La CMA CGM omniprésente

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Le grand projet d’extension de la partie conteneurs du port reste inchangé mais il est « phasé ». Toute la nuance est là, explique Bernard Elie, nouveau directeur de CMA CGM Guadeloupe arrivé en mai. Il remplace Dominique Houzard, directeur historique, parti en retraite avec un peu d’avance. « La priorité immédiate est l’approfondissement des profondeurs d’eau. Dans un délai de trois à cinq ans, il sera temps de se poser la question de savoir si l’on fait sa seconde phase. D’ici là, beaucoup de choses peuvent évoluer. »

En attendant, CMA CGM a commencé à accélérer ses transbordements à partir d’avril 2012 avec une nette montée en puissance depuis juillet. Cela dit, chaque ligne est autonome et responsable de ses résultats et il peut y avoir de légères variations. « Mais la logique CMA CGM est d’avoir deux sous-hubs: l’un en Guadeloupe, l’autre en Martinique, avec actuellement un avantage au premier du fait de sa fiabilité sociale. Kingston étant probablement appelé à devenir notre hub principal. »

Le coût de transbordement est défavorablement influencé par la baisse sensible du trafic import destiné à la Guadeloupe. Mécaniquement, donc, la part relative du trafic de transbordement augmente, ce qui modifie le mode de calcul du coût de transbordement qui était et est toujours le coût marginal. À la fin du premier semestre 2013, ils dépassent les 50 %.

Le côté positif est le plein-emploi des 100 dockers en CDI, onze en CDI à 60 % et une cinquantaine d’occasionnels. Pour autant, il n’est pas question d’augmenter les effectifs du GIE Arema, groupement d’employeurs de manutention, car les transbordements sont par nature volatils.

L’organisation du terminal conteneurs est restée stable: Opera est le gestionnaire unique majoritairement contrôlé par CMA CGM. La manutention bord reste individualisée et chaque acconier est propriétaire de ses équipements. Autre constante, les 21 portiqueurs salariés de Guadeloupe port Caraïbe ont toujours des horaires décalés de 30 minutes par rapport à ceux des dockers.

La définition des usages obligatoires d’un ou deux remorqueurs a été délicate, d’autant plus que le conflit entre le commandant de port et le directeur général a envenimé le climat. Le dossier du remorquage a été bouclé récemment, en avril. Mais en tant que compagnie, CMA CGM est satisfaite de la présence d’un remorqueur relativement moderne et d’une bonne puissance.

Accord de place avant l’été

Important dossier pour Bernard Elie à clore, autant que faire se peut, avant l’été: conclure un accord de place dans le cadre de la convention collective nationale unifiée « ports et manutention » (CCNU). Les négociations doivent reprendre au plus tôt.

Le second grand chantier à terminer avant la fin de l’année porte sur les certificats de qualification professionnelle prévus par la CCNU. La bonne application de cette dernière exige que ne puisse travailler sur le port qu’un docker disposant de sa ou ses CQP. Ce dossier est très important juridiquement et socialement. D’une part, il réduit les éventuelles contestations relatives à la capacité de tel ou tel salarié à occuper un poste de travail. D’autre part, le CQP est souvent le seul « diplôme », attribué par un jury paritaire, qui sera délivré au salarié. L’expérience de Bernard Elie vécue en Guyane l’incite à penser que pour certains dockers, la délivrance d’un ou plusieurs CQP revêt une grande importance personnelle, voire familiale.

Si le jury paritaire estime qu’il manque telle ou telle compétence professionnelle à un docker pour lui délivrer un CQP, alors est mise en place une formation adaptée. Il est même parfaitement envisageable que cette formation soit fournie par une structure dont le capital est détenu, sur une base volontaire, par certains dockers, à la fois actionnaires et formateurs. Cela devrait grandement contribuer à une amélioration du climat social. Climat déjà bon en Guadeloupe, si l’on en juge par l’absence de grève.

CMA CGM en Guadeloupe, selon la Cour des comptes

Le rapport public annuel 2013 de la Cour des comptes présente CMA CGM de façon nette et contrastée. Si plusieurs compagnies maritimes desservent les Antilles depuis l’Europe du Nord et la Méditerranée, CMA CGM, troisième armement mondial, occupe une place « privilégiée » dans le trafic du port.

Jusqu’en 2007, la Guadeloupe était desservie depuis l’Europe du Nord par les navires de trois armements, dont CMA CGM. « Seul » cet armateur assure aujourd’hui des liaisons régulières (trafic essentiellement conteneurisé). La ligne Méditerranée/Antilles est exploitée en « monopole de fait » par l’accord de partage de navires passé entre CMA CGM et une autre compagnie (Marfret, NDLR). Au sein du port, la compagnie CMA CGM, souvent par ses filiales, est en « position dominante sur quasiment l’ensemble de la chaîne de conteneurs »:

• elle réalise plus de 80 % du trafic de conteneurs;

• elle a passé des accords pour le transport des conteneurs de deux autres armateurs desservant la Guadeloupe, les trois assurant la « quasi-totalité » du trafic;

• elle « contrôle le groupement d’intérêt économique Arema (dockers) et en détient 72 % » des droits de vote;

• l’une de ses filiales est opérateur « dominant » dans la gestion des espaces de manutention sur le terminal de conteneurs de Jarry.

Le Medef satisfait

En tant que président de la commission transport du Me;def de Guadeloupe, Pierre Noirtin (de métier grossiste en produits de grande distribution et cash and carry) se déclare « satisfait » des dessertes maritimes reliant l’Europe à la Guadeloupe. La fiabilité est là et compte même plus que le prix. Il souligne que lors de la privatisation de la CGM, Jacques Saadé a respecté les engagements pris envers les Antillais. Le conseil d’administration de la filiale CMA CGM Antilles Guyane était notamment composé de trois Guadeloupéens, trois Martiniquais et un Guyanais. Il était donc possible d’apprécier les réalités de l’intérieur.

Le développement des transbordements est jugé positivement par Pierre Noirtin car ils doivent permettre d’élargir les sources d’approvisionnement de l’économie guadeloupéenne. La volaille du Brésil devrait finir par arriver directement dans l’assiette des Guadeloupéens. Un grand groupe de grande distribution achète déjà du textile qui vient directement de Chine où il envoie du rhum. Personnellement, Pierre Noirtin s’est déjà essayé à l’importation directe de riz du Vietnam. Cet élargissement des sources d’approvisionnement mériterait une analyse coût/avantage au niveau européen: en effet, jusqu’où est-il judicieux que des fonds européens et/ou nationaux soient employés pour permettre au Grand port maritime de Guadeloupe de recevoir de grands navires amenant des produits concurrents à ceux fabriqués en Europe continentale?

Le représentant du Medef note que le coût du passage portuaire à Pointe-à-Pitre est inférieur d’environ 30 % à celui de Fort-de-France. Il y a donc au moins une organisation qui sait établir des comparatifs entre les deux îles. L’étude sur ces fameux coûts de passage portuaire réalisée en 2003 et son logiciel de suivi auraient donc laissé des traces.

Le président de la commission transport reconnaît la nécessité de développer ou de soutenir une production locale. Le contrat MPI (moyennes et petites industries), qui permet une tarification du transport maritime allégée pour les importateurs transformateurs, est une bonne chose. Concrètement, il existe une grille de tarification MPI inférieure à la tarification « normale ». Pour montrer leur bonne volonté, les transporteurs maritimes accordent un complément de plus de 25 % de rabais sur le trafic MPI.

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