« Grâce à une rare démonstration d’unité et de discipline tarifaire », les transporteurs, qui ont presque tous perdu de l’argent au 1er trimestre, ont pu augmenter de 51 % les taux de fret durant le 1er semestre 2012. Et ce, malgré une demande globalement faible et des coefficients de remplissage des navires « médiocres ». Cela n’a pas duré. Durant la seconde partie de l’année, l’amélioration de leur compte d’exploitation a poussé « certains » transporteurs à essayer de récupérer des parts de marché en cassant les prix. BRS parle de « retour de la guerre tarifaire », mais ne s’étonne pas qu’une hausse de 51 % du prix de transport ne provoque aucune réaction de la part des clients.
Même momentanée, cette embellie n’a pas été ressentie dans les taux d’affrètement des porte-conteneurs, qui sont restés « déprimés ». En moyenne, ils sont restés « proches » de leur niveau le plus bas depuis 20 ans. « Les armateurs non-opérateurs ont été incapables d’augmenter les taux d’affrètement, avec un nombre de navires sans emploi resté à un niveau élevé durant l’année », conclut BRS.
Après « l’énorme » vague de commandes enregistrée avant septembre 2008, période qui marque le début de la crise, « certains » armateurs qui n’avaient pas commandé de porte-conteneurs de plus de 10 000 EVP ont « profité » de la baisse des prix pour commander et conserver ainsi leurs parts de marché. Ils ont ainsi aggravé la supercapacité existant sur la desserte Europe/Extrême-Orient.
Pour employer leurs nouveaux très grands navires dans un contexte de faible demande occidentale, les compagnies ont opéré des transferts de navires « peu orthodoxes », et cela devrait se poursuivre en 2013, estime BRS. Tout simplement, les porte-conteneurs de 6 000 EVP à 10 000 EVP ont quitté bien plus rapidement que prévu la desserte Europe/Extrême-Orient pour aller remplacer des unités de 4 000 EVP à 6 000 EVP. Et ainsi de suite. De sorte que l’offre de navires de taille moyenne a été assez perturbée, en particulier sur les routes Nord-Sud.
Les demandes de transport soutenues de l’Amérique du Sud ont également contribué à la croissance des tailles de navires. Les compagnies disposant des plus fortes capacités y ont déployé soit des 6 000 EVP à 8 500 EVP dont elles n’avaient plus un grand usage, soit des 7 000 EVP à 8 700 EVP neufs mais disposant d’une capacité reefer importante. Les 9 000 EVP à grande largeur sont en train de devenir les navires de référence des marchés latino-américains, constate BRS: Mærsk Line, MSC, CMA et les spécialistes de l’Amérique latine comme Hamburg Süd, CSAV et CCNI ont commandé des 8 000/9 200 EVP spécifiquement pour cette destination. La course au slot le plus économique se poursuit donc.
K Line reste seule
K Line reste la dernière compagnie à n’avoir pas commandé des plus de 10 000 EVP. Evergreen a franchi le Rubicon en juillet 2012 avec un contrat d’affrètement de dix ans conclu avec la compagnie grecque Enesel SA, qui a commandé dix navires de 13 800 EVP. En janvier 2013, Yang Ming a conclu un contrat d’affrètement de dix ans avec Seaspan Corp. portant sur la construction de cinq navires de 14 000 EVP, avec une option pour cinq autres porte-conteneurs. Les prix actuels sont de 20 % à 35 % inférieurs à ceux constatés avant la crise.
Toujours est-il que dans un environnement où la croissance de la demande restera inférieure à celle de l’offre, un navire de plus de 10 000 EVP sera livré tous les huit jours en moyenne. La desserte Europe/Extrême-Orient ne risque rien.
Les KG allemandes à genou
Considérant le côté « positif » des choses, BRS souligne que les commandes spéculatives des armateurs non-exploitants et de leurs « soutiens » financiers se sont « considérablement » réduites et concernent surtout les navires de grande largeur, de 5 000 EVP à 7 000 EVP avec une vitesse moyenne de 21-22 nœuds et des unités de 2 200 EVP à 2 300 EVP destinées aux marchés régionaux et de feedering. La chute du marché allemand des KG (appel public à l’épargne des hauts revenus) et la disparition des incitations fiscales qui ont rendu ce dispositif très attrayant, ont été à l’origine de démolitions « irrationnelles » de navires récents. En effet, estime BRS, les KG n’ayant plus les moyens financiers d’attendre une reprise « éventuelle » du marché, elles ont été contraintes de vendre à tout prix les navires qui leur ont été restitués. Y compris des unités de 1 000 EVP à 2 500 EVP pour lesquelles on craint une pénurie dans les prochaines années.
Face à un nombre « inhabituel » de navires allemands à vendre, il y a peu d’acheteurs: quelques compagnies régionales qui recherchent surtout des 500/2 000 EVP et des spéculateurs qui cherchent à acheter des navires en bon état légèrement au-dessus des prix de la démolition pour minimiser leur risque. La pratique des années 1980 avec les VLCC a laissé quelques bons souvenirs d’enrichissements substantiels. Mais, explique BRS, la spéculation sur les porte-conteneurs est par nature potentiellement moins rentable que celle portant sur les vraquiers et les pétroliers car le client final, le chargeur de marchandises diverses, accepte mal de grandes variations de prix de transport.
Ainsi les KG ont-ils dû envoyer à la démolition des porte-conteneurs relativement récents, faute de pouvoir attendre après quatre ans de crise.
L’offre en bref
Au 1er janvier 2013, la flotte cellularisée compte 4 961 navires d’une capacité totale de 16,33 MEVP, en hausse de 6 % par rapport à l’année précédente, selon Alphaliner. Les commandes ont porté sur 487 unités, soit 3,43 MEVP dont 112 porte-conteneurs de 10 000 EVP et plus, soit 1,56 MEVP.
Dans le même temps, la croissance du trafic mondial est passée de 8 % en 2011 à 4,5 % en 2012. Elle devrait remonter à 5 % en 2013 alors que la capacité statique de la flotte devrait croître de 7,5 %.
Le nombre de navires sans emploi n’a donc aucune raison de baisser. Entre le début et la fin de 2012, la capacité de transport inutilisée est passée de 595 000 EVP à 810 000 EVP avec un plancher à 435 000 EVP durant l’été. Les unités de 3 000 EVP à 5 000 EVP ont été les plus affectées.
Avec une capacité de presque 2,58 MEVP dont presque 50 % en affrètement, Mærsk Line présente 15,4 % de la capacité mondiale. MSC se tient juste derrière avec 2,22 MEVP (dont 53,5 % en affrétés), soit 13,2 %. Arrivant « assez loin » derrière, CMA CGM représente 8,2 % de l’offre, soit 1,38 MEVP dont presque 64 % en affrétés. Evergreen, quatrième transporteur, est « loin » derrière avec une part de marché de 4,3 %, soit 0,72 MEVP. Cosco Container Line fait jeu quasiment égal avec Evergreen. Hapag-Lloyd est en retrait avec 3,8 % de l’offre mondiale, soit 0,63 MEVP.