Mi-juillet, l’International Chamber of Shipping (ICS) a souhaité rappeler au Fonds monétaire international (FMI), et plus particulièrement à son directeur Christine Lagarde, quelques règles en matière de prélèvements (redevance et/ou taxe) liés aux émissions de CO2 sur les entreprises du secteur du transport maritime. La mise au point a pris la forme d’une lettre adressée au directeur du FMI par Masamichi Morooka, directeur de l’ICS, organisation professionnelle internationale à laquelle sont adhérents de nombreux opérateurs de navires, représentant près de 80 % de la marine marchande mondiale. L’ICS représente les armateurs dans les discussions internationales portant sur la réduction des émissions de CO2 et autres gaz à effet de serre (GES) des navires au sein de l’Organisation maritime internationale (IMO) et de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). La réaction de l’ICS fait suite à une phrase du discours du directeur du FMI lors de la Conférence des Nations unies sur le développement durable organisée mi-juin à Rio. « Les charges pesant sur les émissions de l’aviation internationale et du transport maritime pourraient s’élever à près d’un quart des 100 Md$ nécessaires à l’adaptation au changement climatique et à son atténuation pour les pays en voie de développement; des ressources que les pays industrialisés se sont engagés à mobiliser à l’horizon 2020. »
Respecter les principes du transport maritime
Pour le directeur de l’ICS, ces propos ont provoqué « une grave préoccupation » car ils ignorent « les obstacles majeurs à l’adoption de charges pour le transport maritime ». Masamichi Morooka estime que les sommes évoquées non seulement ne tiennent pas compte de la faible part du transport maritime dans les émissions globales de CO2 (moins de 3 %), mais peuvent aussi être interprétées comme une taxe sur le commerce et les échanges par les pays émergents. Pour l’ICS, le FMI semble aussi méconnaître l’un des principes fondamentaux du transport maritime et de son régulateur, l’IMO: la nécessité d’un cadre réglementaire de niveau mondial. Il n’est donc pas possible d’instaurer deux systèmes différents de prélèvement sur les émissions de CO2, l’un pour les pays en développement, l’autre pour les pays industrialisés. Les armateurs de ces derniers pays, dont les navires seraient soumis à des charges plus élevées, pourraient aussi simplement décider de changer de pavillon pour échapper à toute charge supplémentaire, indique l’ICS. « Un nouveau mécanisme de taxe sur le CO2 ne sera accepté par la communauté maritime internationale qu’à condition de tenir compte de la nécessité de règles uniformes au niveau mondial qu’il faut concilier avec le principe de responsabilité commune, mais différenciée de la CCNUCC. C’est la raison pour laquelle les négociations sur le sujet sont si compliquées entre l’IMO et la CCNUCC », explique la lettre de l’ICS.
Des mesures fondées sur le marché
L’organisation assure également que le secteur du transport maritime est conscient que la réponse aux changements climatiques passe par une réduction des émissions. Et les acteurs du secteur sont prêts à jouer le rôle qui leur revient dans la réduction des émissions de CO2 et autres GES. Masamichi Morooka met en avant à ce propos le travail de réflexion en cours sur les « mesures fondées sur le marché » (Market Based Measures) sous l’égide de l’IMO. Toutefois, avant toute création de nouvelles charges, il est indispensable de tenir compte de la spécificité de l’industrie du transport maritime et de son rôle majeur dans les échanges internationaux. « Il faut trouver un système de prélèvements (redevance et/ou taxe) sur les émissions des navires qui ne crée pas de distorsion du marché et ne rompt pas la fluidité du commerce mondial. Et c’est là une équation très complexe », conclut l’ICS.