Le Journal de la Marine Marchande, dans son édition du 5 avril 1962, se fait l’écho des propos tenus par le ministre allemand des transports, M. Seebohn, lors d’une conférence à Wiesbaden.
Le membre du gouvernement de la République Fédérale d’Allemagne a déclaré que « la France est un pays de transit. » Le mot a fait sensation, rapporte le JMM dans son édition de 1962. Le DVZ de l’époque enfonce le clou. « Tous les transports à destination de ses possessions, comme au départ de celles-ci, constituaient une affaire purement française et s’effectuait sous pavillon français: les deux plus grands armements étaient d’ailleurs nationalisés et recevaient, pour effectuer ces transports, d’importantes subventions. » Alors, lorsque les États africains ont accédé à leur indépendance, la France est sortie de son isolement, tempère le journaliste du JMM. Et pour se faire, elle dispose de ports nationaux tout aussi compétitifs que ses concurrents d’Europe du Nord. Ainsi, note le Journal de la Marine Marchande, le port de Dunkerque, troisième port de France en 1961, « doit concurrencer demain Anvers et après-demain, peut être Rotterdam. » À l’époque, le trafic en transit d’Anvers ne cesse de décroître et il joue un rôle de “port national”. Dunkerque a une carte à jouer et le gouvernement l’a doté d’une enveloppe conséquente pour le quatrième plan. Des routes, des canaux et la reconstruction du port de Dunkerque devrait le propulser en haut du classement des ports européens.
Rotterdam a peur. Les autorités portuaires craignent les volontés du ministre belge de relier par voie routière Anvers avec la Rhur et Brême. Elles s’inquiètent de la probabilité d’un pont ou d’un tunnel sur le détroit du Pas-de-Calais. Tout cela se fera et Rotterdam conservera sa place de premier port mondial pendant quelques années.
Au sud, Marseille, avec son trafic de 26 Mt en 1961, fait illusion. Ce sont des produits pétroliers pour 20 Mt et 6 Mt de matériels militaires. Mais Marseille a un avenir avec la construction du pipeline vers Karlsruhe pour y acheminer du pétrole vers la raffinerie. Le port phocéen veut jouer la carte de porte d’entrée pour l’Afrique, l’Asie et l’Australie et venir jouer dans la cour de Rotterdam et Anvers.
En cette année 1962, la France marque un tournant. Les sommes consacrées lors du Plan devraient permettre au pays de jouer un rôle dans les transports européens de demain. « La France a bien compris l’enjeu », conclu le JMM. Les gouvernements qui se sont succédé depuis lors semblent avoir été atteints de la maladie d’alzeihmer.