JOURNAL DE LA MARINE MARCHANDE (JMM): VOUS ÊTES DEPUIS MARS 2009 À LA TÊTE DU CONSEIL DE DÉVELOPPEMENT QUI SE RÉUNIT QUATRE FOIS L’AN. QUEL BILAN TIRER DE CES PREMIÈRES ANNÉES DE FONCTIONNEMENT?
JEAN-MICHEL MAILLET (J.-M.M.): Le conseil de développement a une plus-value: il représente la société civile dans son entier, à 360 degrés. Co-construire nos avis, c’est une avancée significative et l’expression de la démocratie. Je suis très attentif au fait qu’on se respecte et s’écoute entre représentants des quatre collèges: place portuaire, représentants du personnel, des collectivités, personnalités qualifiées, chercheurs, intellectuels et défenseurs de l’environnement. Ces trois premières années ont permis une inculturation commune, des bases partagées. Les portuaires ont développé une meilleure culture environnementale, et la sphère de l’environnement a une meilleure culture industrielle et portuaire. J’ai fait venir Total pour parler de la raffinerie qu’avant, tout le monde a regardé avec ses propres lunettes, sans bien en connaître les enjeux, les fonctionnements. Et sur des dossiers où existent des dissensions, ça permet au porteur de projet de tester grandeur nature sa présentation, avant de passer au stade d’exposition publique.
JMM: JUSTEMENT, CES ASSOCIATIONS ÉCOLOGISTES, LIGUE DE PROTECTION DES OISEAUX, BRETAGNE VIVANTE, LOIRE VIVANTE ONT COMME UN PASSÉ CONFLICTUEL AVEC LE PORT. ON POURRAIT MÊME DIRE QUE SUR L’ABANDON DE DONGES-EST, ILS ONT GAGNÉ CONTRE LE DÉVELOPPEMENT PORTUAIRE. LES AVOIR INTÉGRÉS DANS LE CONSEIL DE DÉVELOPPEMENT PERMET DE DÉMINER LES DOSSIERS SENSIBLES?
J.-M.M.: Le projet stratégique du port a été approuvé par les acteurs de l’environnement qui ont explicitement demandé l’abandon de Donges-Est. À ce titre, ils ont contribué à l’avis favorable accordé au projet stratégique. Ils sont aussi intégrés quand on discute des répartitions des espaces portuaires, environnementaux et résidentiels, à Saint-Nazaire.
JMM: DE L’ACTIVITÉ DE CE CONSEIL DE DÉVELOPPEMENT, DE QUOI VOUS ÊTES LE PLUS SATISFAIT?
J.-M.M.: Nous avons un groupe qui s’interroge sur la place du terminal sablier, et qui a enquêté auprès d’une cinquantaine d’acteurs portuaires, et présenté au conseil de surveillance les avantages et les inconvénients des solutions retenues. Un groupe de travail étudie le barging fluvial dans l’estuaire. Un groupe démarre sur la compétitivité portuaire, qui n’est pas qu’avec Lorient ou La Rochelle mais les autres ports européens. Une compétitivité qui met l’accent sur la fiabilité bien avant les tarifs portuaires. L’objectif est d’être constructif, même si tarifs ou jours de grève peuvent constituer des sujets qui fâchent. Il faut un état de lieu objectif, partagé. Et comme une partie d’entre nous appartient au monde industriel, avec une expérience, on peut envisager de donner des conseils.
JMM: QUE RÉPONDEZ-VOUS À L’OBJECTION ÉMISE PAR CERTAINS PORTUAIRES TROUVANT « GADGET » CE CONSEIL DE DÉVELOPPEMENT UNIQUEMENT CONSULTATIF?
J.-M.M.: Ces gens-là n’ont pas bien compris la fonction du conseil de développement, qui n’est pas du tout dans une perspective de décision. Il peut orienter les décisions prises par le directoire avec le conseil de surveillance, pas plus. Au conseil de développement, il n’est pas question de se sentir khalife à la place du khalife. Nous ne sommes que des éclaireurs. Pas les pilotes.
JMM: L’ÉNERGIE REPRÉSENTANT 70 % DES TRAFICS, COMMENT SE PRÉPARER À UNE ÈRE QUI AURA MOINS RECOURS AUX ÉNERGIES FOSSILES?
J.-M.M.: Le volet principal du développement, c’est d’augmenter la réception de conteneurs et donc accroître le potentiel du TMDC. Mais il faut aussi maintenir ou conforter les trafics énergétiques, qui sont plutôt rentables pour le port. S’il est bien fait, le PPRT, Plan de prévention des risques technologiques, doit valider les sites Séveso dont la raffinerie. Ce qui doit asseoir le trafic énergétique dans la durée. En ce qui concerne la consommation de ressources fossiles, le gaz a bien des avantages puisqu’il dégage moins de CO2 que le charbon ou le pétrole, et n’est pas en voie d’épuisement. Il a plutôt 200 ans devant lui. Et le gaz est bien mieux réparti dans le monde que le pétrole. On parle bien de l’après-pétrole, mais pas de l’après-gaz. L’énergie du gaz a de l’avenir! On a des projets: on interroge nos clients sur leurs usages du GNL à l’horizon 2015. On a un projet de chargement par camion de gaz desservant les autres ports dans la perspective d’utilisation du GNL comme carburant par les navires, en réponse à la directive européenne imposant des combustibles à moindre teneur en soufre.
JMM: EN PRÊCHANT POUR SA PAROISSE, LE DIRECTEUR DU TERMINAL MÉTHANIER NE RISQUE-T-IL PAS UN CONFLIT D’INTÉRÊT AVEC LE PRÉSIDENT DU CONSEIL DE DÉVELOPPEMENT?
J.-M.M.: Non. Je suis président de l’ensemble du conseil de développement, qui m’a élu, pas spécialement de la place portuaire. On ne se place pas dans une logique d’intérêts particuliers mais de bien commun. Développer le conteneur, maintenir les trafics énergétiques, tout en soutenant les éoliennes.