« Seuls 10 % à 30 % des conteneurs de l’agglomération transitent par voie maritime. Il y aurait donc un potentiel de développement qui nous laisse espérer pouvoir doubler les volumes que nous faisons », analyse ainsi Christophe Masson, le président du directoire du port de Bordeaux. Actuellement, le port réalise un trafic conteneurs de plus de 63 000 EVP (pleins + vides) à hauteur de 35 000 pour CMA CGM sur Bassens et de 28 000 pour MSC sur le Verdon, les deux opérateurs de la place armant chacun un feeder hebdomadaire. Le nombre total en nombre d’EVP pleins avoisine, lui, les 46 800. Force est de constater qu’au fil des années, ce trafic n’a cessé de croître.
Durant les années 1990, le port n’a réalisé que 20 000 EVP par an. Une forte progression a été enregistrée plus spécifiquement à partir des années 2000. Le record a été atteint en 2009 (80 000 EVP) en raison d’un trafic exceptionnel lié aux sorties de bois de tempête. Depuis 2010, cependant, la progression est constante et, selon le port, devrait se poursuivre en 2013. « Cette augmentation est notamment liée à une consolidation du trafic de la filière bois-papier, à l’émergence du trafic vin et à l’apparition depuis dix ans d’un nouveau partenariat avec la Chine qui est devenu le premier client du port de Bordeaux », explique Laurence Bouchardie, chargée du trafic conteneurs sur le port de Bordeaux. Selon le port, de nombreux autres produits pourraient alimenter ce trafic tel que les ferrailles, les dérivés bois, le vin…
Ainsi « l’ouverture d’une ligne vers l’Extrême-Orient est une piste de réflexion », a indiqué le directeur du port de Bordeaux, tout comme la possible mise en place d’un nouveau feeder. Selon Étienne Naudé, directeur de la stratégie et du développement au port de Bordeaux, « il y a la place pour une troisième ligne, un feeder neutre qui permettrait d’accepter les boîtes de toutes les compagnies et ne serait pas en concurrence avec CMA CGM et MSC. Des clients nous en ont fait la demande ».
Les atouts du Verdon
Pour concrétiser ces potentialités de développement, le port a d’ores et déjà décidé, pour son futur projet stratégique, de miser sur le terminal du Verdon où pourrait être recentrée toute l’activité conteneur du port. Leurs arguments? Tout d’abord, mieux amortir l’investissement dans un nouveau portique. De plus, CMA CGM, qui actuellement opère via des grues sur Bassens, pourrait ainsi augmenter ses cadences de déchargement. Ce qui permettrait, en parallèle, de libérer deux grues de Bassens pour d’autres trafics et contrer, par ailleurs, la saturation routière de ce terminal. Enfin, le site du Verdon possède, contrairement à Bassens, de vastes zones de stockage et des tirants d’eau permettant d’accueillir de gros porteurs sans souci des coefficients des marées. Sans compter le fait d’éviter 4 heures de remontée par l’estuaire jusqu’à Bassens.
Pour l’heure, cependant, quant aux potentialités de développement de leur trafic, les armateurs, se démenant avec les problèmes liés à l’état de l’outillage, se montrent, eux, des plus sceptiques et prudents. Pour autant Pierre Gallani, directeur de CMA CGM Bordeaux, estime que des progressions sont possibles pour mieux remplir les navires. « On pourrait faire de 50 000 EVP à 55 000 EVP pleins, mais il n’y a pas de quoi doubler les volumes. » Du côté de MSC, une marge de progression d’« au moins 30 % » a été estimée. Mais ce dernier attend surtout pour l’instant des réponses quant à l’outillage tout en réaffirmant sa volonté de rester au Verdon.
CMA CGM sur la réserve
L’armateur CMA CGM reste, en revanche, sur sa réserve. « Nous avons accepté de prendre part à des discussions sur l’avenir de la filière tant sur le Verdon que sur Bassens. Le problème est que le port a déjà opté pour un recentrage sur le Verdon, alors qu’actuellement le site est inexploitable et que Sea Invest n’est pas prêt à investir. De plus, pour notre société, un trafic sur le Verdon se traduirait par des surcoûts d’acheminement. Aller sur ce site n’est pas une demande forte de CMA CGM. Il n’est pas question pour nous actuellement de quitter Bassens », affirme Pierre Gallani, le directeur de CMA CGM Bordeaux.
Bien conscient de ces questions de surcoût liées au pré et post-acheminement, le port met en avant un projet – encore lointain – de feeder fluvial entre le Verdon et Bassens, mais surtout table sur la reprise de la navette ferroviaire entre Bruges et le Verdon, « dès cette année et dès que les problèmes d’outillage seront réglés ». « MSC se dit prêt à basculer majoritairement sur du ferroviaire », indique Céline Eymet, responsable ferroviaire au port de Bordeaux. « Disposant d’infrastructures opérationnelles suite à de gros investissements en 2011, cette navette, soit 21 wagons de 18 m, effectuerait trois rotations par semaine, ce qui laisse des capacités éventuellement pour CMA CGM. »
Reste cependant un défi de taille à régler: convaincre le manutentionnaire Sea Invest, propriétaire de la convention du terminal, d’investir et/ou de trouver un montage financier pour redoter le Verdon d’un outillage performant.