Ils sont venus de toute la France, de Marseille à Bordeaux en passant par La Rochelle, Le Havre et Rouen. Selon la Fédération nationale des ports et docks CGT, ce sont 300 délégués représentant plus de 30 syndicats portuaires qui ont fait le déplacement vers les brumes dunkerquoises.
La Fédération a voulu faire les choses en grand pour « adresser un message fort aux dockers de Dunkerque afin d’ouvrir une nouvelle page du syndicalisme défendu par la CGT dont ils ont besoin et de réaffirmer le soutien de la Fédération qu’ils ont toujours reçu », a commencé Tony Hautbois, secrétaire national de la FNPD CGT, lors de son allocution. « L’histoire de la FNPD CGT et de Dunkerque s’est parfois écrite sur des pages noires », a continué le secrétaire national, mais « elles doivent nous aider à avancer. »
La précarisation par l’intérim
L’inauguration du nouveau local de la FNPD CGT n’est pas un retour, « nous avons toujours été présents dans le port, tant chez les ouvriers dockers qu’au Grand port maritime. » Alors, quand les élections professionnelles des sociétés de manutention se profilent à l’horizon, le syndicat veut asseoir sa présence dans le port. Le discours d’allocution du secrétaire national s’est voulu combatif. « Les dockers doivent connaître la vérité », a-t-il déclaré. Une vérité qui se comprend à la lecture des chiffres que le syndicat des ouvriers portuaires n’hésite pas à diffuser. « Depuis 1992, continue Tony Hautbois, les employeurs ont mis à mal l’emploi qu’ils ont précarisé à outrance en utilisant de façon massive le recours à l’intérim combattu par le FNPD CGT dans chaque port. » Entre avril 2011 et mars 2012, les vacations travaillées dans le port de Dunkerque s’élèvent à 50 566 réalisées par 199 dockers occasionnels. Pire, continue le syndicat, 151 dockers occasionnels ont effectué plus de 200 vacations. Dans les cinq entreprises de manutention du port, ils sont 307 dockers à avoir été mensualisés. « Les ouvriers dockers sont précarisés à Dunkerque, a souligné Stéphane Stamatiou, secrétaire du syndicat des ouvriers dockers de Fos. 50 % d’entre eux travaillent sous des contrats d’intérim. Cette situation doit cesser et nous devons retrouver des emplois stables. » Et Tony Hautbois enfonce le clou: « nous sommes revenus en arrière avec une situation pire que l’intermittence. »
Lutter contre la déprofessionnalisation
Le syndicat des ouvriers dockers s’inquiète de cette dérive. « Nous sommes confrontés au non-respect de la législation et notamment du code des ports maritimes. Dans certaines entreprises, le mot docker ne figure même plus sur la fiche de paye », a souligné Tony Hautbois. Pour les représentants du syndicat, cette politique mène à la « déprofessionnalisation » des ouvriers dockers, souligne-t-il. « Le patronat local ne respecte pas l’accord cadre du 28 octobre 2008 sur le respect des métiers et des qualifications. » Pour Kevin Lavilleville, trésorier de la section du syndicat de Dunkerque, la particularité de Dunkerque tient à ce recours important à de la main-d’œuvre intérimaire qui met en péril les qualifications. « Il est impensable d’envoyer un ouvrier en fond de cale pour y travailler quand il n’a pas les CQP (certificats de qualification professionnelle) nécessaires. Alors même que le port a enregistré, au cours des années précédentes une croissance de son trafic, la politique d’emploi de la manutention a tourné le dos aux ouvriers dockers. » Le syndicat de Dunkerque propose alors de recourir à la constitution d’un pool de main-d’œuvre, « comme cela se fait dans d’autres ports », qui permettrait d’apporter une main-d’œuvre qualifiée lors des pics de trafic.
Se mobiliser pour les élections professionnelles
Outre ces revendications sociales, l’inauguration du local de la FNPD CGT a permis au syndicat de soutenir les candidats lors des élections professionnelles qui vont se tenir dans les prochaines semaines. « Nous avons déjà une vingtaine d’adhérents. Nous souhaitons asseoir notre représentativité dans les entreprises de manutention du port », a rappelé Tony Hautbois. Pour le secrétaire national du syndicat des ouvriers portuaires et le représentant local, le temps est venu d’entrer dans une phase de défense des acquis sociaux. « Face à cette crise orchestrée par le patronat et les classes bourgeoises, le monde du travail n’a jamais autant besoin d’une CGT force de propositions, à l’initiative des luttes convergentes de la classe ouvrière pour que notre aspiration au progrès social aboutisse. » Et dans son discours, Tony Hautbois a voulu replacer le syndicat dans son rôle. « La Fédération a toujours privilégié le dialogue social, mais lorsque nous ne sommes pas respectés, alors la lutte est indispensable. » Il revendique, lors de la réforme de 2008, la paternité de la convention collective nationale unifiée. « Aurions-nous réussi à obtenir la CCNU, dont la pénibilité, si nous n’avions pas mené le combat exemplaire en 2010? S’il suffisait d’écrire pour obtenir satisfaction, ça se saurait. » Derrière les paroles du syndicat FNPD CGT, pointent des critiques à l’égard de l’autre syndicat dunkerquois, la CNTPA CSOPMI. « Notre objectif n’est pas de viser l’un ou l’autre, mais de défendre les intérêts des ouvriers portuaires », se défend Tony Hautbois. Cependant, dans son discours, le secrétaire national dénonce « ceux qui optent pour remettre en cause le droit constitutionnel qu’est le droit de grève, pour un syndicalisme d’accompagnement et de renoncement qui entraîne la précarité que connaissent les dockers de Dunkerque. » Venus défendre « la vérité », les syndicats portuaires souhaitent peser lors des prochaines élections. Déjà, de nouveaux orages s’annoncent pour Tony Hautbois. Il prévient. Face aux orientations du commissaire européen Sim Kallas, « il nous faudra être unis au sein de la Fédération et d’IDC, et avec les ports du range nord qui sont prêts à mener, pas un combat, mais la guerre contre cette Europe ultralibérale qui veut remettre en cause l’emploi des dockers et leur statut. »