Les lendemains de la réforme portuaire ont laissé des opérateurs sur le carreau. « Pour nous, les portes se sont fermées », dit Philippe Fauvéder dont l’entreprise Manuport tire un bilan amer: « En tant que société de manutention, notre activité s’est vue complètement transformée au profit de ceux qui ont remporté les appels d’offres: nous ne pouvons plus travailler du tout au terminal multivrac où nous avions par exemple un trafic de bentonite, jusqu’à huit navires par an. Leader du nouvel opérateur MBT, Sea Invest a récupéré le marché. Au TMDC, nous avons conservé nos clients mais uniquement en sous-traitant la manutention navire à TGO l’opérateur, qui au passage récupère 90 % de la marge… La réforme devait augmenter la productivité. C’est encore trop tôt pour le constater. Elle devait améliorer la compétitivité du port, j’ai plutôt l’impression que le coût du passage de la marchandise a augmenté et augmentera dans les mois à venir. Activité reconnue fortement déficitaire pour le port autonome, outillage et personnel rattaché ont été transférés aux opérateurs privés, qui ne peuvent faire autrement que de répercuter son impact à leurs clients sur les coûts de passage de la marchandise. »
Il a le sentiment d’un « marché de dupes ». Les dés ont-ils été jetés avant? L’appel d’offres n’a-t-il servi qu’à préserver les apparences vis-à-vis de l’Europe? « Le résultat ne semble pas très équitable pour tous les opérateurs. Les grands groupes ont peut-être eu accès à d’autres éléments que les indépendants. Par exemple, le marché a prévu qu’il fallait racheter les grues. Pendant que de notre côté, nous faisions des montages compliqués avec nos banquiers, les grands groupes ont peut-être eu d’autres infos. En tous cas ils n’ont pas, a priori, déboursé d’argent pour l’acquisition de cet outillage. Les grues leur ont été cédées en crédit-vendeur, payables avec des créances sur 15 ou 20 ans. Si nous avions su avant que cette disposition existait, nous aurions abordé les dossiers d’une autre manière. »
Restent à l’entreprise Manuport quelques opérations de manutention sur le bassin de Saint-Nazaire, autour des chantiers navals et des moteurs de Man Diesel notamment, sans envisager de réels développements, par manque d’espace libre. Une partie des quais est réservée pour la construction, et pour le reste, avec le terminal fruitier et le terminal céréalier, terminaux dédiés, il reste peu de place pour travailler.
Le bilan de la réforme pour Manuport Montoir est lourd. Hormis la perte de la maîtrise d’œuvre, essence même de son métier, subsistent les questions de l’impact économique, de l’avenir du personnel local de l’entreprise et des investissements en matériel (engins, élingues, etc.) devenus inutiles. « Malgré cette mésaventure en Basse-Loire, Manuport reste toujours très actif et combatif dans d’autres ports qui ne sont pas concernés par la réforme. »