Le groupe Kuhn a été le grand perdant de la réforme portuaire sur le port de Nantes Saint-Nazaire. Et avec lui, Sogebras, la filiale de services portuaires, spécialisée localement dans les colis industriels. Depuis trois ans, elle a poursuivi le port de Nantes-Saint-Nazaire et le nouvel opérateur du terminal à conteneurs sur lequel elle opérait avant la réforme, TGO, filiale à 50/50 de CMA CGM et Bolloré. En juin, elle a hissé le drapeau blanc. « Nous tournons la page. Inutile de se braquer, avec des partenaires incontournables, dès lors que nous restons sur le port », explique Johann Feltgen, le directeur de l’agence Sogebras de Montoir.
Décision difficile. Pas retenu, donc viré, c’est la conséquence de l’appel d’offres: pas de terminal pour le conventionnel à Nantes Saint-Nazaire, un seul opérateur sur le terminal à conteneurs, l’élu se retrouvant d’entrée en position de monopole. « Commercialement, nous aurions pu trouver un accord pour louer des grues comme auparavant au port. L’option n’était pas ouverte. C’était contrats perdus ou gardés mais en sous-traitant du nouvel opérateur », raconte Johann Feltgen. « Nous avons acheté l’outillage, repris du personnel, nous payons une concession. Comment accorder à un autre manutentionnaire nos propres moyens pour nous concurrencer? », explique Ilyasse Aksil, directeur général de TGO. Un seul accord a été conclu. Sogebras a conservé sa liberté d’opération terrestre sur le terminal, détenteur d’un entrepôt sur place.
Sogebras s’est donc reportée sur ses autres activités, logistique, douanes, consignation et agence de ligne. C’est avec cette dernière casquette qu’elle se positionne désormais vis-à-vis de son ancien concurrent à l’appel d’offres. À son actif, aujourd’hui, la ligne Marfret Marajo en provenance des Caraïbes et des Antilles. 70 conteneurs par semaine, un trafic assis sur le commerce de la banane qui ne demande qu’à croître, compte tenu d’un transit time très court, Nantes Saint-Nazaire étant la dernière escale avant la traversée, la première au retour. « Avec de belles innovations puisqu’on y commence du conteneur frigo », indique Johann Feltgen.
Autre nouveauté, Sogebras, est devenue l’agent de ligne de Rickmers, le 1er janvier. L’armateur a été intéressé par une escale à Nantes Saint-Nazaire sur sa ligne Moyen-Orient en fret conventionnel. Cela a donné lieu, en juin, au premier accord tarifaire – indirect – ayant abouti entre Sogebras et TGO. Les prix lui apparaissant trop élevés, Rickmers est intervenu pour s’entendre directement sur les prix avec TGO. « Un accord a été trouvé, mais il le fallait, sous peine de ne pas voir arriver le trafic, raconte Johann Feltgen, ajoutant: Un armateur en position de monopole en tant qu’opérateur sur un terminal ne doit pas abuser de sa position s’il veut développer les trafics. Celle-ci incite les autres armateurs à éviter la place portuaire. Ce qui mettrait d’emblée hors-jeu des acteurs indépendants comme nous. En mettant en avant notre casquette familiale de groupe indépendant des armateurs, nous recherchons la souplesse et l’égalité de traitement pour tous dans l’accès au terminal. »
Rickmers a escalé une fois au terminal multi-vrac, une autre fois plus confortablement au terminal à conteneurs. En remportant, nouveauté, du trafic en conteneur aéro-réfrigéré pour le Qatar. « Nous tenons à cette ligne. Les lignes de trafic conventionnel sont rares en France », insiste Johann Feltgen. Dans cette deuxième spécialité, Sogebras entend se développer sur les autres terminaux du port. Dernièrement, il a fait remonter l’estuaire de la Loire à un navire pour décharger des éoliennes à Nantes. Il y a bien une vie après un échec lors de la réforme portuaire.