Conteneurisation: des dommages à la marchandise qui durent ou qui se reproduisent

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Avec 2 000 à 2 500 dossiers d’avaries de conteneurs par an, principalement à l’import, le cabinet Fabrice Levesque a une certaine vision de la conteneurisation, sans pour autant être en mesure d’estimer un taux mondial d’avarie. À l’import, le problème éventuel des poids mal déclarés n’est pas le plus fréquent. Par contre, la remorque d’un 20’ ou 40’ qui se couche dans un rond-point est “habituelle”. Le centrage des poids à l’intérieur du conteneur est souvent largement perfectible. La tendance est cependant à l’amélioration, note Fabrice Levesque. Les livrets opérationnels des compagnies maritimes et les actions de prévention menées par certains assureurs finissent par avoir des résultats positifs, mais la guerre n’est pas gagnée.

Voici l’exemple d’un dossier d’avarie terminé récemment. Un hélicoptère est chargé dans un 40’open top (O/T) avec un “léger” dépassement en hauteur de 30 cm. Après cinq ruptures de charge (camion/parc de stockage/ reprise du parc/livraison le long du navire/chargement), arrive ce qui devait arriver: un conteneur est posé sur l’O/T, ce qui endommage gravement l’hélicoptère. « Pas une seule fois, quelqu’un n’avait émis des réserves ou signalé le dépassement », note Fabrice Levesque. Pour la rédaction du B/L, le dépassement avait été signalé mais l’information n’a jamais été relayée vers le terrain. « De toutes les façons, l’hélicoptère ne serait pas arrivé intact à destination », ajoute l’expert, « il était saisi avec des cordelettes. » Au bout de 50 ans de conteneurisation, avec le mauvais centrage des poids, le saisissage de la marchandise empotée reste souvent un sujet d’étonnement. Le secteur maritime, à savoir les chargeurs, l’OMI, le Bureau international du travail et d’autres, sont en train de rédiger un nouveau guide de l’empotage. Cela ne garantira pas davantage sa diffusion ou sa bonne application si l’on en juge par le rapport final de février 2011 du Forum de dialogue mondial sur la sécurité dans la chaîne d’approvisionnement concernant le remplissage des conteneurs.

Les problèmes liés à la condensation

Autre grand classique des réclamations: la condensation dont les conséquences sont variables selon le type de marchandises. Pour les fèves de cacao par exemple, l’emploi du conteneur “superventilé” a progressivement disparu pour des raisons économiques: plus cher à la construction, il n’avait pas d’utilité dans le sens Nord-Sud. La baisse des taux de fret a mis fin à la traditionnelle péréquation qui faisait qu’en payant plus cher leur transport (en valeur absolue), les marchandises dites riches payaient pour les pauvres. De plus, pour dégager leur responsabilité, les transporteurs maritimes ont fait évoluer les règles qui régissent le transport des fèves de cacao. De LCL/FCL, ces règles sont passées FCL/FCL. Le transporteur n’étant plus responsable de l’empotage, il ne peut plus être tenu pour responsable de l’avarie, sauf si l’on peut prouver sa faute. La multiplication des transbordements, avec des séjours à quai plus ou moins longs et des délais de dépotage de plusieurs jours dans un environnement froid, n’ont fait qu’augmenter le risque de moisissure et ont poussé les réceptionnaires à trouver d’autres solutions comme la cale vrac ou le conteneur vrac. Sinon, il faut que les zones de chargement et de déchargement soient équipées d’un système permettant de basculer le conteneur vers le haut au chargement et vers le bas au déchargement pour profiter de la gravité. Avec le conteneur vrac, les temps de chargement et de déchargement sont raccourcis et on peut gagner 3 t de fèves en plus par conteneur. À savoir que durant le déchargement, les fèves moisies, situées généralement en surface, sont mélangées aux autres. Cela rend moins visible le problème et permet de respecter le taux de moisissure admis par la profession. La tendance des avaries de fèves de cacao est à la baisse, constate Fabrice Levesque. On peut s’en réjouir ou non. En effet, il y a environ 25 ans, la recherche de la plus grande qualité de fève de cacao a rendu quelques grands importateurs transformateurs extrêmement exigeants vis-à-vis de leurs transporteurs maritimes. Cette époque appartient, semble-t-il, au passé.

Les textiles sont également sensibles à la condensation. Le nombre et la durée des transbordements sont, là aussi, des facteurs aggravants.

Pour les fruits, notamment la banane, l’usage généralisé du reefer électrique a considérablement amélioré la qualité du transport et mis fin au “pain béni” que représentaient les conairs, il y a quelques années, pour l’expert en avaries.

Au fil des années, les exportateurs de machines industrielles plus ou moins sophistiquées ont pris l’habitude de considérer le conteneur comme étant à la fois un moyen de transport et un emballage. Cela a conduit à de graves déconvenues, notamment lors de la construction d’usines clef en main. Ce type d’opération est souvent victime de retards importants, plus de six mois, et les machines dépotées sont insuffisamment emballées pour la circonstance. L’expert n’est alors pas loin, envoyé par l’assureur transport dont la bienveillance a été sollicitée. La disparition progressive de l’usage d’emballages industriels a entraîné la baisse du nombre d’emballeurs et a eu une certaine influence sur les prix.

À noter que certains sous-produits d’oléagineux (tourteaux) peuvent être à l’origine de mauvaises surprises: selon leur taux d’huile et leur température, ils peuvent entrer spontanément en combustion. En vrac, le bord inonde la cale, en conteneur, cela est impossible.

Pas de norme du transport de porte-à-porte

Dernier exemple, un exportateur de fruits utilise, depuis des années, des palettes certes fatiguées, mais qui supportent encore correctement un transport maritime sans transbordement. Hors, après un ou deux transbordements promptement décidés par le transporteur pour des raisons d’économie, un certain nombre d’entre elles rend l’âme et entraîne un écrasement des cartons de fruits, puis un dommage à la marchandise. La responsabilité du chargeur est engagée, il doit emballer et arrimer la marchandise pour la rendre apte au transport maritime, dit la loi. Certes, sauf que les contraintes physiques du transport de porte-à-porte conteneurisé ne sont nulle part définies, répond Fabrice Levesque: « des illustrations de navire qui montent et qui descendent de grosses vagues ne constituent pas une norme technique. À quelle accélération sont soumis les conteneurs durant les opérations commerciales et le transport proprement dit? Combien de fois est-il d’usage courant de soumettre un conteneur à ces accélérations? Autant de questions sans réponses précises. »

Des risques classiques

À ces risques spécifiques liés à l’usage du conteneur, s’ajoutent les traditionnels, ceux du contrat commercial: par exemple, la différence de réglementation entre le pays exportateur et celui d’importation. Ainsi, le taux d’humidité maximal de la fève de cacao est-il de 8 % en Côte d’Ivoire contre 7,5 % en Europe. La méthode de mesure elle-même influe sur le résultat: faut-il contrôler sac par sac (quand il en reste encore) ou faire une moyenne sur un lot complet? Cela peut rapidement se transformer en demande de baisse de prix.

La température est génératrice de conflit pour certaines huiles alimentaires dont la densité en dépend. Les tables de correspondance entre ces deux grandeurs peuvent être différentes entre le port de chargement et celui de déchargement. L’indépendance de l’expert peut également influer sur la qualité de la lecture de la table de correspondance. Mais cela ouvre une autre perspective.

Cabinet Fabrice Levesque en bref

Jeune ingénieur agronome, Fabrice Levesque se spécialise presque par hasard dans les sinistres facultés et, formation oblige, dans l’agroalimentaire et les soft commodités (céréales, café, cacao…). Il crée son cabinet en 1990. Par la suite, les fruits entrent dans le champ de compétences de l’entreprise, puis les biens industriels, quel que soit le mode de transport.

À ce jour, le cabinet compte une cinquantaine de salariés répartis dans sur une quinzaine de sites en France, à Anvers et à Londres. S’y ajoute un nombre similaire à Saint-Pétersbourg. « De par leur passé soviétique, les Russes n’ont pas la pratique de la demande de dédommagement », note Fabrice Levesque, « mais ils apprennent vite. »

Le groupe est géré depuis le village historique de Lyons-la-Fôret (Eure) où Fabrice Levesque multiplie les activités.

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