Il s’agit du quatrième projet de politique portuaire européenne pour la Feport. Les deux premiers ont eu lieu en 2001 et 2005 lorsque la Commission a présenté les « paquets portuaires » qui se sont soldés par des échecs. En 2007, après le dernier essai, elle a réalisé une communication sur la politique portuaire. « En 2013, il s’agit d’une nouvelle mouture que nous pourrions appeler le quatrième paquet portuaire, même si elle ne prend pas cette dénomination », explique Diego Teurelincx, secrétaire général de la Feport. Une approche que la Feport regrette. « C’est vaste. Ce projet englobe un nombre important de services. Le paquet portuaire n’est pas forcément la meilleure approche. Il vaudrait mieux une approche par métiers. » Pour la Feport, il y aurait une autre voie pour aborder ce sujet au travers de segments comme, par exemple, la transparence des financements des autorités portuaires, les questions opérationnelles et une approche plus générale au travers de la compétitivité. « Agir globalement n’est pas la solution la plus facile », analyse Diego Teurelincx. Le seul point qui pourrait être étudié dans le cadre d’une approche globale serait celui des aides d’État.
Prenant l’exemple des concessions portuaires, Diego Teurelincx se montre sceptique. « Le système des concessions est si diversifié en Europe que le projet sera mort-né parce que trop large dans sa conception d’origine. » Ce système existe en Europe depuis de nombreuses années mais sous des régimes divers. Ainsi, entre l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas et la France, les concessions portuaires ne recouvrent pas la même notion. « Bâtir un projet sur des concessions doit d’abord passer par une phase d’analyse dans les différents ports, et ensuite regarder ce qu’il est possible de faire. Enfin, la mise en place d’un régime européen de concession ne sera jamais appliquée partout de la même façon. Chacun aura sa propre interprétation », continue le secrétaire général de l’association. De plus, en abordant ce sujet de la politique portuaire, l’Europe met le doigt dans un engrenage dont elle ne maîtrise pas tous les aspects. Ses compétences économiques ne sont pas infinies, pire, « elles sont partielles », souligne Diego Teurelincx qui y voit un danger. « Le remède est parfois pire que la maladie », cite le secrétaire général de la Feport. Il est fataliste. Les différences entre les différents États membres existent et elles sont acceptées par toutes les parties. En changeant le régime de certains pays, cela créera plus de maux que de bénéfices. « Nous ne pouvons tout résoudre par des textes. »
Un exemple symptomatique
L’exemple des concessions portuaires est symptomatique de ce sujet pour la Feport. « Nous ne sommes ni partisans ni opposants à cette nouvelle politique portuaire. Nous souhaitons que ces questions demeurent au niveau où elles sont actuellement: aux opérateurs et aux autorités portuaires. Ils savent gérer la situation. » La solution à apporter peut se résumer en deux points pour le secrétaire général de la Feport: mettre en place une transparence financière dans le secteur, et, d’un point de vue pratique, les questions ayant trait aux prolongations des concessions et durée doivent revenir aux opérateurs. Le rôle de la Commission européenne est de poser des standards, et celui des acteurs de gérer l’opérationnel.
L’Europe ne peut tout contrôler
La Feport adopte une approche pragmatique qui privilégie les opérateurs. L’Europe ne peut tout contrôler. Entreprendre un projet de cette ampleur pour sauvegarder des entreprises de manutention européennes de taille plus modeste doit se faire de façon plus réaliste. « Il existe des entreprises de toutes les tailles dans les ports. Les grandes sociétés prennent des positions dans les ports européens. Maintenant si la Commission veut sauvegarder un tissu industriel de petites sociétés, qu’elle le fasse, mais de façon plus directe. »
Quant aux questions sociales, la Feport maintien son cap en privilégiant le dialogue entre les partenaires sociaux. « Nous avons entamé des réunions informelles entre la Feport et l’Espo d’une part, l’ETF et l’IDC d’autre part. Elles doivent entrer dans une phase plus formelle dans les prochains mois. »
L’ETF demande la reconnaissance du métier portuaire
Invité par la Commission à participer le 18 janvier à la consultation, l’ETF (European transport Federation) se montre sceptique sur le projet. Pour l’ETF, le rapport remis aux participants de la réunion du 18 janvier organisée par la Commission européenne démontre de graves dysfonctionnement. « Il semble, indique un texte du syndicat, que la Commission est déterminée à mettre en évidence ce qui apparaît comme des problèmes locaux et spécifiques de certains ports, aux yeux de certains opérateurs portuaires. Cela n’est pas suffisant pour justifier d’une politique paneuropéenne portuaire. » L’ETF nuance les effets de la concurrence dans les ports dont le rôle se joue au niveau local, régional, national et international. La Commission prend en exemple les ports les plus compétitifs dans le monde, les ouvriers portuaires les plus performants et les opérateurs les plus efficaces. « Les ouvriers portuaires ont toujours su répondre présent aux changements technologiques et s’adapter à une économie qui fonctionne 24 h/24 et 7 jours/7, rappelle le syndicat. La Commission devrait plutôt regarder à créer un équilibre entre la compétitivité et l’agenda social. Nous ne réclamons pas un statut spécial mais la reconnaissance pragmatique de notre secteur. » Et allant plus loin, l’ETF différencie le métier portuaire des autres secteurs d’activités notamment sur les questions de sécurité et de santé. « Dans certains ports, les ouvriers ne sont couverts que par des régimes généraux quand ils ont besoin de particularisme, voire, dans certains établissements, de la mise en place d’une telle protection. »