Berlin évacue 120 000 m3 de remblais par voie fluviale

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À Berlin, les nombreux bateaux qui font le bonheur des touristes ne sont plus seuls à naviguer sur la Spree, le fleuve qui traverse la capitale allemande d’est en ouest. Depuis peu, ils croisent la route de grandes barges chargées de gravats et de matériaux de construction. Une scène qui semble tout droit sortie du passé. Car si l’on dit souvent que « Berlin a été construite par des péniches », les voies navigables jouent aujourd’hui un rôle marginal dans la distribution urbaine de marchandises. C’est le lancement d’un chantier titanesque dans l’hyper-centre qui a remis au goût du jour les canaux berlinois.

Afin de prolonger une ligne de métro, la régie des transports (BVG) creuse depuis la fin de l’été un immense tunnel, en partie sous la célèbre avenue Unter den Linden. Des travaux qui dureront sept ans et généreront pas moins de 120 000 m3 de déblais. « De quoi remplir un million de baignoires », souligne la BVG. Et dans cette zone où le trafic est particulièrement dense, l’option d’un transport par la route est rapidement écartée, car jugée impossible. « Cela aurait paralysé totalement la circulation », affirme Christian Chitralla, porte-parole de la BVG. De fait, pas moins de 12000 trajets en camions auraient été nécessaires pour charrier ces imposants volumes de sable et de boue. D’où l’idée de substituer le fluvial au routier. Pour y parvenir, l’État fédéral et le Land de Berlin, qui financent les travaux, ont mis un million d’euros supplémentaire sur la table, afin de développer une infrastructure ad hoc. Sur les bords de la Spree, un quai de 80 m de long et 9 m de large sort ainsi de terre, à proximité du chantier. La mairie met également à disposition un vaste de terrain, qui jouxte le quai. Ce jardin public de 3 ha est transformé en zone de stockage pour les flux entrants et sortants. Car les péniches ne convoient pas seulement des gravats. « Elles apportent aussi une partie des matériaux de construction, notamment les voussoirs, les segments en béton utilisés pour réaliser le gros œuvre du tunnel, ajoute Christian Chitralla. Afin d’avoir suffisamment de place pour les équipements de chantier, on a même déplacé un monument dédié à Karl Marx et Friedrich Engels. » Au total, 250 000 t de matériels transiteront par cette plate-forme, soit 500 péniches. De quoi remplacer 8 900 poids lourds pour les flux entrants. « C’est aussi une façon de réduire les émissions de CO2 et la pollution sonore », ajoute le porte-parole, sans toutefois donner de précision chiffrée. La régie des transports laisse par ailleurs entendre qu’elle est prête à concéder sa plate-forme fluviale à un autre opérateur après la fin du creusement du tunnel en 2019. Idéalement situé, le quai pourrait notamment servir à évacuer les déchets ménagers.

Une option peu réaliste

Une option séduisante sur le papier, mais qui a peu de chances d’aboutir, selon Julius Menge, chargé de la planification des transports commerciaux auprès du Sénat de Berlin. En cause, la situation particulière de Berlin où le trafic routier est relativement fluide. Il faut dire que 48 % des ménages ne possèdent pas de voiture, un record national. « Étant donné qu’il y a peu de difficultés sur la route, le recours à la voie fluvial n’apparaît pas comme une absolue nécessité », note Julius Menge. Plusieurs expériences pilotes ont d’ailleurs déjà été menées, mais sans succès. « Transférer des ordures ménagères sur une barge, cela implique au moins une étape de manutention supplémentaire et donc des coûts. L’entreprise de ramassage des déchets a jugé que cette option n’était tout simplement pas rentable », poursuit l’expert. Autre frein, l’intense circulation de bateaux durant la saison estivale, qui laisse peu de place aux barges de fret. D’autant que le tourisme est la priorité affichée de l’équipe municipale. Après la réunification dans les années quatre-vingt-dix, les voies fluviales avaient ainsi déjà joué un rôle prépondérant lors de la construction du nouveau quartier gouvernemental. Mais l’essai n’a pas été transformé: sitôt les travaux finis, les barges ont à nouveau déserté les canaux du centre-ville. Un scénario qui, selon toute vraisemblance, devrait se répéter. Surtout que d’après plusieurs observateurs, le volontarisme actuel de la municipalité pour développer l’infrastructure fluviale liée au chantier du métro, masque un manque d’engagement sur le long terme. La chambre de commerce dénonce ainsi de graves lacunes dans l’entretien des canaux, dont l’état serait « déplorable »: « La Spree ressemble à un parcours d’obstacle », déplore Christian Wiesenhütter, le directeur adjoint de l’organisme.

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