Une escale en Martinique est particulière. Pour Olivier Tretout, directeur de la région Martinique du groupe CMA CGM, les escales des navires du service PCRF dans le port de Fort-de-France ne ressemblent à aucune autre. « Nous chargeons les trois quarts des bananes dans notre île. Nos escales se calquent sur la récolte des fruits. » En moyenne, une escale d’un navire dans le port martiniquais prend trois jours. La première phase consiste à décharger les conteneurs pour le marché local. Ensuite, le navire patiente à quai pour recevoir les conteneurs de bananes qui arrivent en fonction de la récolte. « Nous en recevons jusqu’au vendredi soir 17 heures, et ensuite nous pouvons positionner les boîtes vides sur le navire. » Au total, CMA CGM traite quelque 240 EVP à chaque escale. « Nous avons dimensionné le service en fonction de cette particularité », continue Olivier Tretout. La situation est différente pour les navires opérant sur le service Medcar (Méditerranée Caraïbes). Il passe deux fois dans le port de Fort-de-France dans sa rotation et doit être traité sur un shift de sept heures à chaque escale.
Un rôle régional à jouer
La particularité de ces escales n’occulte en rien la capacité du Grand port maritime de Martinique de devenir un hub. « Il y a un rôle régional à jouer. Le centre de gravité qui va naître à l’ouverture du nouveau jeu d’écluses du canal de Panama se situera entre la Jamaïque, Cuba et Carthagène. Déplacer ce cœur vers la Martinique serait trop coûteux pour les opérateurs. » Parce que pour le responsable de l’agence CMA CGM, la Martinique dispose de nombreux atouts avec ses qualités nautiques. Pour s’imposer, Olivier Tretout suggère un changement de mode d’exploitation. Ce changement passe par de nouveaux cavaliers. Actuellement, le groupe CMA CGM dispose de huit cavaliers sur le terminal dont une partie n’est pas suffisamment efficace. Ces cavaliers, les rouges, doivent être vendus pour conserver les bleus et acheter des engins de plus petite taille pour une meilleure efficacité. « Cela ne remet pas en cause la gestion du terminal avec des cavaliers, mais il est nécessaire de disposer de matériel adapté aux conditions d’exploitation du terminal. » Plus globalement, Olivier Tretout pose quatre conditions pour que le Grand port maritime de la Martinique puisse prétendre à devenir un hub régional. La première est de réaliser les travaux prévus par le GPM. « La phase 1, à savoir l’extension Est, est indispensable mais pas suffisante. Il faudra aussi la phase 2, l’extension Nord. » Ensuite, il faut entamer une réflexion générale et opter pour des choix en matière d’équipement. De plus, le port doit s’impliquer dans la logistique en proposant une valeur ajoutée sur la marchandise. Enfin, il faut revoir l’organisation du travail des ouvriers dockers. « Prendre position comme port de transbordement, c’est apporter aux clients de la fiabilité, de la régularité et un prix. Le vrai handicap de ce terminal est l’absence de fonctionnement normal. L’activité est sans cesse émaillée d’incidents », constate Olivier Tretout. Et le directeur de l’agence CMA CGM pose le défi à relever: « Nous pouvons finir comme un port feederisé et passer à côté de l’opportunité que représente le nouveau jeu d’écluses du canal de Panama. Il faut que nous ayons des alliés dans toutes les couches des opérateurs. »
La norme sera le Panamax
L’ouverture programmée du nouveau canal de Panama va modifier les fondamentaux du portuaire dans la Caraïbe. Demain, selon Olivier Tretout, la norme sera le Panamax. « Dans ce contexte, le port doit pouvoir traiter deux Panamax simultanément sur son terminal. » De plus, la logistique sera un élément essentiel. Déjà, le directeur de la région Martinique voit le groupe de distribution Wall Mart regarder ce qu’il se passe en Jamaïque pour faire du groupage et du dégroupage, de l’assortiment en fonction des besoins des destinataires. Mieux, il faut profiter des capacités de zones franches et des dispositifs de délocalisation pour apporter de la valeur ajoutée sur le produit lui-même. C’est en actionnant ces différents leviers, mais aussi celui des armateurs pour se faire croiser à Fort-de-France des lignes depuis plusieurs continents, que le port de la Martinique peut jouer ce rôle de hub régional. « Avec le nouveau dimensionnement du canal de Panama, nous avons des contraintes mais il faut savoir y répondre. La Martinique n’est pas seule à viser cette position », avertit Olivier Tretout.