Rachetée en mars 2001 par ses salariés au groupe Bourbon, la compagnie maritime L’Express des Îles adapte ses offres de transport rapide de passagers aux réalités économiques et politiques du moment. Elle réduit donc ses coûts de production à tous les niveaux.
« Depuis 2004-2005, nous avions le sentiment que le marché avait besoin d’une offre complémentaire low cost car la demande antillaise de transport est très sensible au prix. En particulier vers les îles du Sud » (Marie-Galante, les Saintes et la Désirade), explique Roland Bellemare, directeur général de la compagnie. Ainsi, la demande de défiscalisation portant sur l’achat de trois catamarans rapides à construire chez l’Australien Austal a pris en compte cette nécessité: abandon de l’usage de quatre moteurs pour deux seulement, ce qui a fait baisser de 26 % la consommation de fuel par heure de navigation, embarquement de personnel d’exécution non européen, standardisation des équipements embarqués afin de réduire le stock de pièces de rechange et donc les frais d’entretien.
Pour limiter les confusions, la compagnie crée une marque « low cost », Jeans, dont la couleur dominante est le bleu. Les sièges de son unique catamaran, le Liberty, ne sont pas inclinables, ce qui réduit encore le prix au siège.
Deux navires sur les trois prévus
Finalement, deux navires sur les trois prévus arrivent en Guadeloupe en fin 2011: le Perle-Express (qui remplace le Silver-Express vendu à Tahiti) et le Liberty pour Jeans. Le Gold-Express (2005) reste en flotte mais est maintenant immatriculé au RIF. Mais la crise économique générale est arrivée en juin de la même année. Sur la desserte Pointe-à-Pitre/Marie-Galante, l’offre de sièges augmente de 15 % avec Jeans mais la demande passagers n’augmente que de 7 %. Sur la « grande » desserte Pointe-à-Pitre/La Dominique/Fort-de-France/Sainte-Lucie, l’offre augmente de 40 % et le volume transporté de seulement 22 %.
L’Express des Îles doit réorganiser ses rotations. En clair, abandonner certaines dessertes. Elle suspend également la construction du troisième navire qui reste d’actualité car la quille a été posée. Le low cost devient une obligation ainsi que l’innovation. La compagnie propose des escapades à la journée depuis Basse-Terre vers Antigua durant les vacances ou les jours fériés (11 départs programmés en 2013). Elle relie Pointe-à-Pitre à Saint-Pierre en Martinique pour gagner une demi-heure de navigation et réduire à zéro les taxes portuaires. En effet, les infrastructures portuaires de Saint-Pierre sont extrêmement simplifiées.
Le Liberty étant affecté à la liaison « internationale » Guadeloupe/La Dominique/Martinique, il peut être immatriculé au RIF et donc embarquer des navigants non-communautaires.
Tous bilingues en 2015
L’arrivée de ce personnel se fait modestement et concerne les stewards (ADSG) et les matelots. L’escale internationale se faisant à la Dominique, il est logique et politiquement judicieux d’employer du personnel dominiquais.
Pour limiter l’émotion, la compagnie négocie avec son personnel (par ailleurs actionnaire) le remplacement d’un départ en retraite par un Dominiquais.
Pour progresser dans la baisse du coût d’exploitation, la compagnie obtient de l’administration que, pour ses trois navires, le nombre de matelots soit fonction du nombre de passagers. Ainsi l’équipage du Liberty est-il de 6 à 7 personnes selon l’importance des passagers. Au total, les trois navires sont armés par dix officiers, quinze matelots français, six hôtesses françaises et sept matelots et stewards dominiquais. Le directeur général de L’Express des Îles espère un retour à meilleure fortune pour 2015.
La Dominique étant anglophone, comme bien d’autres îles de la zone, la compagnie a mis en place un programme visant à faire en sorte que chaque salarié, quelle que soit son origine, soit bilingue en 2015. Les Français ont passé des tests d’anglais et les Dominiquais, des tests de français. Onze des 52 salariés de l’Express des Îles ont réussi leurs tests ainsi que trois sur les dix de Jeans et deux sur les sept Dominiquais salariés de Manning des Îles. Ils touchent donc une prime mensuelle de 50 €. Les autres sont invités, s’ils le souhaitent, à suivre des cours de langue.
La prochaine ratification par la France du Carribbean Small Commercial Vessel Code préoccupe Rolland Bellemare qui s’interroge sur l’avenir du matelot guadeloupéen. En effet, ce code, qui ne concerne que les unités de moins de 24 m, créerai une sorte de marché unique du cabotage caribéen. Les petites unités françaises pourraient ne pas y survivre.
786 000 passagers transportés en 2012
En 2012, les trois navires du groupe L’Express des Îles-Jeans ont transporté en 786 000 passagers en chiffres ronds, dont 578 000 à destination ou en provenance de Marie-Galante (située à 60 mn de navigation de Pointe-à-Pitre). Les 208 000 autres passagers ont voyagé sur la ligne internationale Guadeloupe/La Dominique/Martinique/Sainte-Lucie: 79 000 depuis ou vers la Dominique, 65 000 depuis ou vers la Martinique (dont 11 500 ont embarqué ou débarqué à Saint-Pierre) et 58 000 depuis ou vers Sainte-Lucie. Six mille autres ont fait des escapades diverses et variées.
Entre Pointe-à-Pitre et Fort-de-France, le temps de navigation est de 4 h 30 environ et de 4 h entre Pointe-à-Pitre et Saint-Pierre. Pour fixer les idées, un aller-retour Pointe-à-Pitre/Saint-Pierre, « paisible commune de moins de 5 000 habitants » est à 69 € avec Jeans.