La confédération est préoccupée par la criminalisation des marins, tant en cas d’atteintes à l’environnement qu’en cas de découverte de drogue à bord. La Cesma demande instamment aux armateurs et aux opérateurs d’assurer en toutes occasions la protection légale des capitaines, présumés innocents, et ce jusqu’à ce qu’un jugement définitif soit prononcé. « Nous ne sommes pas là pour défendre – ça, c’est le rôle des avocats –, mais pour comprendre. Pour que les accidents puissent servir à tirer des leçons », dit Jean Daniel Troyat. L’affaire du Costa-Concordia monopolise tous les débats sur le sujet. Le facteur humain retenu par les médias occulte d’autres aspects pointés par la Cesma: défauts de structure, de design, de stabilité, manque d’expérience des marins. Wolf von Pressetin, le président de la Cesma, a rencontré Francesco Shettino, commandant du Costa-Concordia au moment de son échouement. Selon lui, l’équipage du paquebot naufragé était composé en majeure partie de jeunes marins inexpérimentés. Il pointe aussi les insuffisances des canots de survie après que le navire a pris l’eau et préconise des améliorations dans les mesures d’évacuation et les moyens de communication au sein de l’équipage.
Commandos antipirates
Concernant la piraterie, en Somalie ou ailleurs, la Cesma est toujours réservée vis-à-vis de l’usage d’armes à feu à bord, par crainte de surenchère de la violence. Mais la confédération se montre favorable, temporairement, à l’embarquement d’équipes de gardes armés certifiés. La Cesma réaffirme que « c’est au commandant du navire, et à lui seul, de donner l’ordre d’ouvrir ou de cesser le feu. Il devra être entièrement couvert par l’armateur de toutes les conséquences pouvant découler de cet engagement », rapporte Jean-Daniel Troyat.
Il y a une différenciation à apporter entre les mots anglais pour « responsabilité », complète Hubert Ardillon, président de l’Afcan, l’Association française des capitaines de navire: « Le capitaine peut être aidé dans la prise de décision par le chef d’équipe des gardes embarqués, pour donner l’ordre (responsibility) d’ouvrir et de cesser le feu. Et il faut que cette responsabilité (dans le sens liability) soit couverte par l’armateur qui aura passé le contrat avec la société de gardes. »
« Il n’est pas simple de débarquer ces équipes et leur matériel militaire en Inde, en Chine ou dans l’océan Indien », ajoute Yannick Lauri, président de l’Acomm, l’Association des capitaines et officiers de la marine marchande. La Cesma insiste sur des « règles de conduite précises à observer dans toutes les circonstances ». Les armements français disposent par exemple d’un guide pratique fourni par la Marine nationale et classé confidentiel Défense. « Il faut une coordination opérationnelle entre le commandant et le chef du commando, pour faire les manœuvres nécessaires, ralentir, accélérer, changer de route. Le commandant doit garder ses prérogatives à la passerelle, mais il peut y avoir des ambiguïtés. Si un membre du commando ou un pirate est blessé, ou tué, le commandant peut être impliqué. C’est la raison pour laquelle on préconise aux capitaines de souscrire des assurances pour couvrir les éventuelles procédures judiciaires, les dommages et intérêts et même les cas de décès », poursuit Yannick Lauri qui se fait le porte-parole des capitaines européens doutant des vertus de la citadelle: « En général, ce ne sont pas de vraies citadelles. Il faudrait reprendre toutes les commandes nautiques et de communication avec une antenne satellite dissimulée, les câbles des antennes visibles étant systématiquement sectionnées par les pirates montés à bord. Nos propositions vont plutôt vers le retranchement dans la machine, considérée comme citadelle, en renvoyant les commandes de la passerelle pour naviguer en aveugle. »
Cercueils flottants
Sur la question de la dangerosité des navires rouliers, l’accident du Baltic-Ace, le 5 décembre, coulé en 15 mn en mer du Nord, tuant onze marins, la Cesma rappelle que le surnom de « cercueils flottants » accordé par les experts à ces ferries tient à leur structure de parking flottant privilégiant les flux d’entrée et de sortie des véhicules. La hauteur du franc bord, avec des portes souvent très proches de la ligne de flottaison, se cumule avec des problèmes de stabilité induits par les ponts des véhicules qui peuvent rompre leur amarrage. Autant de facteurs qui, une fois l’alarme donnée, peuvent réduire le temps pour quitter le navire roulier, l’évacuation étant particulièrement compliquée si ce type de navire donne de la bande.