Port de Bretagne, le plus grand mobilisateur commun

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En 2007, avec la loi de décentralisation, la Région Bretagne prend en charge les infrastructures portuaires et aéroportuaires. Les places de Brest, Saint-Malo et Lorient passent sous sa propriété. Jean-Yves Le Drian, président de la Région et Gérard Lahellec, quatrième vice-président en charge des transports et des infrastructures, ont pris ce dossier à bras-le-corps. Ils créent le concept de Port de Bretagne. « Au travers de ce concept, nous avons voulu donner une dynamique de mouvement. Il ne faut pas l’entendre comme une négation des places mais comme une volonté régionale de mutualiser le meilleur », souligne Gérard Lahellec. Derrière ce concept d’une « ambition durable des activités maritimes pour la Bretagne », comme le répète le vice-président de la Région, il réfute toutes velléités de fusion. Cette mutualisation des places portuaires ne doit pas se confondre avec une moindre ambition pour une place portuaire. « Notre souci est véritablement d’avoir une ambition commune pour tous les ports. Les inquiétudes de certaines places n’ont pas lieu d’être. » Cette ambition de toutes les places s’est concrétisée ses dernières années par des investissements adaptés. Ainsi, la Région a engagé un programme de 30 M€ sur le port de Lorient. À Brest, ce sont 130 M€ qui ont été nécessaires pour assurer le développement du port. Saint-Malo n’est pas en reste avec un projet tout aussi ambitieux. Des enveloppes budgétaires qui sont à trouver auprès des ressources de la Région. Lorsque l’État a décentralisé la gestion des ports, il a calibré les dotations globales sur le trafic réalisé au cours de la dernière décennie. « Au global nous recevons 15 M€. Nous avons investi, au titre de la Région, 106 M€ », souligne Gérard Lahellec.

La Région de Bretagne est aujourd’hui aux confins de la frontière entre deux exercices. Après la mise en place du plan stratégique, elle est face aux nouveaux défis du renouvellement des concessions portuaires.

Stratégie mutualiste

En 2008, après avoir reçu la propriété des ports, la Région met en place un comité de pilotage stratégique qui associe tous les opérateurs portuaires, à savoir gestionnaires et opérateurs économiques, mais aussi les ports qui ne relèvent pas de sa compétence, comme par exemple ceux du Tréguier et du Légué. Pendant deux ans, ce comité va travailler pour mettre sur pied une stratégie globale avec une mutualisation des moyens et des connaissances. Ces grandes lignes stratégiques se sont ensuite déclinées sous forme d’investissements. « Nous avons adopté une approche par filière », continue Gérard Lahellec. Un angle d’attaque qui permet d’avoir une vision plus large de l’ensemble des places bretonnes. Qu’il s’agisse de l’agroalimentaire, du transmanche, des matériaux de construction ou de la réparation navale, la Région recherche avant tout une complémentarité au travers du mobilisateur commun. À titre d’exemple, le vice-président de la Région cite les matériaux de construction. « Nous constatons une croissance démographique en Bretagne dont la répartition n’est pas égale sur l’ensemble du territoire. Nous devons donc relever la dynamique plus forte pour concentrer nos investissements sur les ports les plus concernés. »

Cette approche d’une logistique par filière se complique compte tenu de la géographie bretonne. « Notre territoire est compliqué. Il est petit et proche de la mer », explique Gérard Lahellec. La Bretagne est avant tout un territoire de production, « mais nous ne pouvons pas compter sur la spontanéité bienveillante du marché. Nous devons prendre notre destin logistique en main et le porter avec nos ports ». Outre l’aspect portuaire, l’approche logistique bretonne passe aussi par les transports terrestres. La région travaille sur un Plan fret avec un volet routier et un volet ferroviaire. Sur le fer, l’approche de la région est de se calquer sur l’usage. « L’infrastructure ne règle rien. Les opérateurs ne règlent pas tout. Il nous faut un opérateur et avoir des infrastructures selon l’usage que nous voulons en faire. » Pour le vice-président de la Région, il faut partager l’usage pour configurer le fret. Parmi les solutions auxquelles la Région a réfléchi apparaissent les plates-formes de mutualisation entre le fer et la route. « Nous avons déjà vaincu des obstacles mais il en reste d’autres à franchir. » Dans cette approche du fret terrestre selon l’usage, la Région intègre aussi les demandes des consommateurs. Ils demandent plus de produits frais et de régularité. Gérard Lahellec a fait ce constat pour de nombreuses sociétés. Ainsi, les boîtes Hénaff ont modifié leurs circuits logistiques. Ils livrent toujours autant de marchandises mais sur un nombre plus large de rotations. « C’est ce défi que nous devons relever aujourd’hui avec un partage de l’usage », plaide le vice-président de la Région. La résolution de cette approche terrestre est aussi une valorisation pour les places portuaires dans le combat actuel que mènent les ports européens sur la conteneurisation et les autoroutes de la mer. « Ces deux filières sont une brique dans le concept de Port de Bretagne que nous devons anticiper. Ce sont des éléments importants qui habitent notre stratégie. » Des contacts sont pris pour ouvrir une autoroute maritime, pour développer la conteneurisation à Brest, « mais nous avons un lourd inconvénient avec le transport terrestre ».

« Port de Bretagne numérique »

Dans cette approche mutualiste du concept de Port de Bretagne, la Région mise aujourd’hui sur le développement du numérique, sous le vocable de « Port de Bretagne numérique ». Le besoin en système informatique numérique a émergé depuis la prise de la gestion des ports en 2007. « Nous avons déjà commencé avec le logiciel Gedour, qui signifie vigie en breton, pour les escales. C’est une première brique dans le numérique mais nous devons aller encore plus loin. » Alors la Région souhaite la création d’un cargo community system qui soit adapté à l’ensemble des places portuaires et qui puisse répondre aux exigences des différentes filières de trafic, du vrac industriel aux ferries en passant par les vracs liquides. « Dans ce développement, la Région a un rôle de fédérateur du projet. La mutualisation des moyens est un levier. » L’approche se fait d’abord par place portuaire en fonction de ses spécificités. « Nous voulons disposer d’un noyau commun avec des modules d’adaptation en fonction des places portuaires. » Le cahier des charges doit être rédigé dans les prochains jours entre les communautés portuaires et les douanes, pour ensuite lancer l’appel d’offres. « Nous espérons que ce système sera opérationnel en 2013. »

Depuis 2007, la Région Bretagne a pris en main ses ports. La prochaine étape sera le renouvellement des concessions qui doit intervenir entre 2017 et 2018. La question de voir un seul appel d’offres pour les trois places portuaires de Brest, Lorient et Saint-Malo taraude les esprits. Le vice-président de la Région ne s’aventure pas sur ce terrain. « Nous verrons en temps et en heure. D’autres échéances sont à franchir et d’autres travaux doivent être réalisés avant cela », conclu Gérard Lahellec.

Réforme des ports ou de la décentralisation

La réforme portuaire de 2008 a touché l’ensemble des ports français, notamment au travers de la nouvelle convention collective unique unifiée. Les ports et les opérateurs la subissent sans toutefois en tirer des avantages. Pour Gérard Lahellec, « la réforme portuaire a été mise en place sans que nous soyons consultés. » Et le vice-président de la Région en charge des transports et des infrastructures attend une nouvelle étape de la décentralisation. « Il faut une approche publique nouvelle de cette réforme. Il faut une réforme fiscale et de moyens démocratiques pour donner une nouvelle gouvernance. C’est une bonne façon de créer des synergies. L’avenir des ports régionalisés est limité si l’État ne s’en occupe pas. Nous ne pouvons pas tout faire. »

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