Dans 18 à 24 mois, au cours du premier semestre 2015, le nouveau jeu d’écluses du canal de Panama devrait ouvrir. Les travaux avancent et déjà, dans les Caraïbes, s’est ouvert une bataille. Ce nouveau jeu d’écluse permettra aux navires de plus grande taille d’accéder à la région sans faire le tour par le Sud. Désormais, les navires Panamax seront, pour les porte-conteneurs, d’une capacité maximum de 13 000 EVP.
Dans son programme de travaux, l’autorité du canal de Panama a prévu de conserver les précédentes écluses pour permettre le passage de navires de type Panamax. Ce nouveau jeu va donc être un outil de fluidification du trafic. Avec des navires de plus grande taille, les ports de la Caraïbe ont compris qu’un nouvel enjeu devrait se jouer: être ou ne pas être un hub régional. En sortant du canal après avoir chargé en Asie, les navires effectueront dans la région des Caraïbes une ou deux escales.
Déjà, dans cette course à devenir un hub international, Kingston en Jamaïque, Cuba sur la partie Nord de l’arc caribéen, Cartagène en Colombie, Cristobal et Manzanillo au Panama ont lâché le peloton. Selon Fritz Pinnock, directeur du Carribbean Maritime Institute, l’ouverture du nouveau canal va redistribuer les cartes pour dessiner, dans la région, un polygone portuaire. Il existera un ou deux grands hubs qui seront ensuite desservis par des plates-formes régionales. C’est dans cette seconde catégorie que les deux ports des Antilles françaises ont un rôle à jouer. Devenir une solution pour les armateurs qui relient d’une part les côtes Est de l’Amérique du Nord et du Sud et, d’autre part, les lignes qui opéreront sur la transversale Est-Ouest.
Pour accéder à ce statut de port de transbordement, les ports de Guadeloupe et de Martinique doivent d’abord apporter des solutions. Un hub n’a de raison d’être qu’avec un tirant d’eau minimum pour accueillir les navires mères. Il doit offrir des services réguliers, fiables et efficaces. L’aspect social sera pour les ports antillais français un élément majeur. Face à leurs concurrents, les ports de Fort-de-France et de Pointe-à-Pitre ne pourront pas aligner le prix de leur prestation sur les tarifs qui se pratiquent dans les Antilles. C’est sur un volume suffisamment important que la productivité se fera.
Un rôle à jouer dans les échanges intracaribéens
Devenir une plate-forme de transbordement signifie d’avoir des lignes en provenance d’autres continents mais aussi, et surtout, des liaisons avec les îles de l’archipel et les grands hubs régionaux. C’est aussi sur ce point que les opérateurs des deux places portuaires travaillent. En Guadeloupe, CMA CGM a déjà mis en place une ligne avec la Guyane avec Cagema. D’autres lignes opérant entre l’Europe et les Antilles étendent leur spectre sur des ports d’Amérique centrale.
Le nouveau jeu des écluses du canal de Panama pourrait jouer un rôle dans le développement des échanges intracaribéens. Avec la mise en place de ces nouvelles plates-formes portuaires et les liaisons entre les différentes îles de l’archipel, les échanges commerciaux intrarégionaux peuvent profiter de cet élan pour s’accroître.
Dans ce contexte attendu d’une nouvelle distribution des rôles entre les ports de l’archipel caribéen, Pointe-à-Pitre et Fort-de-France se sont mis en ordre de bataille. La réforme portuaire entrée en vigueur le 1er janvier a été la première étape. L’organisation du travail et les réflexions sur les aménagements à entreprendre sont en cours. Et surtout, depuis quelques mois, les deux ports français jouent la carte de la complémentarité pour vendre une solution logistique intégrée. Les atouts pour imposer la french touch antillaise sont entre les mains des deux places portuaires.