Après avoir été interdit pendant des années pour garantir l’environnement paisible des Amstellodamois, le transport fluvial de marchandises a désormais le vent en poupe dans la capitale néerlandaise. Justement, pour des questions de respect d’environnement. Séduite par la première initiative du groupe de livraison express allemand DHL avec son « Floating Distribution Centre », la ville a depuis donné son feu vert à d’autres activités fluviales sur ses canaux du centre historique inscrits au « Patrimoine de l’humanité » de l’Unesco. Avec plus d’une centaine de kilomètres de voies fluviales, une aversion viscérale pour la circulation automobile et un souci de l’écologie avant l’heure, la « Venise du Nord » s’est imposé comme un « laboratoire » pour remettre au goût du jour le transport par voie d’eau. Au point que la loi en place a même été amendée lorsque DHL a en 1997 mis en place son service de navettes portant colis et coursiers à vélos pour effectuer des livraisons ou des retraits de petits paquets au plus vite. Jusque-là, les canaux étaient réservés au transport de passagers.
Un projet de transport novateur
La circulation incessante, bruyante et pestilentielle des bateaux entre le XVIIe et le XIXe siècle avait fini par exaspérer les habitants de la ville. Outre le remblaiement de quasiment la moitié des canaux par rapport à l’origine, la mairie avait aussi interdit le transport des marchandises par voie d’eau. Il a regagné ses lettres de noblesse voici quinze ans lorsque le ministre des Transports néerlandais de l’époque a « coupé le cordon rouge » pour lancer le « Floating Distribution Centre » de DHL, premier projet du genre au monde. Le concept a fait ses preuves. Sur le bateau Hollands-Glorie affrété par la compagnie fluviale Rederij Lovers, un « dix-sept mètres » transformé en centre de colis postal et transportant une équipe de quatre ou cinq coursiers cyclistes et leur VTT.
DHL propose un service de livraison express à destination des entreprises ou de tout autre professionnel établi au cœur de la capitale. Le bateau s’arrête à des endroits précis des grands canaux formant l’enceinte du centre-ville. Des coursiers qui ont préalablement rempli leur sac à dos du « courrier » destiné à leur quartier – comme indiqué sur les grandes tables installées dans le Hollands-Glorie, sautent alors sur le quai. Dans le même temps, d’autres qui ont procédé à leur tournée, remontent à bord. Chaque matin, le Hollands-Glorie est amarré à un quai du nord de la ville où un camion DHL lui apporte paquets et lettres à distribuer dans les prochaines heures. Le soir, ce sont les expéditions hors de la ville qu’il vient chercher. C’est l’aspect écologique du concept de DHL qui a d’abord séduit les édiles d’Amsterdam. En ramenant à deux au lieu de dix sa flotte de camionnettes sillonnant les rues étroites de la capitale, le livreur express contribue à un meilleur environnement. Outre une réduction de ses émissions de CO2, DHL participe moins aux nuisances résultant des embouteillages. De son côté, le Hollands-Glorie est équipé d’un moteur propre. En outre, Amsterdam a vu d’un bon œil l’image positive de ville « écolo friendly » qu’elle pouvait tirer de cette première expérience. Une manière aussi de stimuler d’autres entrepreneurs à être créatif face aux problèmes urbains…
Ayant emboîté le pas à DHL voici deux ans, le groupe de services logistiques Mokum Mariteam est lui aussi actif dans le transport de marchandises « intra-muros » à Amsterdam. Cinq partenaires sont à l’origine du projet: Icova, Koninlijke Saan, Rederij ‘t Smidtje, Rederij De Nederlanden et Canal Company. Les deux bateaux de Mokum Mariteam, le City-Supplier (20 mètres de long, 4,25 mètres de large, 85 mètres cubes, moteur de 53 kW) et le Power-Supplier (15,75 de long et 3,75 de large, moteur de 35 kW) sont « propres » grâce à des moteurs hybrides (électrique et biodiésel), « intelligents » du fait d’absence de rotation à vide et « stylés » en étant silencieux et inodores.
Des bateaux spécialement conçus
Outre une autonomie de navigation de quelque huit heures, le City-Supplier est équipé pour répondre à toutes les livraisons formatées: conteneurs urbains, palettes, citernes de gaz, cassettes écologiques, sacs hors normes… Une grue hydraulique permet de charger ces différents emballages. Les librairies et les musées sont ainsi approvisionnés en livres et en revues. Dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration, sa tournée comprend les livraisons de marchandises et du linge propre et en retour, le ramassage du linge sale et des ordures ménagères. À noter que ces dernières sont ensuite acheminées vers une centrale de combustion située dans le port d’Amsterdam qui les transforme en carburant propre. Une partie duquel étant in fine destinée à remplir les réservoirs du City-Supplier. Fabriqué par les chantiers navals Boxce basés à Delft, le Power-Supplier est une péniche multifonctionnelle avec deux générateurs électriques d’une puissance de 80 kV munie en outre de piliers télescopiques lui permettant de s’amarrer au « milieu de l’eau ». Ce bateau est donc conçu pour le transport de matériels lourds, à l’instar de matériaux de construction, mais, peut devenir une plate-forme flottante pour des chantiers de construction et même un podium pour des événements culturels. En dépit de la volonté politique de la ville d’encourager la logistique urbaine fluviale, tous les projets ne sont pas forcément viables. Actif entre 2006 et 2008, le porte-conteneurs Mercurius de la compagnie AMSbarge qui assurait un service logistique à l’attention des entreprises du port d’Amsterdam et des ports environnants, a cessé depuis ses activités faute de demande dans la région. Victime de la mauvaise conjoncture et du flou sur ses projets d’avenir, l’activité atone du port d’Amsterdam est désormais une constante. Quant au transport fluvial « intra muros » dans la capitale néerlandaise, il vogue aujourd’hui sur une vague à succès mais pourrait demeurer une niche de marché.