Le congrès annuel des assureurs maritimes (Iumi, International Union of Marine Insurance) s’est tenu en septembre dernier à San Diego. Les assureurs ont pu se retrouver et dialoguer autour des conséquences de la crise financière pour leur secteur. Le thème central, « trouver la voie face aux incertitudes économiques » montre la difficulté pour la profession de faire face aux conditions économiques. L’économie mondiale s’infléchit mais les assureurs doivent faire face à des sinistres aux conséquences économiques et sociales grandissantes. Après le Costa-Concordia au mois de janvier au large de l’île de Giglio, l’explosion cet été à bord du MSC-Flaminia pose de nouvelles questions sur la prévention. De plus, la recrudescence des actes de piraterie en Afrique de l’Est, et plus récemment en Afrique de l’Ouest demeure une préoccupation des assureurs.
L’assurance maritime, reflet d’une situation économique
Dans son introduction, Richard du Moulin, cofondateur d’Intrepid Shipping, une société de gestion de flotte, a posé le décor. Après des années de croissance économique et d’investissements par les armateurs, aidés par les banques, le retournement de situation a été violent. Pour Richard du Moulin la solution serait davantage à regarder vers les hommes et la gestion des ressources humaines pour améliorer les conditions dans lesquelles se réalise le transport maritime. Le maritime demeure aussi une activité hautement capitalistique. Les investissements d’hier se concrétisent aujourd’hui dans la livraison de nouveaux navires. Dans sa présentation du comité des statistiques, la présidente Patrizia Kern-Ferretti a mis en évidence l’état actuel de la flotte mondiale. Avec près de 32 Mtpl en opération dans le monde, la flotte continue d’augmenter quand le volume transporté stagne. Le point positif à sortir de ces chiffres vient de la stabilité récente du nombre de livraisons de navires. Mieux, en 2012, les livraisons sont en net retrait sur les premiers mois de l’année. Plus inquiétante est la courbe des démolitions de navires. Après avoir enregistré une légère croissance en 2010 et 2011, l’envoi à la ferraille de navires accuse un repli en 2012. Pour les pétroliers, les mises à la ferraille des navires ont atteint 2 % de la flotte mondiale en 2011, contre 3 % en 2010. Pour les vraquiers, la démolition des navires se stabilise aux environs de 4 %. Pour ces deux catégories de navire, « les taux de démolition demeurent à un niveau élevé », a précisé Patrizia Kern-Ferretti. Il n’en demeure pas moins que les taux de fret pour tous les types de navires sont à des niveaux bas, en dessous des coûts opérationnels. rien ne sert de « faire l’autruche », la réalité de la situation est bien présente. Et la présidente du comité des chiffres et statistiques de Iumi l’a rappelé, « l’avenir n’est pas meilleur à terme. La croissance faible, voire la décroissance et l’instabilité de la zone euro devrait perdurer ».
Quelques chiffres
En 2011, les primes versées aux assureurs maritimes ont atteint 31,9 Md$, soit une hausse de 7 % en un an. Le principal marché demeure l’Europe avec 49,5 % de ces primes, suivie de l’Asie avec 28,7 % du volume (dans les chiffres des sociétés d’assurances maritimes asiatiques interviennent aussi des États non membres de Iumi mais qui fournissent leurs chiffres officiels) puis l’Amérique latine avec 8,3 % du total.
Les primes d’assurance pour les facultés ont atteint 17,2 Md$ en 2011 dont l’Europe se taille la part du lion avec 42,3 %, suivi par l’Asie (32,9 %) et l’Amérique latine (10,5 %). Le Japon conserve la plus grande part de marché de ces volumes de primes avec 11,4 % du total, suivi par la Grande- Bretagne (9,1 %) et l’Allemagne (7 %). La France occupe la cinquième place avec 5 % du marché des assurances facultés.
La particularité de ce secteur est d’enregistrer un taux de sinistre/prime élevé. Au début des années 2000, le ratio s’élève en moyenne à 58 %. Il se dégrade dès les premières années pour atteindre 70 % en 2007 et cela malgré des améliorations. En 2010, il se stabilise et, dès les premiers mois de 2011, continue de croître à 72 %. Ce taux détermine la rentabilité du secteur.
Le secteur des assurances corps de navires n’est pas dans une meilleure situation. Avec 8,3 Md$ de primes, dont l’Europe entre pour 54 % du marché et l’Asie pour 33 %, les corps de navires enregistrent une tendance de baisse de la valeur assurée des navires. En 2011, les assureurs notent une baisse de 3,2 % de la valeur des navires comparativement à l’an passé où la baisse a été de 9,2 %.
En trois ans, la valeur assurée des navires a perdu 27 % en cumul. Dans le monde de l’assurance corps, la France conserve un rang important avec la cinquième place pour 6,1 % de parts de marché, derrière la Grande-Bretagne, les pays scandinaves, le Japon et la Chine.
La piraterie d’est en ouest
Depuis plus d’une décennie la piraterie est devenue un sujet récurrent pour les assureurs maritimes qui appréhendent le sujet plus sereinement. Certes, si le nombre d’attaques au large de la Somalie affiche des chiffres décroissants, le risque demeure, a souligné l’avocat du cabinet Holman Fenwick Willan, Richard Neylon. La mise en place de la quatrième version des BMP (Best Management Practices) lors du passage dans la zone concernée, la légalisation des gardes armés à bord et le déploiement des forces armées dans la zone sont toujours utiles. « Il faut se méfier de l’eau qui dort et cette pause dans le nombre d’attaques ne doit pas faire oublier qu’il faut résoudre à terre la question sur le plan politique et économique si nous voulons éviter un retour de ce phénomène sur une plus grande échelle », a alerté Richard Neylon. Comme lors de son intervention au cours du congrès Iumi à Paris en 2011, l’avocat a encore plaidé contre les rançons. « Le Foreign Commonwealth Office examine les moyens de réduire le besoin de payer les rançons. » Du côté syndical, les réactions ne se sont pas fait attendre. Autre phénomène récent, les pirates sont accusés – sans aucune preuve à l’appui – de détruire les navires. Un nouveau défi se pose alors pour les assureurs, il s’agit de se méfier des fraudes. Richard Neylon a aussi mis en exergue le développement du phénomène de la piraterie en Afrique de l’Ouest, au large du Nigeria et du Bénin principalement. Il a souligné qu’il ne fallait pas confondre la piraterie avec les tentatives de vols d’effets personnels des équipages.