Bilbao: le pari sur les ports secs

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Il y a un peu plus de vingt ans, en 1992, l’Autorité portuaire de Bilbao (APB) a lancé les travaux de construction du nouveau port extérieur d’El Abra. Le projet a été réalisé par étapes et se trouve actuellement pratiquement achevé. « C’est un bel exemple de collaboration entre le secteur public et le secteur privé », fait remarquer Oscar Santisteban, président d’Uniport, une association qui regroupe l’ensemble des acteurs publics et privés qui participent à l’activité du port. L’APB a investi au total 767 M€ dans les infrastructures de base, parfaitement dimensionnées aux nécessités du trafic, auxquels sont venus s’ajouter 2 Md€ d’investissements privés.

Avec un trafic de 29 Mt en 2012, Bilbao est le premier port sur la façade Nord de la péninsule et le 6e au niveau national. Mais son importance ne peut se mesurer uniquement de manière quantitative. Port industriel par excellence, il a été l’un des plus touchés par la crise économique avec un recul de 25 % par rapport au pic de 2007 (40 Mt). Dans un contexte difficile, l’APB et la communauté portuaire ont su valoriser les atouts du port.

« Bilbao peut accueillir tous les types de trafics » souligne Oscar Santisteban. Si les vracs liquides représentent la moitié du trafic (51 % en 2012) en raison principalement de la présence de la raffinerie de Petronor, Bilbao est un port spécialisé dans les marchandises diverses (9,6 Mt). Les exportations de conteneurs ont progressé de 13 % en 2012 et le trafic a atteint un record historique: 610 000 EVP (+ 7 %), exclusivement en import-export. Le port a un vrai savoir-faire dans les trafics à valeur ajoutée: papier, machines, colis lourd, agroalimentaire, froid, etc.

Densité du réseau de services maritimes

Par ailleurs, il est particulièrement bien positionné dans les échanges avec l’Europe atlantique, qui représente près de la moitié du trafic (45 % en 2012), et le continent américain (33 %). La densité du réseau de services maritimes avec ces destinations, notamment l’Europe atlantique (5 départs/jour en moyenne avec Mac Andrews, Finnlines Transfennica, etc.), est un avantage comparatif essentiel en Espagne. « L’ampleur de notre hinterland varie selon les destinations géographiques. En ce qui concerne l’Europe atlantique, il s’étend à la majeure partie de la péninsule. Lorsqu’il s’agit de l’Extrême-Orient, il est plus réduit et la concurrence est plus forte », souligne Oscar Santisteban.

Stratégie volontariste

L’APB a une stratégie volontariste de vertébration de sa présence dans la péninsule ibérique. Elle détient des participations minoritaires dans quatre ports secs: Azuqueca de Henares (Guadalajara), Coslada (Madrid), Jundiz (Vitoria) et Villafria (Burgos). L’APB a l’intention d’investir dans d’autres projets: Nonduermas (Murcie); Arasur (Alava), appelé à devenir la grande plate-forme logistique du Pays basque espagnol; Pancorbo (Burgos); ainsi que dans le terminal ferroviaire de la plate-forme logistique Plaza à Saragosse, aux côtés de Noatum et du port de Valence. L’objectif de l’APB est de faire en sorte que tous ces ports secs et terminaux soient reliés par voie ferrée au port.

La mise en service par la compagnie MacAndrews, en mai, d’une liaison ferroviaire entre le port de Bilbao et le terminal ferroviaire de Nonduermas (Murcie), destinée au transport de fruits et de légumes en conteneurs réfrigérés de 45’, illustre parfaitement la stratégie du port. « L’objectif est de permettre l’exportation de produits agricoles vers les pays d’Europe du Nord grâce aux dessertes maritimes assurées par MacAndrews depuis Bilbao, notamment vers le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la, Russie », affirme-t-on à l’APB. Les producteurs de fruits et légumes du sud et du sud-est de l’Espagne tentent depuis plusieurs années de trouver des solutions alternatives au transport routier, sans grand succès jusqu’ici.

Cet exemple montre que le développement de la présence du port est lié à la qualité des infrastructures de transport. Pour ce qui est de la route, la situation est optimale. Le camion qui sort du port accède directement à l’autoroute A-8: entre le port et la frontière française, il n’y a aucun feu rouge. Sur cette même autoroute, un embranchement à hauteur de Bilbao ouvre la voie du centre et du sud de l’Espagne. En matière ferroviaire, la situation est moins favorable. Certes, tous les terminaux disposent de connexions ferroviaires et il est possible de constituer des trains de 450 m de long. En 2012, le volume de marchandises entrées ou sorties via le rail a progressé de 9 % (1,2 Mt) et la hausse a été plus significative encore pour les conteneurs: + 20 % (85 901 EVP, soit 16 % du trafic). Reste cependant à résoudre la question de l’accès: la voie actuelle traverse des zones urbaines. Le projet de la Variante sud ferroviaire (VSF), qui permettrait de contourner Bilbao et sa banlieue, ne figure pas pour l’instant dans la liste des projets prioritaires du ministère de l’Équipement.

En dépit de cette contrainte, l’APB affiche des objectifs ambitieux. Le nouveau plan stratégique, qui vient d’être approuvé, prévoit de faire passer le trafic à 37,5 Mt (hors avitaillement et trafic intérieur) en 2017, soit une hausse de 30 % par rapport à 2012. L’APB table sur des hausses de 16 % dans les conteneurs, de 31 % dans les vracs liquides et de 41 % dans les solides.

Sans port extérieur, Pasajes se cherche un avenir

La crise économique que connaît l’Espagne a sonné le glas du projet de construction du nouveau port extérieur de Pasajes, même si celui-ci n’est pas officiellement enterré. L’Autorité portuaire de Pasajes (APP) attend le feu vert de Madrid sur les modifications à l’étude d’impact environnemental: une décision qui risque de se faire attendre plusieurs mois car le gouvernement espagnol ne souhaite pas lancer le projet. D’autant que sur place, le port extérieur a suscité un rejet, non seulement de la part des associations et des écologistes, mais aussi de la « Diputación » (conseil général) et du gouvernement régional basque, dirigés par les partis nationalistes, Bildu et PNV respectivement.

La mise à l’écart du projet intervient dans un contexte maussade. En 2012, le port a traité 2,2 Mt, un chiffre très éloigné du pic de 5,5 Mt atteint en 2006. La crise de la sidérurgie a fait plonger le trafic de ferrailles de 1,9 Mt en 2006 à 0,3 Mt. Le trafic d’automobiles, un point fort du port, a souffert de la concurrence de Santander, et repose essentiellement sur l’activité de General Motors. Le coup de grâce est intervenu il y a quelques mois avec la fermeture de la centrale à charbon d’Iberdrolka, entraînant ainsi la disparition d’un trafic important (400 000 t/an).

À l’APP, on réfléchit donc à l’avenir, « sans le port extérieur ». À la surprise du visiteur, le climat n’est pas à l’abattement, en dépit des handicaps du port: la limitation de la longueur des navires qui peuvent accoster (180 m), la profondeur (9 m) et l’étroitesse des quais. L’objectif est de développer de nouveaux trafics car le port ne manque pas d’atouts. « Notre hinterland est composé d’un tissu industriel de PME qui n’a pas été suffisamment prospecté: nous devons leur proposer des solutions », dit-on à l’APP. Le nouveau président, Ricardo Peña, a annoncé son intention de réutiliser l’espace laissé vacant par la centrale thermique pour la manutention de conteneurs: le port pourrait traiter entre 50 000 et 60 000 conteneurs chaque année. Pasajes est le seul port espagnol qui ne manutentionne pas de conteneurs.

Les difficultés de Pasajes ont donné lieu à des rumeurs de fusion avec Bilbao qui serait, en réalité une absorption par ce dernier. Le gouvernement basque a demandé à Madrid le transfert du port sous sa compétence, sans succès. Le nouveau président de l’Autorité de Bilbao (APB), Asier Atutxa, a écarté publiquement la fusion et celui de Pasajes y est, bien évidemment, fermement opposé. Le Pays basque espagnol devrait donc conserver deux ports de commerce mais des collaborations ne sont pas à exclure.

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