Jean-Philippe Salducci ne s’en cache pas et se souvient avec nostalgie de l’époque où il servait les navires à Nice. Ses cheveux grisonnants trahissent les soucis du quotidien. Soucis qu’il gère depuis septembre 2011 lorsqu’il succède à Patrick Payan à la présidence de la station de pilotage de Marseille-Fos. Rien ne semble arrêter la spirale infernale à laquelle les pilotes sont confrontés. Tout comme les lamaneurs et les remorqueurs, ils sont les victimes collatérales de la course au gigantisme engagée par les armateurs. L’escale du CMA-CGM-Jules-Verne, les 3 et 4 juin à Marseille, démontre l’ampleur du phénomène.
À cela, ils doivent composer avec la chute des trafics portuaires induits par la baisse générale de la consommation en Europe, la restructuration du raffinage et les économies fragilisées du Printemps arabe, fond de commerce du port de Marseille. « En 2012, nous avons réalisé 19 000 opérations (entrées, sorties, mouillages), soit 650 mouvements en moins. Or la station était calibrée pour 23 000 opérations annuelles », explique Jean-Philippe Salducci.
Ce fils et petit fils de pilote a été contraint de réduire la flotte de pilotines de 14 à 11 unités. « Elles sont parties en Roumanie, en Côte d’Ivoire et la troisième devrait rejoindre la Guadeloupe en 2014 », indique-t-il.
Une série de mesures inédites ont été prises aussi bien chez les sédentaires que les navigants. « Nous sommes passés de 51 à 47 pilotes: des départs en retraite, une démission et nous avons perdu également un pilote accidentellement. » La station a été ébranlée il y a bientôt un an par la disparition de Dominique Migozzi, 45 ans, décédé dans un tragique accident de vélo.
Le rythme de travail des patrons de pilotines a été revu. Le régime 12 h de travail, 24 h de repos a été remplacé par 5 jours de travail consécutifs et 5 jours de repos. « Grâce à cette organisation, calquée sur celle des pilotes, nous avons pu réduire les effectifs de 40 à 28 personnes. Ce sont des départs et retraite et du chômage partiel. Chez les sédentaires, nous avons aussi diminué le nombre de postes avec des départs non remplacés », détaille Jean-Philippe Salducci.
La restructuration des bassins Est, plus affectés qu’à Fos par le recul des trafics, a été marquée par la fermeture en janvier de la station de l’Estaque et la mise sous cocon des chantiers navals. « Nous avons conservé celle du Frioul qui constitue un poste avancé en mer et nous permet de réaliser des économies. Elle est le symbole fort des pilotes de Marseille », ajoute-t-il. À l’Est, l’avenir de la SNCM est un sujet de préoccupation majeur pour les pilotes. Ce client historique procure tout de même 2 % des recettes annuelles.
De vastes travaux
Le centre administratif du Vieux port, logé dans les bâtiments d’après-guerre de Fernand Pouillon, fait l’objet de vastes travaux de réaménagement. Un investissement de 200 000 € destiné à mettre le bâtiment aux normes, à créer une salle du patrimoine et un appartement pour loger trois pilotes en service. Ce centre, tout comme les chantiers navals, se situe au cœur d’un Vieux port réaménagé et davantage tourné vers l’hôtellerie et la culture. Malgré les pressions de Marseille Provence Métropole de reprendre cette enclave appartenant à l’État, les pilotes résistent.
Des efforts ont également été engagés pour les consommables avec une gestion informatisée des achats. « Nous avons aussi développé, en partenariat avec la capitainerie, une application pour l’iPhone permettant aux pilotes d’avoir en temps réel toutes les données météo du GPMM, les mouvements du port, les commandes des navires et la gestion du parc de véhicules », explique Jean-François Suhas, secrétaire général du syndicat des pilotes.
Interrogés sur l’évolution tarifaire, les deux pilotes annoncent une hausse de 2,31 % en 2013 tout en précisant aussitôt que « depuis 2005, un navire de 300 m paye 1 % de moins compte tenu de l’augmentation de la taille des navires et de la dégressivité des tarifs ».