Les premières pages du rapport annuel 2011 de l’International Chamber of Shipping (ICS), publié en mai, sont consacrées à « la tragédie du Costa-Concordia » survenue le 13 janvier et ayant entraîné la mort d’au moins 30 personnes sur les 4 000 présentes à bord du navire. Le naufrage du Costa-Concordia devrait avoir « des conséquences au niveau de l’Organisation maritime internationale et sur les règles de sécurité en vigueur à bord des navires de croisière », avance l’ICS. La Commission européenne a annoncé le lancement d’une consultation publique et d’une révision de sa législation dans ce domaine au cours de l’année 2012. Le Congrès des États-Unis va organiser des auditions sur le sujet, sachant qu’une large partie des passagers à bord des navires de croisière sont des ressortissants américains. Aussi, « il est vital pour le secteur de la navigation de comprendre la succession d’événements qui a conduit au désastre à bord d’un navire doté des équipements les plus récents et d’un équipage qualifié », note l’ICS. Même s’il est trop tôt pour connaître le résultat de l’enquête, les questions soulevées portent sur tous les aspects de la sécurité à bord des navires, continue l’ICS: les procédures d’évacuation, la stabilité, la course au gigantisme, les conditions d’assurance.
La piraterie reste un souci majeur
Le rapport annuel enchaîne ensuite sur une autre tragédie pour le secteur de la navigation: la piraterie au large de la Somalie et ses conséquences sur les équipages des navires. Plus de 60 membres d’équipages ont perdu la vie au cours d’actes de piraterie dans cette partie de l’océan Indien et plus de 4 000 ont été pris en otage, rappelle l’ICS. Cette organisation n’oublie pas les dégâts causés par la piraterie sur les échanges mondiaux et les économies des pays d’Afrique et du Moyen-Orient, mais « la principale préoccupation des opérateurs de navires demeure l’aspect humain ». L’ICS dénonce « des articles de presse donnant l’impression que le niveau de la piraterie a diminué au large de la Somalie alors que les données fournies par les forces militaires présentes montrent que le nombre des attaques et les capacités de nuisance des pirates sont plus élevés que jamais ». C’est le taux de réussite des actes de piraterie qui a reculé grâce à la mise en œuvre du Best Management Practices (BMP) à bord des navires et des interventions plus musclées des forces navales engagées sur zone, analyse l’ICS. Si les auteurs du document se félicitent de la décision de l’Union européenne en mars de poursuivre l’opération Atalante jusqu’en 2014, ils déplorent le recours de plus en plus répandu à des gardes armés privés à bord des navires. « Cette solution n’est pas viable à long terme, explique l’ICS, et ne permet pas une éradication de la piraterie. » L’ICS joue tout de même un rôle de lobbying auprès de l’OMI et de l’ONU pour obtenir une réglementation claire concernant le rôle des gardes armés privés à bord des navires et un cadre légal au sein duquel les compagnies pourraient faire appel à ces milices. L’autre axe de travail de l’ICS sur le sujet de la piraterie concerne la nécessité d’un jugement par un tribunal de tous les pirates interpellés, et leur emprisonnement s’ils sont jugés coupables. Lors d’une conférence internationale sur la Somalie au Royaume-Uni en février, l’annonce de l’établissement d’un nouveau centre de coordination régionale de lutte contre la piraterie aux Seychelles est mise en avant par l’ICS. À l’opposé, l’idée d’interdire le paiement de rançons par les compagnies pour délivrer les équipages ne remporte pas les suffrages de l’organisation: « Cela reviendrait à contraindre les opérateurs de navires à abandonner leur équipage aux meurtres et aux exactions de toutes sortes. » Les marins et les compagnies pourraient refuser de naviguer dans la zone concernée, ce qui aurait de larges conséquences sur les échanges internationaux, assure l’ICS. Et l’organisation d’appeler à « une tolérance zéro contre les actes piraterie partout dans le monde » qui ne pourra résulter toutefois que d’une mobilisation générale de la communauté internationale.
La réduction des émissions de CO2
Le troisième sujet important pour l’année 2012, selon le rapport annuel de l’ICS, concerne les mesures de réduction des émissions de CO2 prises dans le cadre de Marpol (annexe 6). Le secteur de la navigation est appelé ici à contribuer aux politiques globales de lutte contre le changement climatique. L’ICS se déclare convaincue que l’objectif de réduction de 20 % des émissions de CO2 par t/km à l’horizon 2020 est atteignable par les acteurs du monde du shipping. Des discussions sont toutefois encore nécessaires entre ces derniers et l’OMI pour y parvenir, sachant que la généralisation de l’utilisation d’un carburant allégé en soufre entraîne des coûts supplémentaires non négligeables pour les armements. En décembre 2011, la conférence mondiale sur le changement climatique à Durban a décidé de la création d’un fond spécifique pour aider les pays en voie de développement à réduire leurs émissions de CO2. Ce fonds pourrait être alimenté, entre autres, par le secteur de la navigation à hauteur de montants variant entre 16 Md$ et 40 Md$, indique l’ICS. Un tel niveau de contribution doit être négocié, réclame l’organisation, les instances internationales ne devant pas oublier que le transport maritime est l’un des modes les moins polluants en terme d’émissions de CO2 par t/km alors qu’il assure plus de 90 % des échanges mondiaux.
Les évolutions possibles en Asie, en Europe et aux États-Unis
Le document de l’ICS fait aussi le point sur les changements que pourrait connaître le transport maritime en fonction de l’évolution économique de différentes zones du monde. L’ICS relève qu’une partie du secteur de la navigation a été relativement épargnée par la crise économique grâce à la croissance continue de la demande en matières premières de la part de la Chine et de l’Inde, notamment. Cette situation pourrait changer avec la volonté annoncée début 2012 par la Chine de rééquilibrer son économie au profit de sa consommation interne. En conséquence, à moyen terme, la demande de transport maritime de la part de la Chine pourrait décroître, avance l’ICS. D’autre part, la tendance à la hausse des rémunérations des travailleurs chinois commencerait à entraîner des délocalisations vers des pays à plus bas coûts de main-d’œuvre situés en Asie mais aussi en Amérique latine. À long terme, une évolution des trafics maritimes serait possible si la Chine perd son statut « d’atelier du monde ». Pour le court terme, l’ICS note que la crise économique en Europe freine les échanges avec la Chine. Les États membres de l’Union européenne sont en effet largement handicapés par la crise de la dette. Pour le transport maritime, la situation de l’UE a des conséquences négatives en matière de financement de navires, indique l’ICS, la majorité des banques impliquées sur ce marché étant européennes. Enfin, à propos des États-Unis, l’organisation rappelle la diminution des exportations énergétiques de ce pays avec l’essor de l’exploitation du gaz non conventionnel (shale gas) depuis 2008. Les États-Unis connaîtraient aussi un frémissement de reprise économique qui devrait avoir des conséquences positives pour le transport maritime tout comme les annonces d’exploitation pétrolières nouvelles dans le golfe de Mexico et en Alaska. Il demeure toutefois une inconnue pour les Amériques: l’impact de l’agrandissement du canal de Panama dont la mise en service est programmée pour 2014, conclut l’ICS.