JOURNAL DE LA MARINE MARCHANDE: Le projet stratégique élaboré juste après la réforme du port est très ambitieux. Quel regard le conseil de développement lui porte-t-il?
PHLIPPE BERTONÈCHE: Ce projet a été élaboré en 2008 et 2009. Mais depuis, la crise est passée par là. Le ralentissement de la sidérurgie à partir de mars 2009 et la fermeture des industries lourdes desservies par Dunkerque l’arrêt des hauts-fourneaux lorrains, ont eu un impact sur nos activités de vracs industriels. Même chose pour les activités pétrolières. Le port subit les conséquences de l’arrêt de la raffinerie de Total.
JMM: Cela change-t-il votre vision stratégique?
P. B.: Aujourd’hui, nous gardons la grande idée de faire un projet très structurant pour le port, avec le creusement du bassin de la Baltique et du bassin du Pacifique. Mais notre vision est différente. Elle est davantage orientée vers le développement du trafic de conteneurs.
Pour les pondéreux, les taux de fret sont très élevés. Je pense que le cycle bas risque de durer. Sur les charbons, il va y avoir un « trou technologique » pendant plusieurs années avant d’en faire une énergie propre (avec la récupération du CO2 et le traitement des fumées). Le port doit rester dans une démarche positive de développement, mais il doit revoir sa copie.
JMM: En d’autres termes, les investissements préconisés dans le plan stratégique pour le développement des trafics de vracs ne sont plus prioritaires?
P. B.: L’allongement du terminal multivracs reste bien inscrit dans les projets! C’est un investissement de 11 M€ pour un quai de 280 m et 3,5 hectares de terre-pleins. Cette année, 4 M€ ont été inscrits au titre des investissements pour l’achèvement des travaux de prolongement, à l’est du terminal. Pour le reste, l’industrie a été secouée, mais elle résiste. Avant la crise, tout le monde croyait que les courbes allaient continuer à progresser. Une fois encore, ce qui pose le plus de difficultés, c’est la crise de la sidérurgie et la fermeture d’Arcelor-Lorraine, c’est l’abandon de la nouvelle centrale de charbon en Grande-Bretagne, etc. L’Allemagne peut bien sûr constituer un débouché, mais ce n’est pas abouti.
JMM: Qu’est-ce qui est prioritaire pour le port?
P. B.: Le développement du conteneur. Les hypothèses de croissance ne sont pas délirantes, mais il y existe des réussites dans des niches comme les fruits et légumes. Par ailleurs, il ne faut pas négliger des aspects importants comme le trafic transmanche. Il est nécessaire d’améliorer l’accueil des ferries et de continuer à améliorer le service.
JMM: Et sur le long terme?
P. B.: Il faut voir à vingt ans et même au-delà. Il faut réfléchir à l’utilisation des espaces aménageables du GPMD. Ce peut être l’accueil d’entreprises, même si elles ne sont pas directement concernées par les activités portuaires. Il faut aussi aménager des zones pour l’industrie éolienne. Tout doit être pensé avec un souci d’équilibre.
JMM: Sur les grands projets de développement, comment travaillez-vous avec les autres instances de gouvernance du port?
P. B.: Les choses ont été un peu longues à se mettre en place. Aujourd’hui, elles sont en ordre de marche. Notre rôle, au conseil de développement, consiste à émettre des avis sur le plan stratégique et les politiques tarifaires. Cela fonctionne.
JMM: Et sur des sujets comme le creusement des Bassins de la Baltique et du Pacifique?
P. B.: Il faudra mettre en place un fonctionnement, des procédures particulières de dialogue. Les professionnels ne siègent pas au conseil de surveillance mais au conseil de développement. Il fallait donc des passerelles entre les deux instances. C’est fait et c’est efficace.
JMM: Le projet stratégique prévoit un plan d’aménagement et de développement durable (PA2D). Le Conseil de développement y travaille…
P. B.: C’est une démarche lourde. Elle repose sur un groupe technique constitué de membres du conseil de développement, de représentants des collectivités territoriales (la communauté urbaine de Dunkerque, le Conseil régional et le Conseil général du Nord), de représentants de services de l’État comme la Dréal, de la société civile, des services du port. 17 membres au total qui bénéficient du soutien des services techniques du port. Chaque étape de la démarche est validée par le Conseil de développement. Il revient au Conseil de surveillance de valider. Nous travaillons actuellement sur un plan d’action qui sera présenté en fin d’année.
JMM: Avec quels axes forts?
P. B.: Nous avons arrêté cinq thèmes de réflexion: la lutte contre le changement climatique, l’énergie et l’industrie; la dynamique urbaine, la gestion des eaux, la biodiversité et les milieux naturels; la prévention des risques naturels, technologiques et sanitaires (et en matière de risques technologiques, on pense notamment au futur terminal méthanier); les transports. Le cinquième thème de réflexion porte sur la gouvernance, parce qu’il faut bien prévoir qui va veiller à ce que ce plan, une fois élaboré, soit correctement mis en œuvre.