Depuis des années, Voies navigables de France (VNF) souligne que le transport fluvial s’inscrit dans les réflexions mondiales sur les problématiques de développement durable et de limitation des émissions de CO2. Il permet de réduire l’empreinte des transports sur l’environnement, et ce jusqu’au cœur des grandes zones urbaines. « Les besoins croissants en transport dans les agglomérations ne pourront pas être absorbés par un seul mode, d’autant moins que des réglementations de plus en plus contraignantes se mettent en place, assure l’établissement. Aussi, le fleuve, qui traverse et dessert le cœur des grandes villes, est un allié de choix pour relever les défis de la logistique urbaine. » Dotée de telles perspectives d’avenir, cette dernière ne constitue toutefois pas un concept complètement nouveau. Philip Maugé, directeur du développement de VNF, rappelle que les premières solutions de logistique urbaine fluviale ont concerné les pondéreux classiques en vrac: sables, graviers, produits énergétiques (charbon, fuel pour CPCU), céréales pour les meuneries. Autres filières précurseurs de la logistique urbaine fluviale: les déblais du BTP, les déchets et produits valorisables comme les mâchefers, papiers et cartons, plastiques, DIB, encombrants, et le verre. Le conteneur commence à être utilisé à place du vrac, pour le transport de papiers à recycler, notamment. Il ne faut pas oublier non plus les matériaux de construction sur palette ou en big bag. Sur la Seine, il existe depuis 1987 une distribution hebdomadaire de 900 palettes de sacs de ciment, de parpaings, de dalles de plâtre, de briques, etc. pour Point P et Raboni, les magasins de ces enseignes étant souvent implantés en bord à quai. Ce trafic utilise une cale spécialisée dotée d’une grue de manutention.
Tirer profit des atouts de la voie d’eau
La logistique urbaine fluviale existe donc depuis de longues années mais connaît actuellement une évolution en s’adaptant à de nouvelles filières. « Désormais, la logistique urbaine, c’est trouver une solution à la distribution des biens de consommation jusqu’au centre de la ville. C’est utiliser le fleuve en tirant profit de son avantage principal qui est l’absence de saturation et de congestion, à la différence des voies de circulation des autres modes. Il s’agit aussi de transporter autre chose que du vrac sur la voie d’eau », explique Philip Maugé. Dans ce cadre, la concrétisation du projet Franprix en octobre 2012 au port de la Bourdonnais dans le 7e arrondissement de Paris, au pied de la Tour Eiffel est un exemple emblématique d’une logistique urbaine fluviale moderne. La réalisation de ce projet montre la capacité des acteurs fluviaux – aussi différents soient-ils, gestionnaire portuaire (Ports de Paris) ou de réseau (VNF), transporteur (SCAT), manutentionnaire (Terminaux de Seine), logisticien (Norbert Dentressangle), chargeur – à se mobiliser, à unir leurs compétences, expérience et savoir-faire au profit d’un projet novateur. Dix-huit mois de préparation et d’échanges entre toutes les parties prenantes ont été nécessaires pour parvenir à la mise au point du projet de manière concrète. « L’expérience Franprix est originale à plusieurs titres, souligne VNF. Le transport fluvial concerne ici des produits de grande consommation sur palettes. Il contribue indirectement à modifier le comportement des logisticiens en intégrant une solution fluviale. Il favorise l’accompagnement d’un nouveau mode de consommation des ménages qui recherchent plus de proximité dans leurs achats de produits alimentaires, comme alternative aux grands centres commerciaux. » La solution mise en place a été optimisée pour Franprix avec des produits alimentaires conditionnés sur palettes puis placées dans des caisses mobiles spécifiques.
Adapter les horaires d’exploitation
Afin de faciliter la mise en œuvre du transport fluvial de la barge entre les ports de Bonneuil-sur-Marne et de la Bourdonnais, VNF a modifié l’offre de services sur la Marne et la Seine en adaptant les horaires d’exploitation des écluses de Saint-Maur et de Créteil. VNF a aussi facilité des contacts avec les organismes de subvention notamment pour les certificats d’énergie. L’établissement est ici dans son rôle d’accompagnateur de projets de développement de la voie d’eau et continuera à l’exercer. « Il existe d’autres chargeurs intéressés par ce genre de solution de transport et de logistique », note Philip Maugé. Le port de la Bourdonnais pourrait accueillir d’autres chargeurs que Franprix, sachant que la solution mise en place crée certes un surcoût lié aux manutentions toutefois compensé par une meilleure utilisation des camions. Mais l’équation économique est aussi positive, tout comme l’avantage environnemental. Il y a le projet de livraison de voitures neuves et la reprise de voitures d’occasion qui a prouvé sa pertinence avec une expérimentation menée par CFT sur le quai de Bercy en septembre 2011. Il y a aussi un projet de livraison de magasins de proximité via les canaux de la ville de Paris. VNF participe à des études en cours pour des projets de logistique urbaine fluviale autour des déblais à Lyon et autour des déchets à Strasbourg. « C’est tout un nouveau système de transport et de logistique qui est en train de se construire sur la voie d’eau. Nous espérons que le modèle économique va être trouvé. Parmi les leviers de développement des projets de logistique urbaine fluviale, l’utilisation d’unités de transport de 45′ peut être pertinente tout comme le recours à des unités dotées de leur propre moyen de manutention embarqué », conclut le directeur de développement de VNF.
La définition du Centre d’analyse stratégique
Dans une note publiée en avril 2012, le Centre d’analyse stratégique (CAS), institution d’expertise et d’aide à la décision placée auprès du Premier ministre français, propose une définition de la logistique urbaine largement partagée par de nombreux acteurs, notamment dans le secteur des voies navigables européennes que le Journal de la marine marchande a interrogés. « Dernier maillon de la chaîne, la logistique urbaine se définit comme l’art d’acheminer dans les meilleures conditions les flux de marchandises qui entrent, sortent et circulent dans la ville. Cette dernière concentrant le bâti (immobilier et foncier) et les richesses (activités commerciales), la logistique urbaine doit prendre en compte des composantes multiples et diverses telles que les contraintes foncières, d’espace, de congestion sur voirie, économiques, environnementales… Elle peut représenter jusqu’à 20 % du prix de transport global. »