« Sur le port de Bordeaux, durant des années, le ferroviaire a été délaissé et toute la logistique s’est organisée sans. Il faut le remettre en route. On voit bien que le développement du port passera par le ferroviaire. » Christophe Masson, le président du directoire du port de Bordeaux, compte bien en faire un des axes forts du futur plan stratégique du port en cours d’élaboration. Actuellement, seulement 5 % des marchandises transitent par voie ferrée sur le port, soit environ 350 000 t constituées notamment d’engrais, de produits pétroliers, de graines et oléagineux, de coke de pétrole.
D’ores et déjà, les lignes bougent. Les céréaliers SPBL et InVivo ainsi que les Grands moulins de Paris se sont associés pour saturer une locomotive louée à l’année via un contrat commercial négocié avec Fret SNCF. Une ligne aux allures d’OFP qui n’en a pas le nom. « L’OFP n’est qu’un sigle. Mutualiser des partenaires pour lancer des liaisons ferroviaires sur de courtes distances, c’est exactement ce que nous avons mis en place. Nous ne l’avons pas appelé OFP mais simplement train », note Julien Bas, le gérant de SPBL. Depuis le mois de juin, la machine est en route. Les prévisions sur la campagne 2012-2013 sont de 110 trains, soit 130 000 t de maïs récupérées dans les silos de Poitou-Charentes, du Gers, de Lot-et- Garonne. À la fin de cette campagne, un bilan sera établi sur cette première année test. « D’un point de vue logistique, l’avantage de ce système réside dans une livraison massive de 1 100 t à 1 300 t par train, ce qui nous permet d’alimenter rapidement et massivement les navires et d’éviter, si l’on passait par la route, de générer des files d’attentes de camions », constate Julien Bas. Selon le port de Bordeaux, cette nouvelle ligne a de même permis aux céréaliers de trouver dans un hinterland plus élargi de nouveaux silos. Cependant, revers de la médaille logistique, Julien Bas pointe un certain manque de souplesse et de flexibilité. « Pour éviter d’avoir des frais de stationnement, nous ne disposons que de 4 h pour décharger la marchandise. Or, si elle arrive à un moment où les quais sont occupés, c’est un problème. »
D’un point de vue économique, la viabilité de cette ligne reste encore à prouver. « On voit d’ores et déjà qu’on ne s’y retrouve pas, mais c’est sans doute normal pour une première année. On sait qu’on peut améliorer le partage des charges », analyse le gérant de SPBL. « Ce train, c’est aussi un pari sur le report modal. Si on décide de la maintenir, nous espérons que le port sera à nos côtés en cohérence avec son message de promotion ferroviaire. »
Une ligne pour Sea-Tank à l’étude
Outre la prévision, d’ici à la fin de l’année, d’ouverture d’une navette ferroviaire entre Bruges et le terminal du Verdon, un autre projet est à l’étude pour redynamiser le réseau ferroviaire portuaire. Une filiale du groupe Sea Invest, la société Sea-Tank, stockeur de vracs liquides, notamment d’engrais, envisage l’ouverture d’une ligne ferroviaire depuis ses entrepôts de Bassens pour un nouveau trafic à l’import, essentiellement de produits chimiques. Seul hic: l’unique ligne possible traverse tous les quais de Bassens amont où les manœuvres de chargement et de déchargement d’autres marchandises risquent de perturber l’avancée du train. « Sea-Tank souhaiterait donc plutôt passer par les voies existantes du côté de Bassens aval. Cependant, des travaux sont nécessaires sur une vingtaine de mètres de voies à hauteur d’un passage à niveau. La demande en a été faite à RFF, gestionnaire de ces voies, ouvert aux discussions et que nous essayons de convaincre », indique Céline Eymet, responsable ferroviaire au port de Bordeaux.
À plus long terme, dans le cadre de son projet stratégique, le port de Bordeaux, afin d’anticiper la tendance nationale à la baisse sur les volumes pétroliers, réfléchit à un acheminement ferroviaire d’hydrocarbures pour élargir son hinterland. Selon Christophe Masson, l’accent sera également mis sur un gain d’exploitation du réseau, notamment sur Bassens où les sillons sur les quais sont de la responsabilité du port
Le port a été chargé depuis 2008 de la gestion et de la maintenance d’un réseau propre de 24 km de voies ferrées sur les terminaux de Bassens et du Verdon.
La Région tâte le terrain
Environ 194 Mt de marchandises transitent chaque année en Aquitaine dont 97 % par camion. Représentant environ 8 500 camions par jour, ce trafic routier a quadruplé depuis 30 ans et seules 2,5 % des marchandises empruntent le fer. Une asphyxie routière qui met la Région Aquitaine face à un défi majeur. Suite à la création en 2011 d’une Eurorégion « Aquitaine-Euskadi » sous la forme d’un groupement européen de coopération territoriale (GECT), remplaçant l’ancienne plate-forme logistique Aquitaine-Euskadi (PLAE) devenue obsolète, les « Premières rencontres professionnelles du report modal en Aquitaine » ont été organisées à Bordeaux fin novembre. Objectif: donner la parole aux acteurs du terrain, représentants privés ou institutionnels du monde ferroviaire et maritime. Lors de cette journée de rencontres à laquelle le port de Bordeaux et de Bayonne ont participé, certains opérateurs ont notamment témoigné sur le manque de sillons, la vétusté des installations et l’augmentation des tarifs fret, comme autant de freins à la mise en place de solutions ferroviaires.