Sale temps et horizon bouché sur la filière du transport maritime conteneurisé. Subissant de plein fouet le retournement de l’économie mondiale, le secteur est en proie à une guerre des prix sans merci résultant des surcapacités énormes des espaces disponibles. « L’offre de transport surpasse la demande », confirme Bernard Isoard, président de la Container Owners Association (COA), à l’occasion de la tenue de son congrès annuel à Amsterdam. « Les navires sont à la chaîne, comme on dit dans le métier », constate de son côté Bertrand Geoffrey, secrétaire général du Bureau international des containers (BIC), pour évoquer le mouillage de nombreux navires dans tous les ports de la planète.
« Le ralentissement de l’économie s’est traduit par une baisse de la consommation et un renforcement de la concurrence. De ce fait, de grands groupes comme Ikea, Danone, Michelin, Wal-Mart ont fait disparaître leurs stocks. Ce qui signifie moins de marchandises à transporter », explique le président de la COA.
La réaction épidermique de cette branche du transport maritime aux soubresauts de l’économie s’explique aussi en partie par ces flux commerciaux qui convergent désormais vers la Chine. « Quelque 80 % des marchandises transportées dans le monde sortent d’usines chinoises », estime Bernard Isoard.
Effet domino de cette baisse de la demande en transport, les navires ne font pas le plein et les taux de fret sont sous pression. « On se bat pour remplir les conteneurs », rage le président de la COA.
Des frais examinés à la loupe
Face à ces vents contraires, la réduction des coûts est devenue un enjeu stratégique majeur. Outre le suivi scrupuleux de la route des porte-conteneurs et le strict contrôle de leur vitesse eu égard au coût des carburants, tous les frais liés aux manutentions des conteneurs sont également examinés à la loupe. Afin de sécuriser ces opérations et en maîtriser les coûts, il est devenu courant que des acteurs de poids comme CMA CGM ou Mærsk investissent financièrement dans la construction d’infrastructures portuaires.
La conjoncture ayant entraîné toute la filière dans la même galère, les entreprises se serrent les coudes. Les accords de réciprocité relatifs à l’acheminement des conteneurs des concurrents sont devenus monnaie courante en vue de maximaliser les cargaisons.
Cette morosité ambiante suscite les interrogations de certains sur les perspectives du transport maritime conteneurisé. « En volume, les prévisions sont optimistes mais en termes de chiffre d’affaires, les calculs sont plus compliqués vu notamment la globalisation de l’économie », soupèse Bernard Isoard.
Le port de Rotterdam table à l’horizon 2030 sur un trafic de quelque 700 Mt de marchandises dont 42 % par conteneurs. Les transbordements devraient atteindre 36 MEVP en 2030 contre 19 MEVP actuellement, grâce notamment à l’aménagement de quais et de terminaux dédiés dans la nouvelle zone portuaire Maasvlakte 2, y compris pour le fret conteneurisé, destiné à être acheminé par voie fluviale ou ferroviaire.
« Pariant sur une future réduction des escales avec l’augmentation de la taille des porte-conteneurs, Rotterdam comme Anvers prennent position pour cette échéance », analyse Bertrand Geoffrey tout en soulevant la question de l’utilisation à venir des vaisseaux de plus petite taille. « De plus, leurs projets de développement ont été pris de longue date et la question est de savoir s’ils vont correspondre aux besoins réels », s’interroge ce professionnel.
Certains estiment que l’aménagement de terminaux toujours plus grands et hypersophistiqués va de pair avec les économies d’échelle et de coûts recherchés actuellement par les compagnies maritimes, comme en témoigne l’avènement de porte-conteneurs au gabarit monstrueux. Pour d’autres, moins optimistes, la hausse du coût des transports maritimes risque de se solder par la mise en place d’alternatives peu réjouissantes pour le secteur. Bertrand Geoffray fait partie d’eux: « Afin de réaliser des économies, nombre d’industries et de grands groupes internationaux pourraient simplement délocaliser leurs productions de marchandises sur les marchés où elles sont consommées et réduire ainsi leur transport. »
Explosion dans les frigos et fuites dans les poches
Outre les problèmes liés aux organismes vivants (vermines, plantes, champignons et autres germes) qui ont toujours empoisonné les professionnels du transport maritime, la branche conteneurisée est actuellement en proie à deux écueils techniques particulièrement pénalisants.
Dangereux au plus haut point, un gaz réfrigérant frelaté – et vraisemblablement contrefait en Chine – présente plusieurs risques pour les conteneurs. Outre la corrosion qu’il provoque sur certains métaux comme l’aluminium, il est aussi susceptible d’exploser quand il est à l’air libre. Par ailleurs, les professionnels du transport de liquides sont à la recherche de solutions pour augmenter la résistance des flexitanks. Pour l’heure, les poches en plastique permettant de transporter ces liquides résistent mal aux mouvements des navires. Des fuites peuvent être à l’origine de dégâts sur les conteneurs s’il s’agit par exemple de produits chimiques.