Sur les voies navigables européennes, le transport de conteneurs est apparu sur le Rhin au cours des années 1970 avec de premiers ports intérieurs dotés d’équipements dédiés: Mannheim, Strasbourg, Bâle, Karlsruhe. Pour la Commission centrale pour la navigation du Rhin (CCNR): « La navigation intérieure joue un rôle important dans l’acheminement de conteneurs vers les arrière-pays (marchandises de consommation) et, peut-être de façon encore plus significative, dans le transport de produits semi-finis de l’industrie européenne vers les ports maritimes. Elle joue un rôle prépondérant dans les domaines des exportations et du transit. Ceci est dû à l’importance de la navigation rhénane en direction de l’Allemagne, de la France, de la Suisse, et de l’Autriche. »
Antoine Beyer, chargé de recherches à l’université Paris-Est, dans le Guide du conteneur fluvial en Europe, publié par Voies Navigables de France (VNF) et NPI, souligne que « 95 % des conteneurs acheminés par barge en Europe arrivent à Anvers ou à Rotterdam. » Le Rhin concentre donc l’essentiel des trafics fluviaux conteneurisés en Europe. « Cette position du Rhin s’explique par le potentiel conteneurisable de son arrière-pays, la place centrale des ports maritimes dans ce type de trafic et les faibles contraintes de navigabilité qui caractérisent ce fleuve », avance Antoine Beyer.
Une croissance ininterrompue des trafics
La conteneurisation fluviale prend de l’ampleur au début des années 1990 avec le succès du transport fluvial de conteneurs sur le Rhin qui se diffuse sur ses affluents: la Moselle, le Neckar et le Main. À partir du début des années 2000, la conteneurisation fluviale entre dans une période de croissance, quasi ininterrompue à ce jour, dans plusieurs pays européens dotés de voies navigables, principalement les Pays-Bas, la Belgique, l’Allemagne et la France. Aujourd’hui, aux Pays-Bas, la part de marché des voies navigables est de 26,5 %, soit la plus élevée d’Europe, en grande partie, selon la CCNR, grâce au transport fluvial de conteneurs dans les arrière-pays des ports d’Amsterdam et de Rotterdam. Dans ce port, la part de marché de la navigation intérieure atteint 30 %.
La situation est aussi positive en Belgique. « Autrefois sous représentée dans le domaine du transport de conteneurs, la navigation intérieure belge a accumulé des parts de marché de plus en plus élevé ces dernières années », explique la CCNR. À Anvers, 32 % des conteneurs transbordés le sont à bord d’unités de navigation intérieure et l’objectif des autorités portuaires est d’augmenter ce taux de 10 points d’ici à 2020. La part modale de la navigation intérieure atteint 45 % dans le port belge.
Il en va différemment en Allemagne où la part de la navigation intérieure dans la répartition modale est à la peine avec seulement 9,1 %. Outre-Rhin, au départ des ports maritimes, les voies navigables sont largement dépassées par les chemins de fer pour le transport des conteneurs vers l’arrière-pays. « L’insuffisance des liaisons entre les voies fluviales et les ports maritimes allemands constitue l’une des principales raisons à cette situation », précise la CCNR. Ainsi, au port de Hambourg, « qui a connu un remarquable développement de ses trafics maritimes de conteneurs, le trafic fluvial conteneurisé de l’Elbe et du réseau contigu (Elbe Seitenkanal, Mittellandkanal) reste limité. L’offre est à la fois contrainte par les gabarits, qui restreignent les capacités d’emport, et une desserte ferroviaire très efficace », ajoute Antoine Beyer.
En France, « la part de la navigation intérieure dans la répartition modale, moins de 5 %, est encore plus modeste qu’en Allemagne, note la CCNR, et s’explique par la faible densité du réseau. » La quasi totalité des voies navigables exploitables pour le transport de marchandises en France se trouve dans le Nord et l’Est du pays, tandis que de vastes zones situés à l’Ouest et au Sud ne peuvent pas être desservies, continue la CCNR. Pour VNF, le marché du transport fluvial de conteneurs en France « a décollé au milieu des années 1990 avec la création de lignes de transport sur la Seine, le Rhône et dans le Nord-Pas-de-Calais. » Aujourd’hui, la Seine est le premier bassin en terme de trafic de conteneurs, devançant le tronçon français du Rhin (voir tableau). « La Seine relie Le Havre, premier port maritime du pays, à la capitale, Paris, et à la région parisienne, relève la CCNR. Entre Le Havre et l’Île-de-France, la part modale de la navigation intérieure atteint 67 %. Les 33 % restants sont transportés par la route. » La performance de la Seine s’explique aussi par la mise en service, depuis le début des années 2000, de nouveaux terminaux à conteneurs par Ports de Paris. L’essor du trafic conteneurisé sur la Seine devrait se poursuivre dans les années à venir avec l’ouverture du canal Seine-Nord Europe à l’horizon 2017. Cette infrastructure doit relier la région parisienne aux ports maritimes belges.
Il reste en Europe une voie navigable où la conteneurisation fluviale apparaît balbutiante, c’est le Danube. Pour la CCNR, la capacité de ce fleuve, sur lequel peuvent être transportées quatre couches de conteneurs de Constantza à Belgrade et trois jusqu’en Bavière, devrait permettre à certains pays comme l’Autriche et la Hongrie de réaliser des économies substantielles quant à l’utilisation des ports de la mer du Nord. Les délais de transit d’environ une semaine de Constantza en Autriche constituent toutefois un handicap important. De son côté, Antoine Beyer estime que « l’absence d’offre notable pour le Danube s’explique par la faible capacité d’entraînement de son débouché maritime, le port de Constantza, dont les trafics de conteneurs sont plus liés à une fonction de transbordement en mer Noire qu’à une desserte de l’arrière-pays. »