Dans son édition du 1er novembre 1962, le Journal de la Marine Marchande reprend une intervention de Tristan Vieljeux, directeur général adjoint de la société navale Delmas-Vieljeux sur les expériences de planification dans les transports africains. Il revient sur la structure du commerce avec les pays « d’Afrique noire » qui importent bon nombre de leur produit de consommation et d’équipement et exportent les matières premières. « La voie maritime est pour eux la seule existante car ces échanges se font essentiellement d’un continent à un autre ». De plus, une grande partie de ces produits mérite une attention accrue dans leur convoyage en raison de leurs particularités. C’est le cas du café, des grumes de bois ou du cacao. Quant au transport maritime en Afrique, il est, déjà à l’époque, extrêmement capitalistique et peu demandeur en main-d’œuvre, note Tristan Vieljeux. Apanage du secteur privé, le commerce maritime des pays d’Afrique est « un des rares domaines où la liberté commerciale joue presque intégralement. » Alors, pour le directeur général adjoint de Delmas-Vieljeux, « il est devenu nécessaire d’organiser la desserte des ports et de réglementer les prix de transport afin d’éviter le désordre que pourrait apporter la simple acceptation du libre jeu de la concurrence ». Mais, dans ce jeu des armateurs privés les seules ententes se font lors des conférences maritimes. Elles ont permis d’apporter « une certaine normalisation dans l’exploitation des navires et une régularisation dans les horaires et les prix de transport ». La planification est devenue une obligation pour Tristan Vieljeux. Elle doit se faire au niveau international et sur une initiative privée. C’est ainsi qu’est apparue la volonté des États africains de se doter d’une flotte nationale. Créer de telles compagnies maritimes est un acte politique si l’on veut voir flotter son pavillon national sur les mers, mais a un inconvénient puisque ce secteur est avant tout régi par la liberté commerciale. Pour Tristan Vieljeux, trois alternatives se présentent: la création d’un pavillon de complaisance comme l’a fait le Liberia, la discrimination pour protéger son propre pavillon, ou encore la création en partenariat avec un armateur privé d’une flotte nationale. Ce dernier cas a été développé au Ghana avec Black Star Line créée avec la ZIM d’Israël. Autre solution proposée par Tristan Vieljeux, la création d’une compagnie maritime supranationale. Une solution qu’on imagine mal, dans les conditions économiques et politiques de l’époque. Il faudrait une compagnie composée d’une flotte de navires aussi différents que les trafics le sont en Afrique de l’Ouest. De plus, si « on peut concevoir un pavillon supranational il est plus difficile de concevoir une nationalité supra nationale » pour le pavillon de ces navires. En conclusion, Tristan Vieljeux imagine mal cette solution se mettre en place, tout en reconnaissant que le rattrapage du continent africain en matière maritime ne peut se faire « que sur la base d’une coopération et d’une planification à l’échelle de leur continent, et ceci même dans des domaines où la plus grande liberté existe, comme dans les transports maritimes. »
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Il y a 50 ans… dans le Journal de la Marine Marchande
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