Accident, stress et reprise d’activité

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En septembre 2011, le remorqueur portuaire Marseillais-5 se fait « étraver » par un minéralier entrant à Fos à 9 nœuds. Il se retrouve coincé sur l’étrave, prend un gîte de plus de 50o sur bâbord. Le pire n’étant jamais sûr, le naufrage est évité. Boluda entame alors une réflexion classique: quels sont les impacts de l’accident sur les navigants et le matériel? Comment les limiter? Enfin, étudier les causes qui ont conduit à l’accident afin d’éviter qu’il ne se reproduise.

Dans l’histoire de la compagnie, on trouve un accident de remorqueur similaire. Un mois après, le chef mécanicien décède d’une crise cardiaque. Dans la profession circule le cas d’un remorqueur néerlandais accidenté dont le capitaine a été pris de bouffées de stress sous étrave. Le cas similaire s’est déjà trouvé chez Boluda. Le capitaine a, à sa demande, rembarqué comme chef mécanicien.

La compagnie espagnole applique les principes inspirés des bonnes pratiques que les transporteurs aériens ont mis en place depuis des années: ne pas chercher des coupables, mais le signalement spontané de tout problème ou comportement ayant amené à un quasi-accident, par nature bien plus fréquent que l’accident. Et ce, afin d’améliorer la sécurité de tous.

Chez Boluda, cela se traduit par expliquer qu’une faute nautique, même importante, n’entraînera pas de sanction si elle est avouée et explicitée lors des enquêtes. Cela permet d’obtenir la vérité dans ses moindres détails, de ne pas préculpabiliser les équipages et de travailler sur des bases les plus saines possibles pour le bénéfice de tous.

Dans la pratique, il faut que les navigants puissent s’exprimer le plus librement possible afin que puissent être détectés des états de stress, et ainsi permettre une sorte de libération. Cela passe par un échange direct et à chaud avec tout l’équipage pour recueillir leurs premières impressions. Le capitaine rédige ensuite son rapport de mer. Puis se met en place une équipe d’enquête du CHSCT qui s’entretiendra individuellement et collectivement avec l’équipage. Les membres de l’équipe du CHSCT étant composés de navigants sans lien hiérarchique passé ou présent avec l’équipage qui a subi l’accident. Ce dernier participe à toutes les expertises techniques. Ces retours d’expérience sont diffusés en interne et en externe afin qu’ils profitent au plus grand nombre.

Le traumatisme ne s’oublie pas

Au terme de tout ce processus, il est apparu que seul le capitaine, ayant clairement vu sa dernière heure arrivée, a semblé présenter des troubles liés au surstress avec un sentiment « excessif » de culpabilité. Les quatre membres d’équipage ont été mis au repos le temps que le remorqueur soit réparé. Mais le capitaine ayant des contacts réguliers et professionnels avec l’armement, ses pairs lui ont proposé de reprendre rapidement les manœuvres. Parallèlement, à l’intention de tous les marins volontaires a été mise en place une consultation psychologique par l’hôpital militaire de Laveran, gratuite pour les patients dont l’anonymat est garanti.

Après deux mois de remise en l’état de son remorqueur, l’équipage a repris normalement son travail. Aucune anomalie particulière n’a été détectée.

Six mois plus tard, lors d’essais d’adaptation à un nouveau remorqueur, le capitaine du Marseillais-5 manœuvre de façon saccadée lors des opérations sous étrave. Son stress ressort.

Il est finalement décidé de reprendre la formation à la manœuvre du capitaine jusqu’à la disparition de ses troubles avec l’accord des deux autres capitaines qui ont suivi le même parcours. Depuis, note Boluda, ses troubles ne sont pas « réapparus ». La compagnie en conclut « qu’au final, l’homme est ainsi fait que l’effacement total n’existe pas. Le marin doit faire l’apprentissage de ce nouveau facteur de stress qu’est le traumatisme passé ».

Agir sur le long terme

Boluda estime au nombre de cinq les facteurs déterminants pour surmonter un pareil événement. Le plus important semble être la volonté d’aller jusqu’au bout, car « même si elles n’apparaissent pas immédiatement, les causes des accidents graves sont souvent profondes et leur traitement doit entraîner des mesures à long terme ».

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