Afrique de l’Ouest: les ports ne seront pas tous des hubs

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En Afrique de l’Ouest, tous les voyants sont au vert. Les croissances économiques de la sous-région se stabilisent au-dessus des 5 % depuis le début des années 2000. Le pouvoir d’achat d’une partie croissante de la population continue de progresser. Les systèmes bancaires nationaux (particulièrement au Ghana ou au Nigeria) atteignent des tailles critiques leur permettant enfin de devenir des relais indispensables à l’émergence d’une nouvelle classe d’entrepreneurs. Les valeurs des exportations augmentent en corrélation des prix des matières premières. Les importations de pro­- duits manufacturés remplissent des conteneurs dorénavant plus nombreux depuis l’Asie que depuis l’Europe. Les armements lancent des navires plus grands pour toucher des terminaux toujours plus modernes.

Seules ombres au tableau: les incertitudes politiques et idéologiques dans les pays enclavés ou dans le nord du Nigeria auxquelles s’ajoutent les incidents de piraterie aux larges des côtes du Nigeria et du Cameroun.

Tous les ports devraient croître

Peu ou prou, la croissance économique endogène des économies ouest-africaines devrait nourrir mécaniquement une augmentation des tonnages sur les ports de la rangée Dakar-Walvis Bay. Cela ne signifie pas une baisse de la concurrence, bien au contraire! Avec les nombreuses mises en concession des dernières années, la compétition portuaire sous-régionale devient enfin une réalité bénéfique. Téma, au Ghana, est devenu plus important qu’Abidjan. Les ports du Nigeria ambitionnent de reprendre le contrôle des captations de trafics par les voisins de Cotonou, Lomé et même Douala. Pointe-Noire s’est imposé comme le vrai hub de l’Afrique centrale tout en observant avec sérénité l’arrivée de Kribi, la modernisation de Walvis Bay ou encore les projets d’extension en Angola. Conakry, San Pedro ou les ports gabonais ne comptent pas non plus rester dans une deuxième ligue, loin des lucratifs mouvements conteneurisés. Alors que les projections tablent sur un doublement des volumes conteneurisés avant 2020 (soit l’équivalent d’environ 6 MEVP à 7 MEVP entre Dakar et Walvis Bay), une question taraude l’observateur: pourquoi revendiquent-ils tous l’ambition de devenir un hub ouest et centrafricain?

Le mythe du hub africain

Dans un espace géographique équivalent à la rangée Biarritz-Dunkerque, on peut relever: le projet pharaonique de Badagry à proximité d’Apapa au Nigeria (1 000 ha et 7 km de linéaire de quais); la zone industrialo-portuaire de Lekki au Nigeria (2,5 MEVP); le port en eau profonde d’Ibaka à proximité de la frontière entre le Nigeria et le Cameroun; le port en eau profonde de Kribi au Cameroun (800 000 EVP); les différents projets équato-guinéens de Luba, Malabo ou Bata.

Cette énumération non exhaustive ne prend pas en compte les modernisations annoncées par Bolloré ou APMT sur les terminaux existants de la région de Lagos. Les autorités portuaires argumentent, à raison, sur le déficit infrastructurel portuaire et la demande projetée sur les prochaines décennies. Mais qu’en est-il de la réalité opérationnelle du transbordement stratégique en Afrique de l’Ouest et du Centre?

Aujourd’hui, les hubs intercontinentaux s’articulent aux croisements géographiques et stratégiques des principales routes où les géants des mers rencontrent des myriades de feeders pour assurer des taux de remplissage optimaux. Concomitamment, les hubs servent aussi à minimiser les trajets des boîtes vides. Dans le contexte ouest et centrafricain, ces réalités massifiées de marché ne se rencontrent pas. Premier constat, donc: le marché du transbordement stratégique demeure faible et continuera de demeurer relativement faible dans les années à venir (sauf pour Tanger Med au Nord et Durban-Ngqura au Sud).

Ensuite, les hubs de dimension régionale ou sous-régionale d’Abidjan et Pointe-Noire fonctionnent bien. Pourquoi? Pour le premier, c’est la performance du terminal SETV qui en a façonné le succès. Depuis la concession de 2004, cadence et garantie de services se sont conjuguées avec une politique tarifaire en adéquation avec la mécanisation disponible sur le terminal. Ce dernier a longtemps présenté une profondeur d’eau suffisante pour servir les plus grands navires déployés sur les trades se nourrissant d’arrière-pays ivoirien et burkinabé bien connectés. Le déficit portuaire des pays situés entre le Sénégal et la Côte d’Ivoire a aussi permis de feederiser ces zones de chalandises de petite taille. Pour Pointe-Noire, la moitié des 80 % du trafic total conteneurisé transbordé a pour origine ou destination les ports de la Répu­blique démocratique du Congo. Boma et Matadi ne peuvent prétendre recevoir des navires de grande taille. La modernisation de Congo Terminal et les projets ferroviaires et fluviaux sur le bassin-versant du fleuve Congo devraient renforcer l’attractivité logistique du port en eau profonde de Pointe-Noire.

Alors que la plupart des terminaux à conteneurs passe sous le contrôle des spécialistes privés de la manutention, les armements et les logisticiens vont chercher des solutions intégrées de transport. Cela signifie que l’adage selon lequel « la concurrence portuaire se gagne à terre » devrait de nouveau se vérifier en Afrique subsaharienne. La connectivité des réseaux routiers, ferroviaires (et fluviaux dans le contexte du Bassin Congo) sera un plus dans le drainage des futurs volumes. La qualité générale des services, notamment la gestion des données informatisées liées à la marchandise, devra enclencher une modernisation des appareils administratifs et douaniers. Les grands gagnants seront les autorités portuaires qui auront su accompagner ces réformes avec leur État de tutelle. Alors pourraient émerger quelques opportunités pour contester Abidjan, Pointe-Noire et demain Lagos dans une combinaison gagnante entre performances logistiques sur l’hinterland et optimisation des services pour les conteneurs maritimes en transbordement.

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