À peine les agapes de fin d’année digérées, l’Ecsa (European Community Shipping Association) a repris les dossiers à faire avancer en 2013. À deux ans de l’échéance de l’annexe VI de Marpol sur la teneur en soufre des émissions de navire, le secrétaire général de l’Ecsa, Alfons Guinier, s’interroge. « Aucune analyse des impacts de cette mesure n’a été entreprise. Le risque réel pour les armateurs est de constater que ces dispositions auront pour effet de transférer de la mer à la route une partie du trafic. » Et le secrétaire général de l’organisation européenne de demander une analyse précise de la situation. Selon les premières estimations réalisées par l’Ecsa, certaines routes maritimes comme les liaisons vers le nord de l’Europe au départ d’Allemagne pourraient perdre jusqu’à 50 % de leur trafic, tout comme des liaisons transmanche. Les deux solutions proposées passent par des scrubbers installés sur les cheminées ou le soutage pour des moteurs en gaz. Deux solutions qui ne sont pas suffisamment opérationnelles. « La solution qui s’impose, dans un premier temps, consiste en des exemptions limitées dans la durée », continue Alfons Guinier. Autre alternative, utiliser la « boîte à outils » proposée par la Commission européenne. « Cette boîte est vide pour le moment. Son remplissage dépend surtout des contraintes budgétaires de l’Europe. » Enfin, sur ce sujet, l’Ecsa déplore la stratégie changeante des États. « En Scandinavie, les États ont voté cette annexe à l’OMI et ils demandent à l’Europe de faire machine arrière. Il faut définir une direction claire et s’y tenir », estime Alfons Guinier.
Politique portuaire
L’autre dossier important de cette année vise la politique portuaire présentée par la Commission européenne le 18 janvier. « Nous avons rappelé à la Commission que nous partageons son analyse sur la nécessité de disposer de ports efficaces pour la relance de l’économie », a indiqué le secrétaire général de l’Ecsa. Cette politique portuaire doit comprendre plusieurs points essentiels pour les armateurs: le développement des infrastructures portuaires et leur connexion avec leur hinterland, des tarifs transparents, négociables et adaptés par des autorités portuaires autonomes, des services portuaires qui soient efficaces et qui respectent la liberté d’accès aux métiers, un système de concession qui donne la priorité au meilleur opérateur et libère des contraintes bureaucratiques et la réduction des démarches administratives (red tape). Dans l’esprit des membres de l’Ecsa, il faut revenir à des fondamentaux en appliquant les principes de base de l’Europe d’une liberté d’accès et de travail. « Nous voulons être en mesure de négocier avec les opérateurs », souligne le secrétaire général qui prend pour exemple les différences qui existent selon les ports dans les services comme le pilotage et le lamanage. L’étude menée par le cabinet Price Waterhouse Coopers sur le pilotage en Europe montre les différences notables entre les pays et les ports, selon l’Ecsa. L’organisation européenne reconnaît la nécessité d’imposer un minimum de sécurité et de sûreté sur ce point, « mais il ne faut pas imposer n’importe quoi, s’insurge Alfons Guinier. Il faut gommer les crêtes et conserver un niveau de discussion tant au niveau local que national. » Concernant le lamanage, l’Ecsa demande que des mesures en vue de négociations commerciales s’établissent. Quant aux questions sociales abordées dans les précédentes versions des projets de politique portuaire européenne, l’Ecsa ne veut surtout pas s’engager sur un terrain conflictuel. « Les relations entre ouvriers portuaires et leurs employeurs doivent se faire dans le cadre de négociations paritaires. Nous souhaitons voir une liberté d’embauche sur les ports avec une consultation auprès des différentes parties prenantes. » La liberté doit prévaloir, pour l’Ecsa, sur la réglementation.
Des gardes armés à bord
Autre sujet qui prend une dimension européenne, les questions liées à la piraterie et la position de l’Union européenne sur les gardes privés à bord des navires. « Nous constatons une amélioration des conditions au large de la Somalie grâce aux forces militaires. Nous demandons malgré tout que soit abordée la question des gardes armés à bord quand cela devient nécessaire. » Pour les membres de l’Ecsa, la présence de ces hommes armés doit être l’exception. « Les États doivent le permettre et ne pas le faire sur le long terme. » L’État est tenu de garantir le libre passage de ses côtes, nous n’avons pas d’autres choix que de prendre ces gardes mais cette solution doit être prise au niveau de l’OMI.
Enfin, l’Ecsa s’inquiète de la situation qui prévaut à propos de la convention de Hong Kong sur le recyclage des navires. Le Parlement européen souhaite renforcer les dispositions de cette convention. « Nous estimons que la ratification de cette convention doit se faire telle qu’elle existe aujourd’hui afin qu’elle soit adoptée par les États les plus concernés comme l’Inde, le Pakistan ou le Bangladesh. Si le Parlement décide une plus grande sévérité sur cette convention, elle ne sera pas signée par les principaux États concernés et nous n’aurons aucun texte. Il faut savoir prendre ce qui existe », explique Alfons Guinier. Il reconnaît du bout des lèvres que des améliorations peuvent être entreprises mais souligne surtout l’urgence de voir un texte s’appliquer à tous les États afin d’améliorer dans un premier temps la situation. Au final, le risque est de voir tous les efforts entrepris pour cette convention s’écrouler si l’Europe décide d’une plus grande sévérité.