La croisière ne connaît pas la crise en Europe. Après l’accident du Costa-Concordia au large de l’île de Giglio, le secteur de la croisière a craint une désaffection pour ce type de tourisme, et notamment en Europe. Le Costa-Concordia, toujours allongé sur son flanc, face à l’île, renvoie aux conditions dans lesquelles s’est déroulé le sinistre. Mais la désaffection redoutée des passagers pour la croisière ne s’est pas manifestée en Europe. Bien plus, le secteur de la croisière européenne connaît un véritable boom. Dans son rapport annuel publié le 25 juin, la Clia, association internationale des compagnies de croisière, rapporte que ce secteur a enregistré une croissance de 31 % depuis 2007 à 37,9 Md€. Parmi ce chiffre, les coûts directs générés par la croisière sur l’économie européenne s’élèvent à 15,5 Md€ en 2012 – dont 6,6 Md€ en dépenses effectuées par les compagnies maritimes en biens et services dans les ports européens. Un chiffre en hausse de 3,8 %. Les compagnies de croisière ont notamment dépensé 1,37 Md€ en services financiers allant de l’assurance aux services professionnels en passant par la publicité. La nourriture pour les passagers entre pour 625 M€, et les commissions pour les agents de voyage pour 900 M€. Des effets directs qui se montent à 3,9 Md€ pour les compagnies de croisière dans les chantiers navals. Un chiffre en hausse de 0,3 % qui comprend notamment la construction, la réfection et la maintenance des navires. Un poste qui a connu une baisse en 2008 et 2009. La tendance s’est inversée en 2012. Les autres impacts directs sur l’économie européenne sont à mettre à l’actif des dépenses des passagers et des membres d’équipage lors des escales (3,6 Md€, en hausse de 5,1 %), et 1,4 Md€ de salaires aux équipages européens, en croissance de 4,1 %.
Cinq pays bénéficiaires
Ces impacts de la croisière sur l’économie européenne ont surtout profité à cinq pays. Dans l’ordre décroissant: l’Italie, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Espagne et la France engrangent 82 % des 15,5 Md€ dépensés par ce secteur en Europe. Le tiercé de tête prend à lui seul 67 % des impacts directs de la croisière dans l’économie européenne. L’Italie se stabilise, la Grande-Bretagne voit ses recettes progresser de 3,7 % et l’Allemagne est le grand vainqueur avec une augmentation de 17 % des bénéfices tirés de la croisière, à 2,95 Md€. L’Espagne, quatrième pays dans ce classement, perd 3,3 % à 1,2 Md€ et la France accuse le plus fort repli avec une diminution de 12,9 % à 1 Md€.
L’analyse de la croisière en Europe sous l’angle portuaire montre un déséquilibre entre la Méditerranée et l’Europe du Nord. Les grands ports de croisière européens se situent au Sud avec, en tête de classement, le port de Naples qui a accueilli 1,19 million de passagers en 2012, en augmentation de 3,1 %. Le premier port de croisière français est Marseille, avec 930 000 passagers et des prévisions pour 2013 qui dépasseraient le million. Les trois ports de la Côte d’Azur, Villefranche, Nice et Cannes entrent pour 702 080 passagers, en progression de 5,4 %. Les ports d’Europe du Nord et de l’Atlantique sont dominés par Lisbonne avec 522 604 passagers en 2012. Il représente la moitié du trafic du premier port méditerranéen. Sur ce range portuaire, les ports de la Baltique, avec Stockolm, Bergen, Tallin et Saint-Petersbourg, rassemblent une grande partie du trafic croisière. Le Havre, avec 212 825 passagers en 2012, entre en 13e position.
La Grande-Bretagne, principal marché européen
Les passagers européens sont principalement originaires de Grande-Bretagne et d’Irlande. Avec 1,7 million de Britanniques, soit 27,5 % des passagers européens de la croisière, la Grande-Bretagne reste le principal marché européen pour les compagnies de croisière. L’Allemagne, avec 1,5 million de passagers et l’Italie, avec 835 000 passagers, ferment le tiercé de tête. À eux trois, ils composent les deux tiers des passagers de croisière européens. Le marché français est loin d’être mature. Avec 481 000 croisiéristes, il représente 7,1 % des passagers européens de la croisière. Si les Britanniques sont les principaux consommateurs de croisière, c’est l’Italie qui entre comme le premier pays de tête de ligne en Europe avec deux millions de passagers, soit 36 % de parts de marché. L’Espagne entre en seconde position avec 1,2 million de passagers et 21 % de part de marché. Avec 191 000 embarquements en tête de ligne, la France détient 3,3 % de parts de marché de ces têtes de lignes.
L’Hexagone tire mieux son épingle du jeu comme port d’escale pendant les croisières, avec un trafic, tous ports confondus, de 2,3 millions de passagers. Il entre en cinquième position loin derrière l’Italie (6,2 millions de passagers avec les ports de Civitavecchia, Naples et les ports liguriens), l’Espagne, qui profite des destinations comme les Canaries et les Baléares, la Grèce, qui après une année de baisse retrouve des niveaux plus honorables, et la Norvège qui demeure la destination phare en Europe du Nord.
La croisière et les chantiers navals
Si les chantiers navals ont dû faire face à la concurrence des pays asiatiques dans la construction de navires, l’Europe sait conserver ses parts de marché dans la construction de navires de croisière. Ainsi, pour tous les navires à délivrer avant 2016, tous à l’exception de deux sont construits dans des chantiers européens. Les deux exceptions seront construites au Japon. Le rapport de la Clia a dénombré 20 navires à livrer dans cette période par les chantiers européens. L’Italie en totalise neuf, l’Allemagne six, la France trois et la Finlande deux. Si d’autres chantiers sont capables de construire ces navires, ils n’ont pas toujours le savoir-faire que défendent les Européens. Quant aux chantiers chinois, s’ils ne sont pas encore véritablement sur ce marché, ils tentent d’y faire une entrée. Selon le rapport 2013 de la Clia, deux ordres seraient en cours dans des chantiers de l’empire du Milieu.
Outre leur capacité à construire ces navires, les chantiers européens vendent leur savoir-faire dans la maintenance et le « refit » des navires de croisière. Une position qui incite les compagnies de croisière américaines à venir en Europe faire construire leurs navires malgré la faiblesse du dollar par rapport à l’euro.