En poker, la relance est une arme stratégique de première importance. Celui qui relance veut soit se protéger, soit obliger ses adversaires à dévoiler le niveau de jeu qu’ils ont en main. Et relancer se fait dans une stratégie à long terme sur la main, avec la capacité d’aller encore plus loin. Quand le ministre des Transports et de la Mer, Frédéric Cuvillier, annonce un plan de relance portuaire, tout de suite vient à l’esprit qu’il se place dans cette situation. Est-il suffisamment armé pour tenter de déstabiliser ses adversaires, en l’occurrence ses concurrents, ou est-ce pour se protéger? C’est à la vue de la main que s’évalue le type de relanceur au poker. Quand Frédéric Cuvillier décide d’un plan de relance portuaire, il a une main plutôt légère. Ce plan de relance s’appuie sur trois volets. Il s’agit de faire des ports des « architectes logistiques », de réindustrialiser le foncier portuaire et de donner à ces établissements une dimension d’aménagement du territoire. En creux, rien de neuf sous les cieux portuaires. Ces différentes activités sont d’ores et déjà réalisées par les ports français. La relance portuaire ne se veut pas une nouvelle organisation, le ministre l’a confirmé. L’organisation des ports est en place depuis la loi de 2008. Dans une partie de poker, avec un jeu pareil, cette relance serait perçue comme une volonté de se débarrasser des indécis. Il ne faut pas oublier qu’autour de la table de jeu, des ports comme Rotterdam, Anvers et Hambourg au Nord, Barcelone, Valence et Gênes au Sud veulent aussi prendre une partie du pot. Au poker comme dans de nombreux jeux, il existe des variantes. Il est probable que sur la relance portuaire, Frédéric Cuvillier joue au poker menteur. Il avance des atouts des ports français sans assurer les avoir en main. Il oublie que ce sont les opérationnels des ports qui devront demain mettre en œuvre concrètement cette relance. Et une relance ne se fait qu’avec une capacité de surrelance. En matière portuaire, la relance est sur la table, mais les moyens financiers de cette relance – et encore moins d’une surrelance – ne sont inscrits dans le budget. À jouer gros, on peut perdre gros.
Édito
Une relance portuaire pour voir
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