L’amélioration des accès ferroviaires des ports espagnols et l’augmentation de la part du chemin de fer dans les pré et post-acheminements (inférieure à 5 % en moyenne actuellement) sont désormais des objectifs stratégiques des responsables portuaires espagnols. Les ports espagnols disposent généralement de connexions ferroviaires, mais les convois empruntent les lignes de passagers qui sont prioritaires. La part du fret en Espagne reste faible, malgré la libéralisation du marché. Valence est le seul port espagnol d’où peuvent partir actuellement des trains de 750 m dans le couloir vers Madrid.
À cela s’ajoute un phénomène spécifique à l’Espagne: l’existence d’un écartement des rails dit ibérique (1,668 m) sur la plupart du réseau (à l’exception des lignes TGV), supérieur à celui en vigueur dans le reste de l’Europe, dit « UIC » (1,435 m). Il en résulte un obstacle supplémentaire alors que les entreprises espagnoles intensifient leurs efforts à l’export.
Au ministère de l’Équipement, on affirme que le développement des accès ferroviaires des ports espagnols est « une priorité absolue ». La majorité des autorités portuaires a signé des conventions avec Adif, l’équivalent espagnol de RFF, qui fixent les règles en matière de connexion ferroviaire. Faute de pouvoir financer la construction de couloirs dédiés au fret jusqu’à la frontière française, la solution retenue par le ministère consiste à installer le standard UIC, soit par le biais d’un « troisième rail » au standard UIC, soit en modifiant l’écartement des voies existantes. Le premier projet a été inauguré en décembre 2010: il s’agit d’une solution mixte entre le port de Barcelone et la frontière française, basée sur l’utilisation de certains tronçons de la ligne à grande vitesse existante et la pose d’un troisième rail. Depuis cette date, le port de Barcelone est le seul à disposer d’une liaison ferroviaire vers la France au standard UIC.
Cet investissement a nourri les revendications des autres ports méditerranéens. En décembre 2012, le ministère de l’Équipement a présenté le programme d’implantation du rail UIC le long des 570 km de la côte méditerranéenne, entre Castellbisbal, situé sur la ligne UIC existante, et Murcie. Le coût global est de 1,4 Md€. Le ministère de l’Équipement s’est engagé à ce que le troisième rail soit opérationnel à Valence en 2015 et à Alicante en 2016. Plusieurs tronçons sont en construction. La ministre Ana Pastor aime répéter qu’elle « tient ses engagements », ce qui a été le cas jusqu’ici à quelques mois près. Autre exemple de ce volontarisme: la construction des accès routiers et ferroviaires définitifs du port de Barcelone. Une solution de cofinancement a été mise en place par le ministère et l’Autorité portuaire de Barcelone (APB).
Sur la façade Nord, le degré d’avancement est moins important. La liaison UIC entre les ports basques (Bilbao et Pasajes) et la frontière française n’a pas de calendrier précis. Lors d’une visite au port de Bayonne, en juin 2013, la conseillère à l’Environnement et la Politique territoriale du gouvernement basque, Ana Oregi, a indiqué que le tronçon Biriatou-Saint Sébastien du « Y basque » (LGV reliant les trois capitales de la région) n’était plus d’actualité. La pose d’un troisième rail est envisagée.
Projet de Variante ferroviaire sud
L’incertitude concerne également les accès aux principaux ports. L’Autorité portuaire de Bilbao (APB) plaide depuis plusieurs années pour la Variante ferroviaire sud (VSF) qui éviterait aux convois de marchandises de traverser le tissu urbain. Mais le projet est coûteux en raison du relief qui exige de construire des tunnels: une étude réalisée en 2008 a chiffré le projet à 600 M€. À La Corogne, la connexion ferroviaire avec le nouveau port extérieur en est encore au stade des études.
La mise en place d’une ligne UIC est une condition nécessaire mais pas suffisante. Il faudra aussi que les autorités portuaires réalisent les investissements dans les enceintes portuaires; or toutes ne disposent pas des moyens suffisants, d’où le projet de Puertos del Estado de créer un fonds destiné à appuyer ces projets. Mais un facteur positif nouveau est la pression des entreprises, soucieuses de réduire les coûts afin d’améliorer leur compétitivité: les patrons s’expriment désormais ouvertement sur la place publique. Et des progrès sont perceptibles. Le classement que publie chaque année l’Anfac, le syndicat professionnel des constructeurs d’automobiles, sur la manutention des véhicules neufs dans les ports, fait état de progrès réguliers et d’une situation globale satisfaisante.