Conteneurs: vers une nouvelle progression à deux chiffres

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On connaît l’aphorisme tiré du roman de Lampedusa, Le Guépard: « Pour que tout reste comme avant, il faut que tout change. » Sur les terminaux conteneurs de Marseille-Fos, ce serait plutôt l’inverse: rien ne change, car rien n’est comme avant. Depuis la réforme portuaire, la distribution des armements et des lignes n’a pas évolué d’un nœud (mis à part le retour de la ligne de fruits frais d’Israël, voir encadré). Pourtant, tout le monde se félicite de la fiabilité et des performances de la nouvelle structure manutentionnaire mise en place.

On ne gagne pas des lignes en claquant des doigts

« Normal, explique Jaap van Hoogen, qui vient d’entamer un quatrième mandat de deux ans à la tête de l’Association des agents et consignataires de navires de Marseille-Fos (AACN), on ne gagne pas des lignes en claquant des doigts. Et d’autant moins en période de crise. » Deux ans après la réforme et un an après la mise en route de Fos 2XL, les positions paraissent figées. Symbole de cet apparent immobilisme, Mærsk, qui vient de prendre 40 % des parts de Seayard, se fait traiter sur Fos 2XL par le manutentionnaire concurrent, Eurofos. Il est vrai que des accords avec la CMA CGM lient l’armateur danois sur des lignes partagées. Pourquoi Mærsk s’est-il alors investi dans Seayard aux côtés de MSC (50 %) et de Cosco (8 %)? Serait-ce dans la perspective d’une éventuelle évolution comme la fin de l’accord commun avec CMA CGM intervenu ce mois de juin avec leur service direct commun entre la Méditerranée occidentale et la côte Est des États-Unis? Pour participer au contrôle par les armements de l’exploitation des terminaux?

L’avenir des deux terminaux conteneurs de Marseille-Fos se dessine ainsi avec des points de suspension. « On voit passer au large les porte-conteneurs géants avec l’espoir de les voir un jour faire escale chez nous », confie un opérateur portuaire. Cela n’entame pas le moral de Jaap van Hoogen, par ailleurs directeur de l’agence marseillaise de CMA CGM. « Chaque mois qui passe, c’est un nouveau record pour Fos 2XL. L’année a mal commencé avec un triste mois de janvier qui a plombé l’évolution du premier trimestre (+ 4 % pour Fos 2XL). Le mois de mai permet tous les espoirs avec un taux de progression de l’ordre de 18 %. Encourageant, lorsqu’au même moment, les ports du range nord stagnent! »

Plutôt une restauration qu’une révolution

Et le représentant du premier armement de France de préciser: « On ne peut évidemment pas parler d’embellie, de retour massif. Il s’agirait plutôt d’un mouvement de rétablissement des chargeurs qui nous ont quittés pendant les incertitudes en phase d’application de la réforme. Ces boîtes gagnées ne relèvent pas du transbordement, nous n’en faisons presque pas, mais bien de notre hinterland. » Bref, plutôt une restauration qu’une révolution. Fin connaisseur du yard marseillais, Jaap van Hoogen ne craint pas de pronostiquer un volume de 1,2 MEVP pour 2013, contre 1,04 MEVP l’année précédente. La possibilité d’une deuxième progression consécutive à deux chiffres – l’an dernier, le niveau conteneurs s’est haussé de 13 % – n’enivre pas l’agent maritime. « Nous rattrapons le retard accumulé, tout simplement. Et puis les porte-conteneurs qui transitent en Méditerranée sont chargés à bloc. » « Dommage que les taux de fret soient si bas », soupire le représentant d’armateur.

La décision prise en avril de Mærsk de ne plus desservir les États-Unis depuis Fos par un service direct mais par un feeder sur Algésiras, celle de CMA CGM qui change de partenaire en lançant un nouveau service direct avec Hapag-Lloyd vers New York, Norfolk et Savannah au départ de Méditerranée occidentale ou le regroupement des équipes des lignes africaines de CMA CGM et de l’ex-Delmas du Havre à Marseille procèdent plus de stratégies armatoriales que d’un réajustement sur Marseille-Fos.

L’espoir pointe sur le terminal de Mourepiane

Du côté des bassins marseillais, Med Europe Terminal commence à sortir la tête de l’eau. « Une petite tendance positive se dessine », avoue son dirigeant, Michel Henry. Depuis le début de l’année, le manutentionnaire du terminal conteneurs de Mourepiane, filiale à 100 % du groupe CMA CGM, a emporté deux trafics. Un de vracs d’alumine après avoir répondu à l’appel d’offres de Rio Tinto. Et une ligne de Grimaldi qui s’est reportée du Cap Janet où elle était traitée par Roro Marseille, à Mourepiane. À partir de la mi-juin, trois conros de l’armement italien se relaieront pour faire escale tous les dix jours en emmenant plus d’une centaine de conteneurs et 600 mètres linéaires. « Le choix de Grimaldi répond à une logique technique et économique. Ses navires sont du même type que ceux de Messina que nous opérons, des conteneurs sur le pont et un garage en bas. Ce mix correspond bien à la desserte des ports méditerranéens et africains. Les conteneurs étaient précédemment manutentionnés avec une grue automobile, nos portiques sont beaucoup mieux adaptés. »

Michel Henry ne veut pas parler de succès. « Ce ne sont après tout que des trafics des bassins Est qui ont changé de site. » Mais, après une restructuration à marche forcée de l’entreprise il y a deux ans, il ressent « comme une sorte de considération, de reconnaissance de la part des clients avec qui nous discutons ». L’ambiance a changé. « Notre productivité équivaut à celle des ports du Nord et notre tarification s’est améliorée. Notre offre est plus attractive. »

La Méditerranée, cible de Med Europe Terminal avec l’Afrique, traverse une époque tourmentée où espoirs et déceptions se télescopent. La crise économique continue de produire ses effets « mais, tous les ports sont dans le même bain ». Malgré ce contexte, le manutentionnaire se dit « plus optimiste qu’il y a quelque temps ». La réalisation d’un terminal transport combiné à Mourepiane se précise. « J’ai confiance dans ce projet. Le financement est bouclé, la volonté est là. Incontestablement, une telle plate-forme nous bénéficiera. »

Fruits et primeurs: les revers Marseille-Sète-Fos

Le retour des fruits israéliens à Marseille-Fos ressemble à une fable portuaire moderne. En janvier 2009, l’annonce du départ de l’exportateur israélien Agrexco de Marseille résonne comme un coup de tonnerre. Sur le môle Léon Gourret, le pôle fruits et primeurs et ses hangars frigorifiques sombrent. Ils précipitent avec eux un trafic vieux comme le port de Marseille et l’acconier Marseille manutention, 60 dockers, contrôlé par Léon Vincent/Sea Invest.

Attiré par le chant des sirènes d’opérateurs italiens, Agrexco, plus connu sous la marque Carmel, choisit le port de Sète. Pour l’accueillir, la Région Languedoc Roussillon finance pour 6 M€ un portail de déchargement adapté. Et un terminal reefers est spécialement construit par le holding italien GF Group pour 26 M€. L’objectif est d’importer 200 000 t de fruits et légumes israéliens par an, plus des conteneurs sur le pont.

La recherche de conditions économiques plus avantageuses a masqué les difficultés d’Agrexco. En août 2011, l’entreprise israélienne est déclarée en faillite. Moment de panique à Sète avant que le trafic reprenne. Le nouveau dispositif durera un an et demi. Les volumes ne dépasseront jamais la moitié de ceux annoncés. En mars 2013, le terminal réfrigéré RTS de Sète perd le trafic israélien, son unique client, au profit de Fos.

Depuis avril, le manutentionnaire Seayard accueille sur Fos 2XL les armateurs Zim (un de ses actionnaires) et Cosmed de retour après un an et demi d’absence, avec deux navires de 650 EVP pour une escale hebdomadaire. À moins de 200 km de là, le port de Séte essuie son second revers majeur sur des lignes gagnées sur Marseille. Il y a deux ans, il avait déjà perdu la ligne MedCar (CMA CGM et Marfret) au profit de Fos.

R.V.

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