone et Civitavecchia, en 2004. Barcelone est le port leader en matière de TMCD sur la côte méditerranéenne avec des liaisons aussi bien vers l’Italie (Gênes, Savona, Civitavecchia, Porto Torres et Livourne) que vers l’Afrique du Nord (Alger, Tanger et Tunis). Cette position a été renforcée avec les investissements dans les terminaux: Terminal Ferry Barcelona (TFB), opéré par Acciona Trasmediterranea, et Grimaldi Terminal Barcelona (GTB), inauguré le 1er juillet.
Sur la façade Nord de l’Espagne, la situation est sensiblement différente. Le port de Bilbao offre des services de TMCD depuis plusieurs années vers le nord de l’Europe (Transfennica, Britanny Ferries, etc.). Les gouvernements français et espagnol ont lancé un appel d’offres en 2007 pour la mise en place d’ADM franco-espagnoles et deux projets ont été retenus. La liaison Gijón-Nantes Saint-Nazaire a débuté en septembre 2010 tandis que celle entre Vigo et Nantes Saint-Nazaire n’a toujours pas vu le jour. Initialement portée par Acciona Trasmediterranea, c’est finalement le groupe Suardiaz qui a repris le projet en 2013.
Bilan positif pour la ligne Gijón-Nantes Saint-Nazaire
Le TMCD et les ADM ont été conçus pour réduire le poids du transport routier de marchandises et favoriser la multimodalité. La ligne Gijón-Nantes-Saint Nazaire, qui est opérée par LD Lines, a fêté son 3e anniversaire le 8 septembre et affiche un bilan positif. Le trafic a augmenté régulièrement, atteignant 628 000 t en 2011, puis a baissé en 2012 (− 4 % à 603 000 t) sous l’effet de la crise. Cependant, les chiffres du premier semestre de 2013 indiquent une nette reprise (+ 13 %). « Si la tendance se maintient, nous atteindrons un nouveau record en 2013 », dit-on à l’Autorité portuaire de Gijón.
La ligne a gagné un client inattendu: l’industrie automobile. Renault expédie par chemin de fer à Gijón des automobiles fabriquées dans les usines de Valladolid et Palencia, qui sont ensuite acheminées vers la France par la mer. En 2012, 15 272 véhicules ont emprunté l’ADM et le trafic a fait un bond en avant spectaculaire pendant le premier semestre de 2013 avec 12 198 véhicules. Cet exemple illustre parfaitement la contribution que le TMCD et les ADM peuvent apporter au développement de la multimodalité.
Les milieux professionnels espagnols concernés (compagnies maritimes, profession du transport routier de marchandises, etc.) estiment qu’il y a un gros potentiel de développement de ces trafics, à condition de surmonter plusieurs obstacles. Il y a d’abord un problème d’information. L’Association espagnole pour la promotion du TMCD (SPC Spain) a décidé d’organiser des réunions d’information: deux ont eu lieu à Pampelune (mars) et à Murcie (avril). Deux autres réunions sont prévues d’ici la fin de l’année. Quatre réunions sont prévues en 2014. « Notre idée est d’aller à la rencontre des transporteurs pour leur faire connaître le TMCD et de les inciter à utiliser le navire », explique Manuel Carlier président de l’association et par ailleurs directeur général d’Anave, équivalent espagnol d’Armateurs de France.
L’association plaide, par ailleurs, pour une simplification des procédures et l’amélioration des accès portuaires, routiers et ferroviaires. Plus généralement, la philosophie est d’appuyer le trafic par une amélioration de l’environnement dans lequel opèrent les entreprises plutôt que par le biais d’une augmentation des subventions. « Je ne suis pas partisan de continuer à distribuer des aides au TMCD. Il est très difficile d’aider une compagnie maritime sans, tôt ou tard, créer une distorsion de la concurrence », affirme Manuel Carlier.
Le TMCD et les ADM butent aussi sur un problème plus structurel de la profession du TRM espagnol. Celle-ci est fortement atomisée et caractérisée par la prédominance écrasante des PME et des indépendants. Seuls les grands groupes sont en mesure de faire monter des remorques à bord d’un navire et de mettre en place le système de réception à l’arrivée. Les perspectives de développement du « non-accompagné » sont encore limitées.
La mise en place d’une incitation financière, sous la forme, par exemple, d’un écobonus, pourrait être une solution. Le gouvernement du Pays basque espagnol a créé un dispositif applicable aux remorques et dont seules peuvent bénéficier les sociétés ayant leur siège social dans cette région. Les autres régions espagnoles n’ont pas suivi. José Llorca, président de Puertos del Estado, y est favorable mais à un niveau européen. « Nous avons présenté un projet dans ce sens à la Commission », précise-t-il.