L’audience intervient à Saint-Nazaire, huit ans après l’accident du travail. C’était le 25 mai 2005 aux Chantiers de l’Atlantique. Un ouvrier polonais, Adam Terepora, intervient sur la commande Q32, nom de code du paquebot MSC-Musica alors en construction. Il soude un taquet dans un ballast. Le caisson où il opère est exigu et confiné. L’un des deux flexibles de son chalumeau, celui de l’oxygène, est troué et a été rafistolé avec du ruban adhésif aluminisé. « Ouvrier expérimenté, sérieux, la victime n’aurait jamais laissé passer la réparation de fortune du flexible s’il s’en était rendu compte », souligne la juge. Suroxygénation, étincelle, « l’origine réelle de l’accident reste indéterminée ». La combinaison prend feu. Composée de 65 % de polyester, elle n’est pas aux normes. Pire, la matière synthétique en feu précipite la propagation de la combustion: « C’est un élément accélérateur des brûlures. » Pas d’extincteur à portée de l’équipe des soudeurs polonais. Un de ses collègues arrache ses vêtements pour le sauver d’une mort inéluctable. Brûlé à 30 %, il est transporté par hélicoptère à l’hôpital de Nantes, au service des grands brûlés, où il subit des greffes de peau. Sans réel succès. Retourné sans un sou à Sczceczin, il ne peut plus travailler. Lancée par la CGT, la plainte pour « mise en danger d’autrui » s’est muée en « blessures involontaires causant une incapacité de plus de trois mois ». « Le grand absent, ce sont les Chantiers de l’Atlantique, qui ont leur bouclier juridique en cas d’accident, se retranchant derrière le plan de prévention signé avec l’entreprise polonaise. Alors qu’on l’a choisie pour sa politique de réduction des coûts, et dans ce cas, on commence par la sécurité », dit l’avocat de la CGT. La formation à la sécurité a tenu en deux heures, et en anglais, que ne parle par l’ouvrier polonais.
La responsabilité du donneur d’ordre, Alstom (devenu STX après avoir été Aker Yards), a d’abord été retenue par l’instruction, puis écartée des poursuites. On est retombé sur la seule société polonaise Maritime steel services, une filiale du groupe allemand Mülhan, dissoute après l’accident.