Dans son discours de clôture de la séance plénière du Conseil national de la mer et des littoraux (CNML), le 18 juillet, Frédéric Cuvillier, ministre chargé des transports, de la pêche et de la mer, a confirmé la tenue d’un comité interministériel de la mer (cimer) en fin d’année, ainsi que l’avait laissé entendre le secrétaire général de la mer (SG mer) quelques jours plus tôt (voir JMM no 4883/4884 du 12 juillet, page 5). D’ici là, le gouvernement devrait disposer d’un certain nombre d’études et autres rapports pour avoir quelques dossiers à traiter dans un cimer, un an et demi après son installation.
Ainsi, le ministre a-t-il souligné que la question de l’administration maritime doit être réglée d’ici là au nom de « l’efficacité d’abord ». L’actuel ministère du développement durable ne semble pas échapper aux démons qui sévissaient déjà du temps de Jean-Louis Borloo: s’emparer de tout ou partie des fonctions du SG Mer.
Outre un penchant naturel à occuper tout le volume disponible, le ministère dispose aujourd’hui d’une « enquête sur l’organisation et le fonctionnement du Secrétariat général de la mer » réalisée par la Cour des comptes et remise le 30 avril 2013 au Premier ministre. En deux pages et demi, la Cour évoque la place « incertaine » et le rôle « délicat » du SG mer ainsi qu’une gestion des personnels « contestable ». Elle recommande donc de « préciser la place et le rôle du SG Mer, tant vis-à-vis du cabinet du Premier ministre que des ministères intéressés par les politiques maritimes. » Depuis quelques mois, l’État réfléchit à « moderniser » l’action publique et à réduire les coûts. Le 17 juillet, s’est tenu un comité interministériel pour la modernisation de l’action publique. Celui de fin d’année devrait régler le sort du SG mer, structure interministérielle par nature, placée sur l’autorité directe du Premier ministre. Sujet délicat si l’on souhaite éviter une situation de blocage en privilégiant un ministère, et en fâchant 14 autres.
La piraterie fera l’objet d’une « prochaine décision », a expliqué Frédéric Cuvillier.
Des solutions « difficiles » devront être apportées au dossier de la SNCM. Il faudra également gérer le conflit de droit de la concurrence entre la France et la Grande-Bretagne dont est victime MyFerrylink.
Compétitivité et désenclavement portuaire seront également au programme sans probablement aucune référence implicite ou explicite aux marchés potentiellement accessibles aux places portuaires françaises.
Eurocompatibilité de l’exception française
Dossier qui remonte à déjà trois à quatre ans, l’élargissement de la loi de 1992 à tous les vracs énergiques liquides, gazeux, voire solides, devrait trouver une réponse dans les « prochaines semaines », a précisé le ministre lors d’une conférence de presse. Le Conseil général du développement durable et celui de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies sont en phase de relecture de leur rapport sur ce sujet lui aussi délicat. La loi de 1992, qui a remplacé celle de 1927 (euro-incompatible), exige qu’une certaine capacité de transport de pétrole brut soit sous registre français au nom de la protection des intérêts stratégiques de la Nation, capacité proportionnelle au tonnage importé.
Compte tenu de la baisse tendancielle des importations de brut, syndicats de navigants et armateurs soutiennent l’idée que, toujours au nom de défense des intérêts stratégiques, cette obligation (que l’on ne retrouve nulle part ailleurs en Europe) soit étendue aux autres vracs énergétiques. Tout en se déclarant très favorable à cet élargissement, Joël Jouault, représentant de la CFDT au Conseil national de la mer et des littoraux, a rappelé que, mis à part la Socatra, toutes les autres compagnies françaises de transport pétrolier étaient contrôlées par des intérêts étrangers.
Une source spécialisée remarque que la Commission européenne n’a jamais contesté la loi de décembre 1992. Mais de là à imaginer qu’il serait juridiquement possible, au sein de l’UE, d’exiger que pour tous les vracs énergétiques, certaines capacités de transport soient placées sous registre national, il y a un pas qui tarde à être franchi. Et ce, d’autant que jusqu’à présent, l’UFIP, Total ou GDF sont restés discrets.
Arnaud Leroy en retard
Invité par le CNML, le député PS Arnaud Leroy a fait un point d’étape à la Prévert sur la mission de réflexion « sur la compétitivité des transports et services maritimes » que le Premier ministre lui a confiée. Enfin disponible, la lettre de mission précise que le travail du député se fondera « notamment » sur le RIF. Ses propositions seront « susceptibles de relancer notre marine marchande sans méconnaître le contexte contraint des finances publiques ». Son analyse portera sur les « aspects sociaux, juridiques, fiscaux et financiers » de la question. Le rapport était attendu pour le 15 juillet 2013, avec des premières réflexions et propositions disponibles pour le 15 juin.
Après avoir évoqué rapidement beaucoup de thèmes, comme le financement, la nécessité d’avoir une masse critique de 20 000 navigants (tous temps de travail confondus probablement), la formation et la féminisation du métier, et l’utilisation du GNL, Arnaud Leroy a ajouté qu’il estimait nécessaire de « couper le cordon ombilical » entre l’État d’une part, et les partenaires sociaux, d’autre part. La flotte française de services serait un point fort qui atténue le surcoût du marin français. Le député remettra les fruits de ses réflexions en octobre prochain, a-t-il conclu. Le Premier ministre peut attendre, la profession également.