Au début du siècle, le Port autonome de Pointe Noire affichait un trafic de moins de 20 000 EVP. En 2013, le port a traité 650 000 EVP. Un bond en avant que le directeur général du port, Jean-Marie Aniélé, explique par la croissance de l’économie. Construit en 1934, le port est devenu au fil des ans la porte d’entrée océane de l’Afrique du centre. « Le génie de l’homme a été de relier le Congo à la mer avec ce port », souligne Jean-Marie Aniélé. Le port dispose d’un atout considérable avec un hinterland de plus de 100 millions d’habitants. Pour alimenter ce marché, le port dispose d’un réseau routier, fluvial et ferroviaire. « Ces différents réseaux ont été morcelés au cours des années. Nous travaillons à leur rétablissement », souligne le directeur général du port congolais. Rétablir le réseau terrestre, mais aussi remettre le port à niveau, ont été les deux principales actions menées au cours des dernières années. Pour se faire, le gouvernement a lancé un programme de travaux de grande envergure mis en place au moyen d’un partenariat public privé avec la participation des bailleurs de fonds internationaux. Il tire aujourd’hui à sa fin. Parmi les travaux entrepris sur le port, ce programme a compris l’allongement de la digue extérieure de 300 m, la réhabilitation et l’extension des quais G, 800 ml à − 15 m (livraison du quai G4 en avril 2012), la réhabilitation et l’extension du réseau d’eau et d’électricité, le dragage à − 13 m du chenal d’accès, du cercle d’évitage et de la zone d’évolution au quai G2 et G3, et des études relatives à l’approfondissement des accès nautiques à − 16 m par le Bureau d’études Lackner. Au total, ce programme d’investissement a nécessité 1 MdFCFA (1,5 M€) sur les fonds propres du port et de l’aide des différents bailleurs de fonds internationaux.
Le hub est une nécessité
Ce programme d’investissements est destiné à faire du port de Pointe Noire un hub dans la région. Quand Jean-Marie Aniélé est interrogé sur le sujet, il répond tout de go qu’un hub dans la région est une nécessité. « Beaucoup de ports peuvent prétendre à occuper cette place de hub dans la région, mais seulement deux répondent aux principaux critères: Pointe Noire et Abidjan. » Des critères qu’il place sur les capacités d’accueil des navires avec un tirant d’eau de 16 m accompagné d’une capacité de stockage, d’une part, et la capacité d’absorber un trafic important de par son hinterland, d’autre part. Un tirant d’eau de 16 m permet de recevoir des navires de plus de 8 000 EVP. « À Pointe Noire, notre tirant d’eau atteint les 16 m dans le chenal d’accès et les 15 m le long des quais. Nous disposons d’un vaste hinterland dans l’arrière-pays avec plus de 11 millions d’habitants sur le bassin du fleuve Congo. » Nous remplissons les exigences pour devenir une véritable plate-forme d’éclatement dans la région centrale d’Afrique de l’Ouest. Outre le programme d’investissement du gouvernement dans le port, la concession du terminal à conteneurs au groupe Bolloré a aussi permis de hisser le port à ce niveau. Depuis son entrée sur le terminal en 2009, Bolloré Africa Logistics a prévu un investissement de 500 M€. D’ores et déjà, le concessionnaire a installé de nouveaux portiques pour une plus grande efficacité du port.
De plus, dans le cadre de son programme d’investissement, le concessionnaire du terminal a aménagé un espace de 40 ha derrière le terminal pour le traitement des conteneurs.
Cette volonté de faire de Pointe Noire un hub est devenue une réalité. Le port joue un rôle de plate-forme de transbordement avec des ports voisins. « Nous recevons 15 feeders depuis Matadi, l’Angola, le Cameroun et d’autres ports de la sous-région », rappelle Jean-Marie Aniélé. Outre son rôle dans la région, le port de Pointe Noire veut devenir un centre de gravité pour les trafics entre l’Europe, l’Asie et l’Amérique du Sud. « Nous sommes la position sud la plus intéressante pour les trafics avec l’Amérique du Sud », note le directeur du PAPN.
Le canal de Panama, une opportunité pour le port
Demain, l’approfondissement du canal de Panama sera une opportunité pour le port congolais. L’augmentation des volumes en sortie de ce canal vers l’ouest pourrait descendre plus au sud vers Pointe Noire, « un basculement des trafics méditerranéens vers le Sud », souligne Jean-Marie Aniélé. Autre élément jouant en faveur du port, les volumes de trafic avec l’Asie croissent rapidement. « Aujourd’hui, l’Asie représente en proportion une plus grande part de marché que l’Europe dans nos trafics conteneurisés. » Signe de ce nouvel équilibre, Pointe Noire accueille de nouveaux armateurs d’Extrême-Orient à l’image de PIL et de Cosco.
En Afrique de l’Ouest, les ports souffrent d’une congestion portuaire chronique. À Pointe Noire, pendant les travaux, le délai d’attente du port a été jusqu’à 10 jours. « Cela s’explique par la présence de travaux au port », nuance Jean-Marie Aniélé. Pour le directeur du port, la congestion est avant tout un effet « cascade » des ports feederisés. Dès lors que les délais d’attente dans les ports desservis par feeders augmentent, ils se répercutent automatiquement dans les ports des navires mères. Une congestion qui a un coût sur toute la chaîne logistique. « Nous avons fait des gains d’échelle en modernisant le port, mais la congestion et les délais d’attente pèsent aussi sur les coûts d’exploitation. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour améliorer cela », rassure le directeur du port. Et dans le cadre de ces actions, il ajoute à l’arc du port une nouvelle corde avec le guichet unique. « Il s’impose à nous et le gouvernement a pris conscience de cela. Nous espérons obtenir un guichet unique dans le courant de l’année », indique Jean-Marie Aniélé. Le port travaille actuellement avec le conseil congolais des chargeurs sur la partie technique. « Nous avons la volonté du gouvernement et des techniciens pour le réaliser. Tout est en ordre pour que le dossier avance. »
Face à cette congestion portuaire, la question d’une coopération entre les ports de la région se pose. Elle paraît difficile aujourd’hui à réaliser. « Cela suppose une volonté politique de haut niveau. En Afrique centrale, nous souffrons de trop de dissensions entre les États. Nous avons encore beaucoup à faire avant d’arriver à cette coopération. »
Pour devenir un véritable hub régional, le port doit aussi disposer de réseaux terrestres de qualité. « Nous disposons d’un réseau routier, fluvial et ferroviaire dense mais il a été morcelé au cours des années. Nous travaillons actuellement à sa réhabilitation. » Parmi les infrastructures majeures de la région figure le pont sur le fleuve Congo. Cette infrastructure est un lien nécessaire vers Kinshasa. Les conteneurs déchargés à Pointe Noire partent ensuite sur Boma ou Matadi avant de rejoindre par la route Kinshasa en traversant le fleuve Congo par ce pont et emprunter sur plus de 1 500 km les routes. Ensuite, le chemin de fer du Congo, CFCO (Chemin de Fer de Congo Océan) a été détruit pendant la guerre. Il est dans un état de délabrement. Le gouvernement a prévu d’investir 300 M€ par an sur ce réseau ferroviaire avant de s’engager dans la voie de la concession.
Le Congo dispose de nombreuses ressources minérales, dont le pétrole. « Elles sont épuisables », pour Jean-Marie Aniélé. Alors, le Congo doit devenir un pays qui axe une partie de son développement sur les services au transit. En devenant une plate-forme de transbordement, Pointe Noire peut lancer une nouvelle dynamique sur ce secteur dans la région. « Nous bénéficions de facteurs géographiques favorables. Nous devons maintenant accélérer nos ressources en formation dans le transit. Les besoins locaux iront en s’accroissant. »