Italie: continuité territoriale et compensations financières

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De l’autre coté des Alpes, la constitution italienne prévoit la continuité territoriale. C’est-à-dire la possibilité pour toutes les personnes habitant en Italie, de pouvoir se déplacer librement d’un bout à l’autre de la péninsule, îles comprises. Un principe qui oblige les autorités publiques à appliquer l’obligation de service public (OSP) à la virgule près. « Selon ce dispositif, les autorités qui ne seront pas en mesure de sauvegarder l’intérêt général, c’est-à-dire la mobilité des citoyens, devront automatiquement prévoir le support d’une ou plusieurs entreprises », confie Giovanni Grande. Spécialiste en questions maritimes, il explique que cette norme concerne notamment quatre régions. À savoir, la Toscane dans le centre, la Campanie (Sud) et les deux îles que sont la Sardaigne et la Sicile. « Nous avions quatre grandes compagnies régionales pour ces quatre régions. Celles de la Toscane et de la Sicile ont déjà été privatisées. En ce qui concerne en revanche la Campanie et la Sardaigne, elles sont encore en voie de privatisation. Ces opérations devraient normalement permettre de respecter certains critères essentiels, à commencer par la régularité du service et une politique de prix concurrentiels », explique Giovanni Grande. Traduction: pour régler la question, les Italiens ont privatisé à tour de bras.

Cercle vicieux

« On ne délègue plus, on privatise. Si les Régions débloquent des financements pour aider les compagnies, cela va contre les directives européennes, car Bruxelles pourrait percevoir ces enveloppes comme une aide de l’État et infliger un carton rouge à l’Italie. C’est un cercle vicieux », estime pour sa part Marco Mezzano, fonctionnaire maritime sarde. Alors que faire? La réponse est toujours la même: privatiser.

Reste que l’obligation de service public prévoit la possibilité pour le gérant, d’obtenir des compensations économiques lui permettant de suivre ce dispositif à la lettre. Cette possibilité lui permet à la fois de préserver ses équilibres économiques et financiers et de s’adapter aux exigences concurrentielles du marché. La nécessité d’une compensation dérive aussi du fait que la gestion des services, et notamment le respect des plages horaires imposées par l’obligation de service public qui prévoit la continuité du service même en période nocturne, donc peu rentable, n’est pas toujours avantageuse pour les compagnies. « On en revient donc toujours à la question des aides », ajoute Marco Mezzano.

Fervent défendeur de la cause des transports publics, le conseiller régional aux Transports sardes, Christian Solinas, avait lancé en 2011, la flotte sarde Saremar « Un instrument qui devrait prouver que le service public est en mesure d’appliquer le principe de continuité territoriale et de garantir une bonne qualité de services aux usagers à moindre prix », avait-il affirmé. Sauf que du côté de la concurrence, chez Moby Lines et Grandi Navi Veloci, on manque d’humour. Les deux compagnies ont présenté une série de recours auprès de la Commission européenne, de la Cour des comptes et du Tar, le tribunal commercial en demandant à voir les bilans de Saremar. Comptes en main, les deux sociétés ont accusé la flotte sarde d’entrave à la concurrence. En clair, de vouloir casser le marché en proposant des prix nettement avantageux grâce aux enveloppes allouées par la Région. Selon les deux compagnies maritimes, Saremar ne pourrait pas maintenir ses comptes à flots uniquement avec l’argent de ses passagers. D’où l’accusation de concurrence déloyale.

Du monopole d’État au monopole des privés, de la poêle au brasero.

Pour manifester leur mécontentement face à l’explosion des prix pratiqués par les compagnies maritimes qui relient la Sardaigne au continent, les Italiens ressortent tous leurs vieux adages.

Étranglés par une crise économique sans précédent, harcelés par un fisc prêt à tout pour renflouer les caisses de la péninsule en pleine déliquescence, les Transalpins qui veulent traverser la Méditerranée ne savent plus à quel saint se vouer pour économiser quelques euros. Le fait est que passer la mer pour sauter du continent à la Sardaigne est devenu une véritable épreuve du feu.

L’an dernier, le coût d’un billet de ferry-boat avait augmenté de 60 % par rapport à 2010 affirme l’association de consommateurs Altroconsumo. Pour l’association, les cinq compagnies maritimes qui relient le continent à la Sardaigne (Grandi Navi Veloci, Tirrenia, Sarenar, Sardinia Ferries et Moby) auraient constitué un cartel. D’où la décision adoptée par l’association de traîner les compagnies devant les tribunaux et de réclamer le remboursement de l’augmentation aux passagers. « Sur la base des documents publiés par l’autorité de régulation de la concurrence Antitrust, nous estimons que le taux d’augmentations appliquées par les compagnies varie entre 90 et 100 % sur les deux dernières années », affirme Altroconsumo.

Les représentants de l’association pointent aussi un doigt accusateur en direction des autorités régionales qui refusent de les rencontrer pour examiner le dossier.

« Durant les seize derniers mois, nous avons demandé à plusieurs reprises à rencontrer les représentants de la Région. Mais nos demandes sont restées lettre morte », déclarent les associations de consommateurs. Elles dénoncent aussi le manque d’élasticité par rapport aux « natifs », la convention, expirée en 2010, accordant une réduction de 30 % sur le montant du ticket de transport n’ayant toujours pas été renouvelée. Du coup, les compagnies font la sourde oreille et pratiquent un peu le coup par coup dénoncent les blogueurs sardes en colère.

La voie de la souplesse

Après avoir annoncé une augmentation de 8 % du coût de location de ses navettes à partir du 1er janvier dernier, la compagnie Tirrenia, qui craint de perdre une partie de sa clientèle, se dit prête à s’engager dans la voie de la souplesse. Le transporteur vient d’annoncer que les usagers pourront étaler le coût du ticket sur plusieurs tranches. Cette mesure concerne les billets d’un montant supérieur à 300 €. Elle a aussi prévu l’application d’une réduction de 25 % sur les billets achetés auprès des structures ayant signé des conventions avec la Tirrenia.

Soucieuses face à la grogne des usagers, la persistance de la crise et les perspectives maussades dues à l’incertitude du résultat des législatives des 24 et 25 février qui pourraient entraîner une instabilité gouvernementale, les autres compagnies s’interrogent. Et s’apprêtent, elles aussi, à mettre en place une politique plus souple en termes de prix. Affaire à suivre.

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