« Il ne s’agit pas d’un nouveau port package », indique Patrick Verhoeven, secrétaire général de l’Espo, en préambule. La nouvelle politique portuaire présentée par la Commission européenne le 18 janvier s’inscrit dans un nouvel état d’esprit. Peut-être est-ce pour éviter les deux précédents échecs de 2003 et 2006 qu’elle a décidé de parler d’un projet de règlement portuaire? Il reste que ce projet semble tenir à cœur au commissaire européen Sim Kallas. En premier lieu, et à la différence des deux précédentes tentatives, la Commission a présenté un projet de règlement alors qu’en 2003 et 2006, il s’est agi surtout d’une directive. L’avantage d’un tel texte est qu’il s’applique directement sans être transposé dans les différents cadres juridiques nationaux. Pour l’Espo, un règlement n’est pas une nécessité. « Compte tenu de l’état du secteur, il ne faut pas d’un instrument juridique fort et rigide. » Parmi les grandes lignes exposées de ce texte, la Commission envisage d’étendre aux ports la liberté de prestation de service. Celle-ci n’est pas de mise dans les ports et l’Espo attend de la Commission des réponses à ce sujet.
La liberté d’accès doit être la règle
Pour le secrétaire général de l’Espo, le contenu de ce texte s’inscrit dans la communication faite en 2007 par la Commission pour recueillir les avis des principaux opérateurs. « Le contenu de ce texte doit offrir des garanties sur l’application de principes de base dans le portuaire », continue Patrick Verhoeven. « En apportant une plus grande sécurité juridique au travers d’une application des règles du Traité européen à propos du financement, de la conclusion des contrats et de l’accès aux services, la Commission doit permettre le développement de ses ports. Cela viendra en complément de sa politique sur les infrastructures portuaires qui est une partie du réseau Transeuropéen de Transport (TEN-T) », a souligné le secrétaire général. Il note que la proposition de la Commission présente des points positifs, mais il attire aussi l’attention sur le risque de trop de détails. « Il peut y avoir des restrictions, mais la liberté d’accès doit être la règle. L’important dans ce projet est de mettre en avant la transparence et la non-discrimination des acteurs. » Cette transparence est un point clé pour l’Espo. Dès lors que l’autorité portuaire perçoit des subventions ou des aides publiques, elle doit être transparente. « Nous demandons à avoir des précisions sur la qualité d’une aide publique au sens de la Commission. Une somme reçue de l’État n’est pas toujours une aide publique, il faut une clarification sur ce point. » Pour Patrick Verhoeven, dans son projet, la Commission pousse le raisonnement jusqu’à demander la constitution de sociétés séparées dès lors qu’une autorité portuaire exécute un service privé. Un point litigieux pour l’Espo qui souhaiterait éviter de voir se constituer des sociétés dès lors que les autorités portuaires ne perçoivent pas d’aides de l’État. « Nous ne souhaitons pas que cela soit une obligation de séparer en entités juridiques certaines activités. » L’Espo est aussi sceptique sur les droits de port. Dans son projet, la Commission souhaite faire entrer le coût marginal dans les droits de port, à savoir lier les droits de port aux investissements. « En théorie, ce principe paraît idéal mais en pratique, les choses sont sensiblement différentes. » Pour le représentant des autorités portuaires, la transparence est une notion élémentaire et la négociation peut s’intégrer dans le calcul des coûts portuaires, mais il est nécessaire que l’autorité portuaire ait une autonomie financière suffisante pour l’appliquer. Parmi les conséquences pour les ports, l’Espo cite un certain nombre de cas. Ainsi, comment relier l’investissement aux usagers quand celui-ci n’en bénéficie pas? Les coûts de dragage d’un port à 15 m ne pourraient s’appliquer aux navires qui ont un tirant d’eau inférieur, et il sera difficile pour un port de ne faire supporter ce coût qu’aux seuls navires de plus de 15 m, estime l’Espo. Autre question: jusqu’ou un port pourra intégrer un bénéfice sur une opération? Comment répercuter des investissements sur un terminal multipurpose qui reçoit des vraquiers, des rouliers ou des navires chargés de diverses. Comment répercuter les investissements quand les navires n’emprunteront pas le même service sur le quai? Et quid de ces investissements dont la durée s’étend sur plusieurs décennies? Faut-il repenser tout le système de financement des ports? Ces questions, indique le secrétaire général de l’Espo, se poseront tôt ou tard. Selon les dernières enquêtes menées auprès des usagers des ports, 75 % se disent satisfaits des prestations, alors « faut-il vraiment un instrument sur la philosophie portuaire de l’Europe? » s’interroge Patrick Verhoeven. Il insiste plus sur la nécessité de disposer dans chaque port d’un comité réunissant usagers, autorité et opérateur pour créer un lieu de rencontre et présenter les projets stratégiques. Enfin, s’agissant du dialogue social, l’Espo ne souhaite pas que la Commission intervienne sur le sujet. L’angle de ce propos doit se faire, selon l’Espo, par la sécurité plutôt que sur l’organisation du travail.
Entrer dans la phase active du TEN-T
En liaison étroite avec ce dossier de la politique portuaire, l’Espo a mis en bonne place le dossier du Réseau Transeuropéen de Transport (TEN-T). Le débat politique est terminé. « Nous devons maintenant entrer dans la phase active de ce dossier », souligne Patrick Verhoeven. Une phase qui passe par les fourches Caudines des restrictions budgétaires. La Commission a proposé 32 Md€, mais le sujet est avant tout politique car il entre dans le cadre des négociations budgétaires. Sur le fond et les disponibilités, le Parlement européen veut que l’Europe joue un rôle décisif, quand les États plaident pour conserver leur prérogative.
Enfin, troisième dossier européen qui touche directement l’Espo, l’annexe VI de Marpol. Comme représentant des autorités portuaires, l’Espo souhaite engager un débat plus technique que politique ou juridique sur le soutage de gaz dans les ports européens. « Que peut-on faire dans le cadre de ce texte comme autorité portuaire? » Les questions de sécurité et de choix des ports disposant de ce type de soutage se posent. « Les ports occupent une place importante et notamment sur le respect de l’environnement, tant globalement qu’au niveau des émissions des navires. Nous devons participer au débat technique et trouver avec les représentants des autres opérateurs des solutions », souligne Patrick Verhoeven.