« Ce dispositif de sécurité passive consiste en un point fixe sur la plage avant du navire, sur lequel est déjà gréée une chaîne d’une dizaine de mètres. Un chaumard spécial est aussi prévu dans le pavois dans l’axe du navire. En cas de besoin, la remorque est hissée à bord et maillée sur cette chaîne. Sous tension, l’ensemble va se mettre en place, la chaîne passant à travers le chaumard prévu à cet effet. Cela évitera la rupture de la remorque par ragage », explique la compagnie. Depuis que le Braer chargé de 86 800 t de brut s’est échoué sur une île des Shetlands en janvier 1993, il est devenu obligatoire pour les seuls navires citernes de 20 000 tpl et plus d’être équipés à l’avant et à l’arrière de pareils dispositifs qui simplifient et sécurise la prise en remorque des navires.
CMA CGM vient de franchir une nouvelle étape en équipant à l’avant et à l’arrière son premier 16 000 EVP, le Marco-Polo. La compagnie nous a précisé quelques données: le déplacement à pleine charge de ce type de navire peut atteindre les 240 000 t. Sa voilure latérale est de 12 700 m2, la frontale de 2 400 m2.
Consultées par CMA CGM, « les plus grandes » sociétés de sauvetage « confirment » qu’il leur serait possible de « tenir et stabiliser » de tels navires dans des vents de 8 à 9 B (47 nœuds) avec une force de traction de 150 à 180 t. « C’est une démarche responsable que nous avons engagée sur ces grands navires, que ce soit avec l’installation du “Fast Oil Recovery System” ou cet exemple du système de remorquage d’urgence. Ce dernier a été étudié en consultation avec des sociétés renommées de sauvetage. Nous pensons que l’OMI devrait imposer ce type de solution sur tous les grands navires. En cas d’avarie, chaque heure gagnée pour passer une remorque compte et peut permettre de changer favorablement l’issue », souligne Ludovic Gérard, vice-président de CMA Ships.
Selon la formule habituelle déterminant la force transversale que le vent exerce sur un navire, (2.surface.V2.sin A)/100, à 40 nœuds, avec un angle de 30o entre l’axe du navire et celui du vent, la force est de 203 t, sans tenir compte de l’effet de la houle ni de celui d’un safran bloqué tout à gauche ou à droite. Il y a donc de sérieuses raisons de regarder de beaucoup plus près la réalité des choses. Soit par essai grandeur nature comme le propose le préfet maritime de l’Atlantique, avec de sérieuses limites dans l’exercice (voir ci-contre), soit par simulation sur maquette navigante avec générateur de vent et de courant comme cela est possible à Port-Revel. Tout le monde a intérêt à savoir si les Marco-Polo et autres Triple-E de Mærsk (18 000 EVP), voire les grands paquebots, sont réellement « stabilisables »: les populations des États côtiers et les assureurs par exemple. La Commission européenne autorise les aides d’État visant à la protection de l’environnement (voir p. 13).
Premar Atlantique: un remorquage de gros porte-conteneurs en vue
Il y a longtemps que les responsables de l’action de l’État en mer (AEM) ne cachent pas leur inquiétude face au gigantisme de certains types de navires. Lors de ses récents vœux à la presse, le préfet maritime de l’Atlantique, Jean-Pierre Labonne, est revenu sur le sujet en mentionnant le cas du Marco-Polo, le dernier né de la flotte CMA CGM. Certes, le remorqueur Abeille-Flandre (12 800 CV et 160 t de bollard pull) a bien remorqué des ULCC de plus de 400 000 t, soit plus du double du port en lourd du porte-conteneurs d’une capacité de 16 020 EVP. Sur le papier, l’Abeille-Bourbon (21 700 CV et 200 t de traction) ne craint donc rien. Mais ce ne sont pas tant les caractéristiques du Marco-Polo (396 m x 53,60 m et 16 m de tirant d’eau) qui posent problème que l’énorme fardage issu des conteneurs en pontée.
D’où l’idée de réaliser un exercice grandeur nature avec l’Abeille-Bourbon quand le porte-conteneurs XXL passera au large de pointe Bretagne. La CMA CGM a déjà donné son accord de principe. « Nous souhaitons que le remorqueur se rende compte des éventuelles difficultés de prise de remorque et de mise du navire bout au vent ou à la lame », commente-t-on à la Premar. Pour ce faire, il testera l’Emergency Towing Arrangement (système d’urgence de remorquage), dont est doté le Marco-Polo. Une exception puisque pour l’heure, seuls les pétroliers de plus de 20 000 tpl ont l’obligation d’en être équipés. Et la France souhaite justement que l’OMI élargisse cette obligation à d’autres types de navires à risques.
A.L.D.