Sciés ou en grumes, Nantes traite de 70 000 t à 80 000 t de bois par an, en moyenne. Ce calcul exclut les sciés du Brésil ou contreplaqués chinois parvenant en conteneurs à Montoir, réacheminés par la route vers les clients nantais, Nantes restant une place forte du négoce. « Nos métiers évoluent vers moins de manutention maritime et plus de logistique en arrière-quai », note Roland Vonthron, directeur de l’agence Sea Invest Nantes qui manutentionne 65 000 t, à quoi s’ajoutent 40 000 t de conteneurs réacheminés dépotés dans ses zones logistiques de Cheviré. Pour lui, les deux trafics se complètent sans s’opposer. Sea Invest a ainsi réalisé en trois phases, entre 2002 et 2009, des entrepôts pour une surface totale de 50 000 m2, afin de stocker les marchandises destinées à ses clients.
Devenu marginal, le traditionnel trafic de grumes ne mobilise plus qu’une poignée de navires dans l’année. « C’est un peu l’histoire d’une fin programmée. Les grumes sont aujourd’hui transformées dans les pays d’origine, créant ainsi sur place la valeur ajoutée. Les navires transportent davantage de sciages, le transport s’optimise: les grumes chargées en cale génèrent beaucoup d’espace perdu et des coûts de transport élevés vis-à-vis du volume de bois réellement utilisable », note Roland Vonthron. Les pays producteurs ont aussi su produire chez eux des bois de sciage. « Mais on sent une plus grande difficulté à obtenir des bois débités d’Afrique. Et les artisans nous le disent, leur carnet de commande est beaucoup plus vide à partir d’octobre. Le contexte économique commence à se faire sentir sur la construction », note Isabelle Fouin pour Bolloré Logistique Portuaire à Nantes.
Destinés au bâtiment, dopé par l’engouement pour la construction à ossature bois, les résineux scandinaves et russes se maintiennent, chaque navire livrant de 3 000 m3 à 4 000 m3. Le plus gros client et plus gros ammodiateur est le groupe Wolseley (ex-Pinault) et ses enseignes Sinbpla, Silverwood, Réseau Pro. Les bois exotiques ont vu les provenances d’Asie du Sud-Est et les gros-porteurs disparaître, alors que le Brésil a maintenu une activité, désormais à 100 % en conteneur, en adoptant des procédures crédibles de certification, de contrôle, de traçabilité et de gestion durable des forêts.
Un opérateur public par défaut
Et la réforme portuaire? « Ça montre, dit Isabelle Fouin, qu’on avait peut-être été un peu gâté, avec l’application du principe “navire arrivé, navire servi”. Si à Saint-Nazaire, un navire qui attend sur rade ne fait pas râler le client, ici à Nantes, certains ont plus de mal à accepter un délai. Pour nous, port de tramping, les commandes doivent s’anticiper énormément en amont. Il faut donc pouvoir capter un navire en étant prévenu 24 heures à l’avance. » Hormis Roche-Maurice, les opérations se font sous l’égide de Nantes Ports Terminal, filiale d’exploitation à 100 % du Grand port maritime, prévu par la loi, faute d’opérateur privé retenu. Le port ayant récusé le groupement qui, pour gérer le trafic nantais, a proposé de réduire de 13 à 4 le nombre de grues. Socialement impossible. « Nantes Ports Terminal a donc été créé au dernier moment, ajoute Isabelle Fouin. Mais de fait, Nantes Port Terminal n’a pas pu assister aux négociations menées en aval pour la création de GMOP, dont elle est devenue le client. Le GMOP facture les grutiers dont NPT a besoin. La place portuaire nantaise découvre au fur et à mesure les règles, notamment sur la gestion des dépassements d’horaire ». La gestion des terminaux nantais hors céréales sera remise en discussion dans quatre ans. Certains y pensent déjà.