Comme d’autres pays européens, l’Espagne a des territoires qui ne sont pas situés sur le continent européen. Il s’agit de l’archipel des Baléares en Méditerranée et de celui des Canaries, situé pour l’île la plus proche, Fuerteventura, à 94 km de la côte africaine. À ces deux territoires s’ajoutent les enclaves en territoire marocain de Ceuta et Melilla qui ont le statut de « villes autonomes ». Si celles-ci ne sont peuplées chacune que d’environ 80 000 habitants, il en va différemment pour les Baléares (1,1 million) et surtout pour les Canaries (2,1 millions). Les deux archipels sont, en outre, deux pôles importants du tourisme en Espagne.
L’existence de liaisons aériennes et maritimes régulières revêt donc une importance vitale pour le développement de ces territoires. L’État a mis en place des mesures de soutien. Quatre lignes font actuellement l’objet de contrats avec l’État sous obligation de service public (OSP) dans le cadre du dispositif juridique européen: Cadix-Canaries, Malaga-Mellila et Almeria-Melilla opérées par Acciona Trasmediterranea, et Algésiras-Ceuta opérée par Balearia. L’appel d’offres pour la ligne avec les Baléares a été déclaré désert. Les quatre contrats sont entrés en vigueur le 1er octobre 2011 pour une durée de deux ans.
Un fret « libre »
Les cahiers des charges concernent le trafic passagers alors que le fret est « libre ». Cependant les entreprises opératrices travaillent dans un contexte fortement concurrentiel. « Nous sommes en concurrence avec Acciona Trasmediterranea et FRS Iberia », dit-on chez Balearia qui opère la ligne Algésiras-Ceuta. Cette compagnie est également présente sur le trafic avec les Baléares (depuis Alicante, Barcelone, Denia et Valence, sept lignes au total).
La loi des ports permet aux autorités portuaires des territoires concernés (Baléares, Las Palmas et Santa Cruz de Tenerife aux Canaries, Ceuta et Melilla) d’accorder des réductions sous forme de bonifications de certains droits portuaires. Le texte fixe cependant des limites, et les bonifications doivent être approuvées chaque année par le ministère de l’Équipement qui veille à ce que l’équilibre financier des ports soit préservé. En ce qui concerne l’année 2013, les cinq autorités portuaires ont mis en place la bonification maximale autorisée de 40 % pour le droit sur le navire. La bonification maximale pour le droit sur la marchandise (40 %) a été appliquée par Les Baléares, Ceuta et Melilla. Las Palmas et Santa Cruz de Tenerife ont opté pour 20 %.
Le trafic avec les archipels moins touché par la crise
Selon les informations disponibles, la crise a moins affecté le trafic avec les archipels. « Sur les Baléares en 2012, c’est surtout l’activité passagers qui a souffert, le fret s’est maintenu », explique-t-on chez Balearia. Même son de cloche chez Acciona, très présent également sur les Baléares (sept lignes), les Canaries (deux lignes, dont une en contrat avec l’État) et l’Afrique du nord (trois lignes, dont deux en contrat avec l’État). « Au cours des trois dernières années, le trafic de passagers a baissé légèrement entre la péninsule et Melilla et s’est maintenu entre la péninsule et les Canaries », affirme un responsable de la société.
Le principal grief de la profession concerne les modalités de remboursement aux compagnies des subventions dont bénéficient les résidents. La législation espagnole prévoit que les personnes résidant en dehors de la péninsule, nationales ou étrangères, bénéficient d’une réduction de 50 % du tarif des déplacements aériens et maritimes entre leurs territoires et le continent, et de 25 % lorsqu’il s’agit de déplacements entre les îles dans le cas des archipels. Le problème réside dans le fait que les remboursements effectués aux compagnies sont réalisés sur une base trimestrielle et avec retard. Selon le dernier pointage de l’Anave, le syndicat professionnel du transport maritime espagnol, les gouvernements régionaux des Baléares et des Canaries doivent 32 M€ à trois compagnies membres de l’association: Naviera Armas: 7 M€ au titre de 2011-2012; Fred Olsen: 17 M€ (2011-2012); et Balearia: 8 M€ (2010-2012).
« Nous demandons que le système de remboursement des quantités avancées par les compagnies maritimes soit identique à celui mis en place pour le transport aérien, notamment que les remboursements soient effectués sur une base mensuelle et non pas trimestrielle comme c’est le cas actuellement », dit-on à l’Anave. L’association dénonce la « discrimination » dont est victime le transport maritime puisque le niveau d’émission de CO2 d’un avion est quarante fois supérieur à celui d’un navire. Elle demande aussi un apurement rapide des arriérés dus aux trois compagnies de transport maritime.
En dépit des demandes réitérées de l’Anave, exprimées notamment par le président, Adolfo Utor, lors de la dernière assemblée générale de l’association en juin 2012, le ministère de l’Équipement n’a pas bougé. L’alignement sur le régime du transport aérien n’est pas d’actualité. Dans un contexte de crise, la situation risque de perdurer.
Le poids des archipels dans le transport maritime espagnol
Le trafic entre la péninsule et les archipels (Baléares et Canaries) occupe une place non négligeable dans l’activité du transport maritime espagnol. En 2012, les trafics des autorités portuaires de ces deux archipels ont atteint 47,6 Mt, soit 10,3 % du trafic total des ports espagnols. Si on déduit l’activité de transbordement de conteneurs (11,6 Mt), on arrive à un chiffre de 36 Mt (10,4 %) qui mesure le trafic entre la péninsule et les archipels. En 2012, six compagnies opéraient aux Baléares avec des trafics plus ou moins réguliers, et 59 aux Canaries, dont environ la moitié appartenait au secteur de la croisière, indique-on à l’Anave.
Cette association rappelle que le poids des archipels dans le trafic total espagnol est très variable selon le type de marchandises: vracs solides 2,9 %, vracs liquides 8,8 %, conteneurs 10,4 %, diverses 14,4 % et roulier 33,6 %. La flotte opérée par les compagnies maritimes espagnoles dans l’activité de lignes régulières avec les archipels représente plus d’un million de tpl – soit un quart du tonnage total contrôlé par des acteurs espagnols – et environ 80 navires, soit un tiers de la flotte.
En ce qui concerne le chiffre d’affaires, on ne dispose que d’une étude relativement ancienne (novembre 2008) du bureau d’études DBK. Ce document mentionne un montant de 520 M€ en 2007, dont 80 % correspondent aux trois principaux opérateurs: le groupe Acciona, Balearia et Naviera Armas.