Sur cette zone de refuge, différents experts (pompiers, chimistes, ingénieurs) détermineront les dangers potentiels que peuvent présenter le navire et sa cargaison et la manière de les éliminer. Ce n’est qu’après cette estimation que le choix du port sera pris. Avant cela et avant d’entrer en Manche, le navire sera inspecté par une équipe composée d’experts britanniques, français et néerlandais, agissant pour le compte de la Maritime and Coastguard Agency (UK). Pour la deuxième fois depuis le 14 juillet, date de l’alerte captée par les Britanniques, ces derniers ont rompu le silence et confirmé que probablement le 24 août, une équipe d’experts désignés conjointement par les autorités britanniques et françaises inspecteront « en détail » le navire lorsqu’il sera à environ 30 nautiques de la côte anglaise. Cette équipe comprendra deux experts « internationalement reconnus dans le sauvetage maritime » et un spécialiste de la lutte anti-incendie d’une préfecture maritime. Le résultat de cette inspection « sera communiqué à tous les États côtiers » concernés par le transit du navire, « afin de leur permettre de décider s’il y a lieu ou non de formuler des demandes supplémentaires avant que le navire ne soit dirigé vers les eaux allemandes ».
Quel port acceptera de neutraliser un de ses quais?
Pour un spécialiste français de l’assistance-sauvetage des navires marchands, il est très probable que cette inspection détaillée se limitera à vérifier que les estimations de Smit, responsable internationalement reconnu du sauvetage, sont correctes et justifiées. « Il n’est guère envisageable de faire plus en peu de temps », conclut-il avant d’aborder la question centrale. Quel port acceptera de neutraliser un de ses quais durant trois à quatre mois le temps nécessaire pour traiter le navire avant qu’il ne soit envoyé vers un chantier de démolition ou de réparation. Cette perspective n’enthousiasme aucune autorité portuaire, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’un porte-conteneurs de 300 m. Sans parler des risques de cessation d’activité de tout ou partie de la zone portuaire si le navire casse durant le chanalage ou s’il génère soudainement des émanations toxiques à quai. Les autorités britanniques ont une bonne expérience du traitement de la cargaison d’un porte-conteneurs endommagé depuis l’échouage du MSC-Napoli. Les Néo- Zélandais, également.
Pour un haut responsable français de l’action de l’État en mer, la principale préoccupation française était alors de savoir qui allait accepter de recevoir ce navire afin d’éviter « l’horreur absolue » d’un convoi faisant des ronds dans l’eau en Manche. Le porte-conteneurs est « presque bien »: sa gîte est revenue à 2,5o. Ses tirants d’eau ont été réduits mais restent trop importants pour beaucoup de ports. Smit est un grand professionnel et trois remorqueurs de haute mer accompagnent le navire.
Tout est bien qui devrait bien finir dans les eaux allemandes. Mais il n’est pas certain que la Commission européenne l’entende de cette oreille, car le début d’usage qui voudrait que les navires « dangereux » terminent sur une plage ou zone de refuge de leur État d’immatriculation devrait rapidement trouver sa limite.
Bienvenue au pays
L’accès des navires à la ZEE
La Convention sur le droit de la mer de 1982 stipule que la zone économique exclusive (ZEE) est soumise au régime juridique particulier résultant de ses dispositions. C’est-à-dire que contrairement au régime des eaux territoriales, les droits de l’État côtier sont limitativement énumérés. Il est notamment prévu que dans la ZEE, tous les États, qu’ils soient côtiers ou sans littoral, jouissent des libertés de navigation et de survol. La Convention prévoit toutefois que les États côtiers peuvent définir une zone particulière à l’intérieur de la ZEE dans laquelle des prescriptions spéciales peuvent être imposées aux navires afin de prévenir de la pollution. C’est d’ailleurs ce que prévoit le code de l’environnement. En France, la loi précise le champ de la souveraineté de l’État sur la ZEE et affirme sa compétence pour préserver le milieu marin. C’est donc sur ce fondement que l’on pourrait refuser l’accès du MSC-Flaminia dans notre zone, mais encore faut-il être en mesure de démontrer la réalité des risques de pollution ou de naufrage. Le principe de précaution implique, selon la charte de l’environnement, la mise en œuvre d’une procédure d’évaluation des risques.
Robert Rezenthel, chargé de cours à l’Université de Lille II, avocat au barreau de Montpellier
Le retour de la parole publique
Grâce à l’ONG Robin des Bois (à partir du 30 juillet), à l’association bretonne Mor Glaz (le 1er août) et à l’Association française des capitaines de navires (dès le 10 août), le gouvernement a rompu le silence le 10 août, fin d’après-midi. Delphine Batho, ministre de l’Écologie, et Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des Transports et de la Mer, suivent avec une « grande vigilance » l’évolution de la situation. Les services de l’État poursuivent leur « mobilisation » pour recueillir toutes les informations techniques nécessaires au traitement de la situation du MSC-Flaminia, en lien « permanent » avec leurs homologues européens concernés, « sans qu’il soit pour l’instant question de l’accueillir dans les eaux territoriales françaises. La priorité est d’assurer la sécurité maritime dans des espaces très fréquentés et d’éviter tout risque d’atteinte à l’environnement marin et aux littoraux ». L’incendie et la « nature » de la cargaison du navire « exigent de procéder par étapes et de s’assurer de l’absence de risque pour la sécurité et l’environnement puis de la capacité du navire à résister à un voyage avant d’envisager un refuge intermédiaire », ont ajouté les ministres 30 jours après le début de l’alerte.