Francis Bertolotti est lorrain. Et sidérurgiste. Ce qui ne le rapproche guère, a priori, du monde maritime. Sauf que chapeautant les usines européennes d’acier d’emballage du groupe ArcelorMittal, il replace exactement le port de Nantes-Saint-Nazaire et ses 31 Mt l’an dernier dans la grande lessiveuse de la globalisation. « La mise à niveau des équipements, l’extension des linéaires de quai, les outillages, la plate-forme multimodale derrière, les lignes de cabotage locales et vers l’Europe, tout cela a pour but de permettre au port de Nantes-Saint-Nazaire de revendiquer légitimement une place européenne. Qu’il appartienne aux 20 à 50 ports qui compteront dans le monde dans les années qui viennent. »
Alors que les premières menaces sur sa vocation énergétique apparaissent avec la baisse de son trafic de gaz naturel, Francis Bertolotti, « se sent personnellement investi » dans la définition d’un nouveau projet stratégique à 20 ans. Ce qui est prévu avant la fin 2013. L’État sera questionné pour tenter de préciser ses intentions. « Sécurisation des approvisionnements, déclin probable des flux de pétrole mais accroissement du gaz naturel de schiste en provenance des États-Unis, plusieurs scénarios sont possibles pour Nantes Saint-Nazaire, 2e port énergétique français après Marseille. »
Le reste des trafics (un tiers) reposant sur l’économie locale et son insertion dans des filières et réseaux parfois mondiaux, il les défend avant tout par sa fiabilité. « Avec la réforme portuaire, on a voulu déplacer une montagne. C’est fait. La réforme est en voie de digestion. Mais les capacités de blocage du port sont restées les mêmes. Une de mes préoccupations, c’est de convaincre tous les acteurs de cette obligation de fiabilité. Sinon, on aura beau faire de la stratégie, ça ne servira à rien. »
Quelle industrie portuaire en France?
En patron, Francis Bertolotti compte qu’au terme d’un « énorme effort de conception », un nouveau projet stratégique identifie les secteurs d’emplois nouveaux. Et que cette perspective soit bien « vendue ». « Le port attire naturellement les convoitises. Il est l’objet de nombreux « parents bienveillants ».Je souhaite que le conseil de surveillance, constitué quand même de nombreux entrepreneurs, inspire encore davantage la politique du port. Et que l’État aussi s’y implique davantage, dans sa vision de moyen et long terme pour développer l’industrie. »
En attendant, le port doit d’abord créer de nouvelles lignes, de nouveaux trafics. Sa chance? La renaissance des trafics sur la côte européenne. Premier exemple, l’autoroute de la mer Montoir-Gijón. Deuxième, le trafic sur barges. C’est aux acteurs privés d’agir. Avec un atout dans leur manche: « Le coût d’une escale est important, mais dans la structure de coûts des clients, il est acceptable. » C’est l’industriel qui parle. Précision, du président du conseil de surveillance, cette fois: « Des ajustements doivent intervenir entre les opérateurs de terminaux de rang 1 et les autres pour que la libre concurrence n’aboutisse pas à rater des opportunités de trafics. »
Vérification des finances en cours
Ensuite, Francis Bertolotti voit le port augmenter ses capacités d’anticipation. C’est ce qu’il a fait pour voir émerger la filière des éoliennes de mer dans l’estuaire de la Loire. « Le port a catalysé et coordonné les énergies locales. Du terrain va être dégagé pour Alstom et les deux usines que le groupe français veut construire en bord à quai dans le port. Une nouvelle industrie française pérenne et exportatrice peut naître ici. »
Seul bémol, cet opportunisme de bon aloi se déploie à coup d’emprunts sur fond de recettes déclinantes à cause de la baisse du trafic de gaz. « L’investissement, certes, c’est l’avenir. Mais le conseil de surveillance, en charge de la bonne gestion du port, a besoin d’être rassuré sur la ligne directrice suivie et au bon niveau d’investissement. » Une vérification prévue pour la mi-septembre. Mais qui laisse présager une évolution du modèle économique du port. Si les droits portuaires ne vont pas baisser, l’accès au foncier va compter aussi de plus en plus.